Au lendemain de l’élection présidentielle du 9 octobre 2011 au Cameroun, Europe Ecologie les Verts (EELV) tient à exprimer sa consternation devant un scrutin dont l’issue était connue d’avance: Paul Biya, 78 ans, inamovible président depuis que le dictateur Ahmadou Ahidjo lui a confié le pouvoir en 1982, spécialiste de la vacance du pouvoir – il réside plus volontiers à l’hôtel Intercontinental de Genève qu’à Yaoundé -, sera sans doute « réélu » confortablement, à défaut de l’être honnêtement. Avec la bénédiction de la France, qui le porte à bout de bras depuis plus de 29 ans, et de la Commission européenne, qui a financé un organisme électoral « Elections Cameroun » aux dysfonctionnements si criants que « le cadre juridique des élections élimine d’emblée tout espoir de transparence et d’évolution vers la démocratie », estime l’Office national des droits humains du Cameroun.
Comment en est-on arrivé là ? D’abord par une guerre coloniale puis néocoloniale, causant sans doute plus de 100 000 morts, menée entre 1955 et 1970 par l’armée française pour venir à bout des indépendantistes de l’Union des populations du Cameroun (UPC) de Ruben Um Nyobe. Ensuite par un soutien constant à Paul Biya dès lors qu’il accordait ses faveurs aux grands groupes industriels français : Elf et Total, qui ont bénéficié d’un régime préférentiel d’exploitation des gisements pétroliers ; le géant du bois Rougier, qui continue d’exploiter des concessions géantes au cœur de la forêt équatoriale camerounaise ; enfin Orange ou Bolloré qui gère aujourd’hui les chemins de fer, d’immenses exploitations agricoles et le très fructueux port de Douala. Pendant que les valises de billets et autres transactions off shore circulaient entre Yaoundé et Paris au profit des élites dirigeantes des deux pays, comme l’a révélé le procès Elf il y a dix ans, le Cameroun s’enfonçait dans la misère – espérance de vie plafonnant à 52 ans, indice de développement humain ne dépassant pas le 131e rang mondial selon l’ONU… – et l’opposition y était systématiquement réprimée, comme lorsque l’armée a tiré sur une foule désarmée en février 2008, causant 150 morts sans aucune critique de Paris.
La France doit reconnaître la guerre cachée qu’elle a menée voici cinquante ans, avec son cortège de torture, d’action psychologique, de disparitions forcées et de bombardements, en rendant accessibles toutes les archives de cette période. Qualifier cette guerre de « pure invention » comme l’a fait François Fillon à Yaoundé en 2009 est une insulte insupportable à toutes les victimes. Il est par ailleurs urgent d’interpeller l’Union européenne pour que l’argent du contribuable européen ne serve pas à financer des simulacres de démocratie. Nous devrons nouer avec le Cameroun d’autres relations, fondées sur une moindre dépendance de nos deux pays au pétrole et sur des projets de développement définis par les Camerounais eux-mêmes, au plus proche de leurs besoins : agriculture vivrière, gestion durable des ressources forestières, etc. Autant de mesures qu’EELV s’engage à prendre dès que ses responsabilités gouvernementales le lui permettront.