Les écologistes voteront contre le traité sur le mécanisme européen de stabilité (MES) et ne prendront pas part au vote de l’amendement à l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’UE. Le Front de gauche votera contre les deux et le PS devrait s’abstenir.

L’actualité grecque offre à cette discussion sur le MES une illustration aussi éclairante que dramatique. L’octroi d’un plan d’aide à la Grèce de 130 milliards d’euros a été conclu dans la nuit afin d’éviter un défaut de paiement qui s’avérait imminent. En contrepartie, se pliant aux exigences de la France et de l’Allemagne, la Grèce a consenti à la mise en place d’un compte budgétaire bloqué dédié au service de la dette. Il s’agit d’une sorte de « saisie sur salaire » qui oblige la Grèce à rembourser les créanciers étrangers avant de pouvoir engager la moindre dépense publique nationale.

Le chômage en Grèce se monte à 20%, les salaires ont baissé de 15% en deux ans et ce nouveau plan d’aide prévoit une baisse de 20% du salaire minimum et des retraites, la suppression de 30 000 emplois publics, l’imposition des salaires supérieurs à 5000 euros annuels etc. Le Centre de prévention des MST a noté une progression du Sida en Grèce de 54 % en un an, qui s’expliquerait à la fois par le développement de la prostitution ainsi que par des contaminations volontaires, les pensions versées aux séropositifs comptant parmi les rares prestations sociales à n’avoir pas été supprimées.

Le MES ne vise rien d’autre qu’à l’institutionnalisation de ces plans « d’aide », qui nous sont présentés aujourd’hui par les libéraux comme l’ultime expression de la générosité des pays vertueux à l’égard des peuples négligents.

L’article 12-1 du traité instituant le MES précise la nature de la contrepartie au soutien financier : « Si cela est indispensable pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble et de ses États membres, le MES peut fournir à un membre du MES un soutien à la stabilité, subordonné à une stricte conditionnalité adaptée à l’instrument d’assistance financière choisi. Cette conditionnalité peut prendre la forme, notamment, d’un programme d’ajustement macroéconomique ou de l’obligation de continuer à respecter des conditions d’éligibilité préétablies. »

L’article 13-3 précise quant à lui la mise en oeuvre du mécanisme : « Le conseil des gouverneurs charge la Commission européenne – en liaison avec la BCE et, lorsque cela est possible, conjointement avec le FMI – de négocier avec le membre du MES concerné un protocole d’accord définissant précisément la conditionnalité dont est assortie cette facilité d’assistance financière. »

Exactement comme pour la Grèce aujourd’hui, il s’agira donc de plans d’austérité aveugles imposés par la troïka (Commission, BCE, FMI), dont l’exemple hellène vient pourtant de démontrer l’inconséquence : le pays est tellement étranglé, l’activité tellement rétractée, que les économies de dépenses ne compensent même pas le manque à gagner fiscal !

Mais le MES va encore plus loin, en conditionnant le soutien financier à la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire (TSCG, ou traité « Merkozy »), qui impose aux Etats signataires une règle d’or et des sanctions quasi-automatiques en cas de dépassement de la limite de 3 % du PIB des déficits publics annuels.

Le « considérant » 5 indique en effet : « Il est reconnu et convenu que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du MES sera conditionné, à partir du 1er mars 2013, à la ratification du TSCG par l’État membre concerné. »

Il s’agit donc bien là d’une volonté d’institutionnalisation de l’austérité comme horizon indépassable de la politique budgétaire européenne.

Au-delà de la question financière, ce traité acte également un profond déficit de démocratie. En effet, le MES est une société financière dont les Etats sont les actionnaires. Ceux-ci disposent donc de droits de vote proportionnels à leur apport financier (article 4-7 : « Chaque membre du MES dispose d’un nombre de voix égal au nombre de parts qui lui ont été attribuées dans le capital autorisé du MES« ). De plus, comme « le conseil d’administration adopte ses décisions à la majorité qualifiée, sauf disposition contraire » (article 6-5), que « l‘adoption d’une décision à la majorité qualifiée requiert 80 % des voix exprimées » (article 4-5) et que seule la France et l’Allemagne possède plus de 20% des parts (Annexe II), seule la France et l’Allemagne possèdent un veto de fait sur la plupart des décisions du MES.

Ensuite, on a vu (art. 13-3) que c’est la troïka (Commission, BCE, FMI) qui est chargée de mettre en oeuvre les plans d’ajustements structurels, or aucune de ces trois institutions n’est responsable devant les parlements européen ou nationaux !

Enfin, le personnel du MES jouit d’une immunité absolue (article 35-1 : « Dans l’intérêt du MES, le président du conseil des gouverneurs, les gouverneurs, les gouverneurs suppléants, les administrateurs, les administrateurs suppléants ainsi que le directeur général et les autres agents du MES ne peuvent faire l’objet de poursuites à raison des actes accomplis dans l’exercice officiel de leurs fonctions et bénéficient de l’inviolabilité de leurs papiers et documents officiels« ). Il va de soi que nous nous faisons une autre idée de la démocratie européenne.

Ce traité propose donc d’entériner une politique d’austérité aussi injuste qu’inefficace, qui plus est mise en oeuvre sans aucun contrôle démocratique.

Aucune faute réelle ou supposée ne peut justifier les souffrances qui sont infligées au peuple grec, aujourd’hui sous la pression et demain peut-être par la force des traités. Pour autant les écologistes ne sont pas souverainistes. Nous considérons par exemple que la Grèce doit revoir ses dépenses militaires et sa politique fiscale, lutter contre la corruption, la fraude et les exonérations indues : « les conditionnalités imposées doivent être rééquilibrées en insistant sur le prélèvement effectif de l’impôt sur les plus aisés dans la société, et en brisant les tabous et les privilèges comme l’immunité du milieu militaire en Grèce ou des églises comme en Grèce ou en Italie. (…) L’austérité unilatérale doit céder la place à des réformes socialement justes et soutenables et à des investissements pour renforcer les économies nationales. » (déclaration de Paris du Parti Vert Européen)

De plus, même équilibrées, ces conditionnalités ne peuvent rester unilatérales. Comment peut-on encore faire la leçon aux Grecs quand la Suisse couvre leurs évadés fiscaux et que la France et l’Allemagne leur vendent des milliards d’euros d’armements ?

Il en va de même au plan économique : une surveillance macro-économique, encadrée « par le “six-pack”, définissant la gouvernance économique européenne, doit être mise en place de manière équilibrée. Elle doit d’une part, s’appliquer efficacement aux pays en surplus comme à ceux en déficit de leur balance courante, car ils sont interconnectés, et d’autre part, introduire des indicateurs appropriés de nature sociale et environnementale comme les inégalités de salaire, les dépenses d’éducation, l’empreinte écologique ou la productivité des ressources. » (déclaration de Paris du Parti Vert Européen) Cela éviterait à des pays comme l’Allemagne de s’autoriser à prodiguer des saignées à la Grèce alors que dans le même temps, elle déstabilise la zone euro par une compétitivité fondée sur sa pauvreté nationale.

La solution à cette crise passera nécessairement par une plus grande intégration budgétaire européenne. « Aucune union monétaire n’a été couronnée de succès sans un budget commun crédible qui enrichit la gamme des instruments de politique économique. Ainsi, nous avons besoin d’un budget européen nettement plus ambitieux, financé par des ressources propres co-décidées par le Parlement et alimenté également par la taxe sur les transactions financières (TTF) et la contribution énergie/climat, ce qui donnera lieu à une réduction partielle des contributions des Etats-Membres. Ce budget sera complété par l’émission d’obligations dédiées au financement de projets d’intérêt général comme des infrastructures pan-européennes d’énergies renouvelables ou bien le positionnement de l’Europe comme leader dans les solutions sobres en énergie et en ressources. Ceci créera un Trésor Européen fort et utile. » (déclaration de Paris du Parti Vert Européen)

Ce n’est enfin qu’à ces conditions qu’il deviendra utile de se doter d’institutions financières solidaires, comme un Fonds Monétaire Européen (FME) « établi comme un instrument communautaire (et non intergouvernemental), rendant démocratiquement compte au Parlement Européen, et capable d’émettre des euro-obligations, qui devraient améliorer l’attractivité du marché de la dette souveraine en Europe. » (déclaration de Paris du Parti Vert Européen)

Il est en effet primordial de rappeler que pour les écologistes, avant d’être financière, la crise est avant tout sociale, du fait de l’inégale répartition des richesses, et aussi écologique, du fait de la rareté des ressources naturelles. S’il peut ponctuellement y avoir une urgence à desserrer l’étau financier qui suffoque tel ou tel pays, aucune réponse exclusivement financière ne pourra amorcer de rémission durable de la crise.

Pour toutes ces raisons, les écologistes voteront résolument contre le traité sur le MES. Au sujet de l’amendement à l’article 136, qui pose simplement le principe d’un mécanisme de stabilité soumis à d’hypothétiques conditions, les écologistes refuseront le piège tendu et ne prendront pas part au vote, indiquant ainsi qu’entre l’austérité libérale et le repli national, il est à construire une Europe démocratique, écologique et sociale.