Exposé des motifs :

Le 7 février dernier, les eurodéputéEs Europe Ecologie – Les Verts publiaient une tribune intitulée « Donnons-nous les moyens d’une Europe politique », dans laquelle ils exprimaient leur déception et leur refus du budget européen issu du compromis proposé par Herman Van Rompuy. Ils évoquaient un budget « conservateur en volume, en priorités et en contenu, totalement inadapté à la situation économique et politique actuelle ». Ce budget, objet d’un compromis entre les Etats, a donc été en partie négocié par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Sous la pression d’un axe conservateur et austéritaire anglo-allemand, et face à une majorité de gouvernements de droite en Europe, la France n’a pas été en capacité de renverser la tendance.

Parce qu’ils restent convaincus que la sortie de crise ne peut se faire que par l’Europe, les écologistes ne peuvent accepter un budget en baisse de près de 3,5%, avec un Cadre Financier Pluriannuel qui fixe autour de 960 milliards d’euros les investissements européens des 7 prochaines années, soit moins de 1% de la richesse européenne, et bien en deçà de ce que proposait la Commission, déjà insatisfaisant. Au contraire, nous soutenons le renforcement des compétences de l’Union européenne, la création de ressources propres, et la souveraineté des peuples européens unis, contre des Etats membres prisonniers de leur cadre national.

 

Plus d’ambitions pour l’Union européenne

L’intérêt communautaire n’est pas un jeu à somme nulle pour équilibrer des intérêts nationaux contradictoires. C’est un intérêt général qui dépasse les intérêts particuliers. En tant que membre fondateur et pivot de l’Union européenne, la France aurait dû prendre la tête de cette ambition communautaire, alors même que l’horizon communautaire est le seul à même de répondre aux défis posés par une crise mondialisée. Le pari du gouvernement était risqué et faussait le jeu dès le départ : ce n’est qu’en réclamant avec force un budget et une ambition plus forte pour l’Europe que nous aurions pu parvenir à un vrai “bon compromis”.

Résultat, la politique régionale souffrira d’une perte de 7 milliards d’euros d’abondement, alors qu’elle est la plus à même de redynamiser nos régions et réduire les disparités entre régions européennes. La compétitivité européenne ne pourra être obtenue que dans le cadre d’un investissement équilibré sur le territoire de l’Union. De plus, les fonds de cohésion sont désormais liés au principe de macro-conditionnalité : l’octroi des fonds dépendra directement du respect ou non par l’Etat membre du Pacte de stabilité budgétaire… : on fait porter aux régions les « erreurs » des Etats !

Il aurait fallu plus et mieux investir dans les domaines stratégiques de l’Union, comme la recherche, les investissements dans les infrastructures permettant d’accroître l’interconnexion en Europe, la jeunesse (à cet égard, l’enveloppe de 6 milliards d’euros dégagé pour l’emploi des jeunes est un bon signe mais ne bénéficieraient qu’aux régions où le taux de chômage des jeunes est supérieur à 25% alors que nous comptons près de 5,5 millions de jeunes chômeurs dans l’Union) ; ces mêmes domaines qui ont le plus fait les frais des coupes budgétaires réalisées. Le budget dédié à ERASMUS, un des programmes les plus populaires de l’UE reste loin des attentes des étudiants européens.

Par un jeu comptable, la Commission, le Conseil et Van Rompuy laissent croire que les dépenses d’avenir ont augmenté : la rubrique voit son financement en termes réels augmenter de 37 % à 125,7 milliards d’euros avec la stratégie Horizon 2020 qui passe de 55 à 70 milliards, mais on y intègre le CIP (compétitivité et innovation) qui semble remplacer COSME, le programme d’investissement pour les PME (qui était auparavant de 11 milliards) ; d’autres programmes ont eux aussi disparu des tableurs…

On constate la chute de 11 % soit 47,5 milliards d’euros des dépenses agricoles sans aucune réduction des inégalités, des aberrations et des abus de paiements. Le gouvernement français a également baissé les bras sur le verdissement de la PAC, qui faisait pourtant l’objet de la fierté des élus socialistes de la commission agriculture du Parlement européen… et était le signe d’une prise de conscience essentielle. Enfin, si cette coupe ne touche que peu l’agro-industrie française, cela signifie que les exploitations ailleurs en Europe souffriront quant à elles de larges pertes d’investissement. Nouvelle illustration des égoïsmes européens.

Enfin, la coupe franche effectuée dans le budget de solidarité de 2,1 milliards d’euros (contre 3,5 actuellement et 2,5 dans le projet présenté par la Commission) pour fournir des denrées alimentaires aux plus démunis est une annonce de très mauvaise augure et un vrai recul d’une solidarité au sein du peuple européen, sacrifiant les plus faibles sur l’autel de l’austérité. De même que le sont la chute des budgets pour l’aide au développement au sein du budget, et du FED, bien que hors budget…

Enfin, nous ne pouvons nous satisfaire, au delà de la quantité, de la qualité du budget de l’Union. Sur la PAC comme sur les fonds régionaux, nous assistons à une véritable renationalisation des dépenses. Face aux réticences croissantes des Etats à investir dans l’Union européenne, nous assistons au développement du co-financement, allant parfois jusqu’au 50/50. Sur le développement rural par exemple, les fonds alloués à la France ne pourront financer des projets que dans ce cadre si peu communautaire.

La construction européenne est une promesse de paix et prospérité partagées, vérifié dans les faits dans l’ensemble des Etats membres de l’Union. Plutôt que de renier ces avancées, les Etats devraient au contraire apprendre de leur passé que l’investissement dans l’Union a toujours vaincu le décrochage économique. Alors que la crise et le chômage s’accroissent partout en Europe (12 pays en récession en 2012 ; -22,4 % de la richesse grecque depuis 2005), les Etats sabrent dans son budget de l’Union qui continue malgré tout de financer des mégaprojets tels que la LGV Lyon-Turin ou ITER. Les présidents des 4 groupes parlementaires l’ont d’ailleurs souligné : « Cet accord ne renforcera pas la compétitivité de l’Union européenne. » Soit, moins de compétitivité, moins de solidarité, moins d’écologie. Le budget sera présenté de nouveau en juillet au Parlement européen. En cas de non-accord, les plafonds de 2013 (non pas le budget annuel) seront prolongés jusqu’à adoption d’un nouveau CFP, et augmentés de 2 % par an pour tenir compte de l’inflation et s’adapter aux traités d’adhésion déjà négociés. Il n’y aurait plus de base légale pour la plupart des programmes pluriannuels. Sans budget, la Commission élue en 2014 n’aurait de fait aucun pouvoir politique…

 

L’usage des fonds européens : un autre défi pour les égoïsmes nationaux

Au niveau national également, l’idée d’Europe perd du terrain. Même si en vertu de la subsidiarité, les Etats membres sont libres d’organiser la gestion des fonds comme ils le souhaitent, le mouvement historique est celui d’une dévolution aux régions.

Or le projet de loi Lebranchu et les récentes déclarations du gouvernement indiquent que nous n’irons pas vers une gestion purement régionale des fonds mais vers une cogestion au cas par cas des projets à financer. Ces financements pourraient être alloués à des projets nationaux, ou au financement des projets gouvernementaux pour lesquels les fonds manquent, telle que par exemple la politique sociale. Une politique de replâtrage. Des pans entiers de la politique régionale européenne seraient renationalisés ainsi : politique de la ville, énergie, lutte contre le changement climatique et peut-être même le transport… Quant aux emplois d’avenir, ils devraient être financés en partie par le Fonds social européen. On est donc bien loin de l’idéal de l’Europe des territoires.

Quant au projet ITER, il est le seul des grands projets financés par l’Union européenne qui ne subisse pas de coupe… le financement européen s’élèvera à 2,707 millions d’euros sur la période 2014-2020.

Motion :

Le Conseil fédéral d’Europe Ecologie – Les Verts : ;

  • souhaite que la France repense l’ensemble de sa politique européenne pour retrouver un rôle de moteur de la construction européenne, et pour cela appelle le président de la République et le gouvernement à réaffirmer avec force l’engagement européen de la France et à en donner les preuves tangibles ;
  • affirme son opposition à un budget en baisse de l’Union européenne et soutient le combat mené par ses eurodéputéEs pour un budget cohérent et doté de ressources propres ; rappelle à ce propos que les ressources propres sont exigées par le Traité ;
  • demande à l’ensemble des eurodéputéEs françaisEs, quelque que soit leur sensibilité, de rejeter lors du vote au Parlement européen, ce projet de budget, conformément aux termes de la déclaration commune PPE-ALDE-S&D-Verts au lendemain du Conseil ;
  • salue les 506 députés européens qui ont exprimé leur rejet des conclusions du conseil le 12 mars 2013 en session plénière et les encourage à maintenir ce front uni ;
  • demande au BE de prendre contact avec toutes les forces françaises et européennes qui partagent cette position afin d’engager une campagne immédiate pour un autre budget européen ;
  • rappelle que les ressources propres de l’UE sont exigées par les Traités; rappelle à ce propos sa volonté de voir mise en place une taxe communautaire sur les transactions financières ; plus loin, il est urgent de trouver les modalités d’instauration d’autres ressources propres, par exemple via des impôts affectés ou d’autres financements innovants ; ce qui permettrait notamment de déplacer le débat européen d’une négociation purement comptable à une négociation sur l’octroi et l’orientation des fonds ;
  • réclame la mise en place d’une clause de revoyure à mi-mandat afin d’adapter le budget européen au développement de la crise ;
  • demande au gouvernement de déléguer totalement aux régions la gestion des fonds de cohésion en France ;
  • demande aux parlementaires nationaux ainsi qu’aux éluEs membres de la FEVE de se saisir la question et de la porter à leurs niveaux d’élection respectifs.
  • souhaite que la question budgétaire, révélatrice de la nature et de l’ambition européenne que l’on affiche, figure au cœur de la campagne pour les élections européennes 2014 ;
  • exprime son espoir que le changement attendu en Allemagne permettra de desserrer l’étau des forces conservatrices et de donner un nouveau cap à la construction européenne. 

Unanimité pour.

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