Renforcer la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé est une priorité que nul ne saurait remettre en question. Comme est venu le rappeler le douloureux scandale du Médiator, la santé publique ne doit jamais être sacrifiée au profit des intérêts économiques.
S’ajoutant à la longue liste des scandales sanitaires et environnementaux de ces dernières décennies, cette affaire est apparue comme « celle de trop », celle qui ne pouvait rester sans réponse. Conflits d’intérêts et mensonges, au détriment de vies humaines… Ce système n’est pas tolérable pour qui se soucie plus de vies humaines que du cours de ses actions en bourse.
C’est en ce sens que je suis intervenue sur les bancs de l’Assemblée nationale, afin de demander la construction d’un véritable système de sécurité sanitaire, indépendant de tout intérêt économique.
Entre les objectifs affichés de cette réforme et la réalité du projet de loi présenté aux députés, le décalage ne trompe personne. Les exceptions et les tours d’illusionistes orchestrés par la majorité actuelle vident de leur sens la portée de cette loi.
Les industries pharmaceutiques sauront invoquer le « secret médical » ou la « confidentialité commerciale » lorsque leurs intérêts économiques seront en jeu. Les évolutions consenties en matière de transparence ou de gouvernance de la nouvelle agence ne changent rien puisque toute l’armature de cette réforme est constituée de failles au profit des laboratoires. A cet habillage marketing s’ajoute le risque de coquille vide. En effet, la plupart des mesures réellement contraignantes vis-à-vis des industries pharmaceutiques ne sont pas définies par la loi mais seront précisées par décret. Toute la cohérence de cette réforme dépendra de décrets et échappe ainsi aux député-es…
Lors des débats, j’ai également évoqué les manquements de cette réforme. Rien n’est prévu en ce qui concerne la formation continue et indépendante pour les médecins, y compris de ville, comme le demandent les écologistes. La discussion sur l’encadrement du travail des visiteurs médicaux a été l’occasion d’évoquer cet enjeu mais, comme pour l’accompagnement de cette profession vers une reconversion, le gouvernement est resté silencieux.
Par-delà les manquements graves de ce projet, son champ trop restrictif nous a conduit à dresser le constat d’un rendez-vous manqué. La politique de sécurité sanitaire ne peut pas être réduite à la seule politique du médicament. Une réflexion plus large doit être menée.
Evoquer la politique du médicament uniquement sous l’angle de la sécurité sanitaire est insuffisant. Il aurait fallu envisager la politique du médicament dans sa globalité : quel financement pour l’innovation ; quelle ambition pour la recherche publique ; quelle politique de remboursement des médicaments ?
Bien entendu, se limiter à une approche curative est également trop restrictif. La prévention et l’éducation pour la santé doivent être placées au rang des priorités. En outre, la sécurité sanitaire ne peut plus être cloisonnée de la sorte. Elle doit prendre en compte d’autres aspects telle que la sécurité alimentaire et environnementale. Les pollutions diverses de notre quotidien en témoignent : espaces confinés des bureaux et des domiciles, transports, matériaux et produits manipulés…. bisphénol A, aspartame, pesticides, OGM, champs électromagnétiques… La multiplication des perturbateurs endocriniens et l’explosion des maladies chroniques, qui ont des causes environnementales, font craindre le pire. Face à ces constats, les écologistes prônent un changement de paradigme.
Ce changement pourrait vraisemblablement être facilité si le gouvernement actuel acceptait de donner aux lanceurs d’alerte un véritable statut et de mettre en place une instance assurant la protection de l’alerte et de l’expertise sanitaire et environnementale, comme demandé lors des discussions du Grenelle de l’environnement. Combien de scandales sanitaires ou environnementaux auraient été évités ou tout au moins réduits si le gouvernement avait réellement souhaité agir ? Les amendements déposés en ce sens par les écologistes ont été rejetés et, sur ce terrain là également, cette réforme est timorée et décevante.
Enfin, l’obstination gouvernementale à refuser les « actions de groupes » demeure incompréhensible, notamment pour les victimes et leurs familles.
La timidité maladive de cette réforme, ses nombreux manquements et ses failles ont motivé notre vote contre ce projet de loi. La déception des patients et des soignants est grande. Les Françaises et les Français sont en droit d’attendre une réforme ambitieuse, garantissant réellement la transparence et l’absence de conflit d’intérêt. Ce sont désormais mes collègues écologistes du Sénat qui vont porter nos demandes en faveur d’une politique de santé publique ambitieuse.
Anny Poursinoff