Depuis quelques années, nous assistons à une véritable libération de la parole raciste de nos dirigeants politiques surfant sur les thèses de l’extrême droite. Celles-ci visent les personnes issues de nos anciennes
colonies : loi sur l’apport positif de la colonisation, présentation de l’immigration comme un danger pour la supposée « identité nationale », stigmatisation des musulmans en pointant leur « accroissement », volonté
de réduire l’immigration légale et le regroupement familial, éthnicisation de la question sociale dans nos quartiers populaires, campagnes contre « l’islamisation » de la France.

Cette vision culturaliste d’un monde traversé par un « choc » entre « civilisations » supposées incompatibles est en train de gagner la « bataille des esprits » et de transformer durablement la matrice d’analyse de la réalité sociale et politique.

Aujourd’hui ces discours ne sont plus l’apanage de l’extrême droite mais traversent l’ensemble de nos sociétés. En France, cette vision est entrée en résonance avec une certaine tradition de hiérarchisation des cultures héritées de notre histoire coloniale.

L’un des tours de « passe passe » qui a permis, malgré une tradition anti-raciste et anti-coloniale, d’étendre ces grilles d’analyse même au sein de l’institution républicaine, s’est fait par l’instrumentalisation et le pervertissement de la notion de « laïcité ».

La laïcité est un principe de séparation de l’institution républicaine et des institutions religieuses destiné à assurer l’autonomie de l’individu. La laïcité, c’est le droit de croire comme celui de ne pas croire. La laïcité c’est le droit pour chacun de définir lui même son identité d’individu dans le respect d’un construire ensemble permettant à chacun d’avoir sa place. Bref, la laïcité est un outil de liberté, d’égalité et de fraternité, un outil de démocratie.

Malheureusement, certains confondent la défense de la laïcité avec le fait d’imposer une identité « majoritaire » (certains diront « nationale ») à ceux, les juifs, les musulmans, les immigrés et autres « minoritaires » supposés par essence être incapables de « s’intégrer » sinon « s’assimiler » à la communauté « majoritaire ».

Avec le débat sur la laïcité à la sauce UMP, l’appel à la tenue d’assises contre l’islamisation de la France ou encore avec l’assimilation, faite par Marine Le Pen, des prières de rue faites par les « musulmans » à l’occupation nazie, un pas dans l’instrumentalisation de la laïcité vient d’être franchi. Le discours anti-arabe des années 80 est recyclé, sous couvert de pseudo-laïcité, à un discours anti-musulman. Le vocabulaire change, le racisme reste.

Désormais, nous le constatons au quotidien, le danger d’instrumentalisation est réel. Des personnes de bonne foi, pensant défendre sincèrement la laïcité, sont trompées par ce nouveau vocable.

La France est diverse, c’est un état de fait qu’il faut accepter. La critique des religions, de toutes les religions, est un droit mais critiquer les religions cela ne signifie pas accepter la relégation communautaire et nier aux individus croyants le droit au libre arbitre et à leur droits de citoyens.

La défense de la laïcité doit au contraire se faire dans le respect de l’autonomie des individus, c’est-à-dire par la recherche de l’adhésion volontaire à un modèle de vivre ensemble laissant à chacun sa place et respectant l’égalité entre les citoyens.

Il ne s’agit pas de nier les mécanismes de repli identitaire que l’on voit poindre un peu partout. Cependant, ne nous trompons pas de cible. Ce repli n’est pas l’apanage des « minorités » mais est un phénomène qui s’amplifie en réaction à une mondialisation libérale affaiblissant les systèmes collectifs de protection sociale et généralisant une culture de compétition entre êtres humains réduits à un statut de consommateurs et de cibles marketing.

La réponse à la fragmentation de nos sociétés ne se fera pas en mettant de l’huile sur le feu des réactions identitaires mais en proposant un projet collectif et politique nouveau redonnant de l’espérance dans les
processus collectifs et dans un horizon meilleur pour tous.

La génération d’après guerre a su faire adhérer les peuples européens à un nouveau projet de progrès social et de paix. Aujourd’hui, avec les guerres, les crises économiques, sociales et écologiques, il est évident que le modèle hérité de nos parents n’est plus apte à répondre aux besoins d’aujourd’hui.

Ceux qui veulent dépasser le modèle du XXème siècle pour revenir à celui des « croisades » et du rêve des « conquêtes » coloniales (discours de 2007 de N. Sarkozy à Toulon), se fourvoient lourdement. Notre génération
doit réinventer un rêve européen, un rêve qui répond aux questions d’aujourd’hui sans reproduire les erreurs du passé, un rêve de paix, d’équilibre entre les êtres humains et leur environnement. Nous, écologistes, avons un immense défi à relever.
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