3. La réforme de l’entreprise autour du projet de création collective, de la promotion de l’entreprise citoyenne et de la lutte contre les discriminations

Les entreprises sont au centre du système productif et des rapports sociaux. Depuis les années 1980, la gouvernance des grandes entreprises a profondément changé, modifiant leur fonctionnement et les relations entre les petites et les grandes entreprises, via le développement des stratégies d’impartition.

De nos jours, règne l’image de l’entreprise comme projet d’investissement financier pour des actionnaires, reléguant au second plan le projet industriel et le progrès collectif. Le poids des actionnaires dans les choix stratégiques et managériaux devient prépondérant, et la « Corporate Governance » s’impose en désignant l’ensemble des dispositifs susceptibles d’encadrer les pouvoirs des dirigeant.e.s (stock-options, par exemple). L’entreprise n’est plus qu’un assemblage d’actifs valorisables sur le marché, et le « court-termisme » de la performance actionnariale l’emporte sur le développement de l’entreprise et ses capacités collectives d’investissement. Face à cette situation, dans quelles directions engager les réformes de l’entreprise ? Comment passer d’une logique court-termiste à une vision de long terme ? Réformer les rapports de pouvoir dans l’entreprise ? Passer d’une logique actionnariale à une logique de projet de création collective, où l’entreprise n’est plus organisée autour de la maximisation du profit mais du développement des compétences individuelles et collectives, de l’innovation et de la prise en compte de l’écologie ? Quels sont les autres modèles disponibles et comment aider au développement de la cogestion ou de la cosurveillance, des Scop et des coopératives ?

 

Refonder l’entreprise passe par une organisation nouvelle, une autre organisation des pouvoirs, de nouveaux principes de management :

  • Refonder le droit des sociétés et créer de nouveaux supports juridiques autour de l’entreprise comme institution collective et sociale structurée autour des apports de capitaux, des salarié.e.s, des cadres, des clients, des fournisseurs, des collectivités locales, etc.
  • Refonder les critères de gestion en tenant compte de la gestion des ressources (bilan environnemental, audit, comptabilité verte…). Des incitations fiscales pourraient être envisagées afin de favoriser les entreprises « durables ». Le code des marchés publics pourrait privilégier les entreprises en fonction de leur gouvernance et/ou des écarts de salaires internes.
  • Refonder le droit des salarié.e.s, en particulier leur présence dans les conseils d’administration, et favoriser le rachat de leur entreprise par les salarié.e.s.

 

À cet égard, la démocratie sociale doit être renforcée, le rôle des syndicats et des représentant.e.s du personnel reconnu dans la grande comme dans la petite entreprise. Pour ce faire :

  • Nous abrogerons la loi travail actuelle et nous élaborerons une loi fondée sur la protection des salarié.e.s et leur participation aux décisions.
  • Nous renforcerons les effectifs de l’inspection du travail afin que les décisions administratives soient appliquées.
  • Nous instaurerons une véritable démocratie d’entreprise, en redonnant du pouvoir d’agir aux salarié.e.s. Cela passe par la restauration de la légitimité syndicale dans les entreprises, quelle que soit leur taille, et auprès des travailleurs eux-mêmes. Les représentant.e.s des salarié.e.s, des associations et des collectivités territoriales doivent être associé.e.s largement à la décision dans les conseils d’administration des grandes entreprises, avec des droits à l’information et à l’expertise indépendantes.
  • Nous réactiverons le droit à l’expression directe et collective sur les alternatives économiques portées par les salarié.e.s, le contenu du travail, les conditions de son exercice et son organisation.
  • Nous renforcerons le pouvoir des institutions représentatives du personnel et des comités d’entreprise.
  • Nous faciliterons la reprise des entreprises par leurs salarié.e.s.

 

Quant à la responsabilité sociale des entreprises (RSE) – définie comme la manière dont les entreprises intègrent, sur une base volontaire, des préoccupations sociales, environnementales et éthiques dans leurs activités économiques comme dans leurs interactions avec toutes les parties prenantes –, à peine plus d’un quart des entreprises françaises de plus de neuf salarié.e.s déclare s’y impliquer réellement. Face à cette situation, nous devons aider en priorité les petites entreprises à s’engager dans des démarches favorables à la RSE par :

  • la création de plateformes territoriales multi-acteurs pour accompagner les PME-TPE dans leurs démarches RSE ;
  • le soutien à la certification et la labellisation RSE à destination des TPE et des PME ;
  • la mise en place d’un processus permettant de passer de la soft law (mesures incitatives) à la hard law (mesures contraignantes) et d’accompagner les entreprises dans leur progression afin d’inscrire dans le dur de la loi les progrès réalisés.

 

POUR UN NOUVEAU CADRE NORMATIF ET COMPTABLE

« Dans les nouvelles conventions comptables, l’unité de mesure principale pourrait ne plus être la monnaie et la valeur « ajoutée » libellée en unité monétaire mais le kilogramme ou la tonne d’EGES (émissions de gaz à effet de serre). Comme pour les quotas de carbone mais sans possibilité d’échange, chaque « unité » pourrait se voir fixer des quotas d’émission, qui seraient calculés à partir d’une dotation nationale. La production serait réalisée sous contrainte du respect de ces normes, sans qu’il soit possible d’opérer une substitution sur le travail en intensifiant celui-ci »
Dominique Méda

Il faut donner un caractère normatif à la prise en compte des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance dans l’analyse financière et dans l’investissement et former les analystes financiers à leur intégration.

Introduire en comptabilité des données sociales, environnementales et sociétales.
Affecter le travail de normalisation comptable non pas à un organisme privé comme l’IASB (bureau international des normes comptables) mais à un organisme placé sous la tutelle de l’Union européenne.