La transition écologique que doivent réussir nos sociétés ne dépend pas uniquement de notre clairvoyance et de notre organisation collective : elle devra s’appuyer sur des connaissances inédites et une volonté permanente d’innovation, dans le domaine technique mais aussi sociétal ; et elle sera grandement facilitée par la capacité des citoyens à mieux appréhender la complexité du monde. Pour les écologistes, le développement des connaissances et l’accès du plus grand nombre à un enseignement de qualité sont donc des éléments clés des politiques publiques.

L’écologie politique se caractérise par un rapport singulier à la science : elle est à la fois le courant politique qui doit le plus à une analyse scientifique de l’état du monde, et le seul à remettre en cause l’automaticité du lien entre le développement de la techno-science et le progrès humain. La réponse écologiste à cette rupture n’est pas la négation de la démarche de recherche, mais au contraire la demande d’un « mieux de science », en garantissant la pluralité et la liberté des recherches, en permettant à la société de questionner les scientifiques et en aidant les citoyens à devenir des acteurs du développement des connaissances. Cette évolution suppose un tissu de recherche dynamique, qui ne soit pas inféodé aux intérêts économiques ; un accès pleinement ouvert aux connaissances ; et une démocratisation complète de l’accès à l’enseignement supérieur, hors de toute contrainte de ressource ou d’âge.

Les politiques menées ces dernières années ont hélas suivi des logiques très éloignées de ces principes. Pour Sarkozy, il s’agissait de garantir l’utilité économique des travaux de recherche, d’assurer l’efficience de la dépense publique par la mise en concurrence, et de disposer de davantage de leviers sur le quotidien de l’ESR en retirant leurs prérogatives aux instances collégiales au profit de structures aux responsables nommés. Tandis que les moyens des laboratoires publics étaient rabotés et redéployés en forme de financement sur projet (portés par l’Agence Nationale de la Recherche, ANR), peu propice à la prise de risque, le Crédit Impôt Recherche (CIR) offert aux entreprises a atteint la somme faramineuse de 5 milliards d’euros annuels. La légitimité des pairs a été battue en brèche par la création de l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES) et la mise en place de structures nouvelles (Laboratoires d’Excellence et Initiatives d’Excellence, financés par le Grand Emprunt sous une forme entièrement extrabudgétaire). Rien de durable n’a été fait pour assurer la réussite des étudiants ou réduire les énormes disparités entre filières ; pire, une concentration des moyens a été programmée sur quelques sites, menaçant de transformer toute une partie du pays en désert universitaire. Quant aux questions de participation citoyenne, elles n’ont jamais intéressé les ministres successifs.

Les personnels de l’ESR et les étudiants attendaient une rupture politique nette avec l’arrivée aux responsabilités d’une nouvelle majorité. Or, mis à part l’abrogation de la délirante circulaire Guéant sur les étudiants étrangers, aucun signe fort n’a été donné durant la première année du ministère Fioraso. Le budget 2013 n’a touché ni CIR ni aux structures porteuses du Grand Emprunt, et a à peine réduit les montants confiés à l’ANR. La ministre s’est bornée à organiser des Assises, dont le caractère représentatif laissait à désirer, mais dont les conclusions comportaient néanmoins nombre d’éléments pertinents : la lutte contre la précarité, la simplification du paysage de l’ESR, la pédagogie à l’université, l’aide sociale aux étudiants, le dialogue entre science et société, une meilleure reconnaissance du doctorat, la limitation stricte du financement sur projet, et bien sûr l’urgence des besoins humains et financiers.

Chacun espérait que ces conclusions formeraient l’ossature de la grande loi d’orientation qu’avait promis le candidat Hollande – à défaut de la loi de programmation dont le pays a besoin mais dont le principe a très tôt été écarté par le gouvernement. Las, la loi Fioraso, malgré quelques timides avancées, constitue surtout une énorme déception tant elle fait l’impasse sur les vrais problèmes, quand elle n’en crée pas de nouveaux. Les quatre objectifs affichés du texte sont la réussite de tous les étudiants ; un nouvel élan pour la recherche ; la réduction de la complexité institutionnelle et le rayonnement international. Pour atteindre ces objectifs, le projet propose de revoir les formations de premier cycle, la gouvernance des universités, et les modalités de transfert de la recherche vers le monde socio-économique. Le projet crée aussi de nouveaux regroupements d’établissements : les « communautés d’université et établissements », un conseil stratégique de la recherche chargé d’élaborer une stratégie de la recherche et remplace l’AERES par une nouvelle structure. Enfin, le projet accroît l’ouverture des universités à l’international.

Personne ne pense que les mesures proposées permettront d’atteindre les objectifs proclamés. En effet, le texte ne répond pas aux enjeux définis lors des Assises, passe des problèmes essentiels comme la précarité ou les conditions d’études par pertes et profits, et renforce les effets pervers des réformes du précédent gouvernement. Le fil conducteur, c’est de mettre la recherche – et par extension l’enseignement supérieur, qui doit s’appuyer sur la recherche – au service exclusif de la compétitivité des entreprises. Tous les enjeux liés à la nécessaire émancipation de la société sont occultés. Ce projet s’inscrit clairement dans une inspiration néo-libérale.

Un certain nombre de points positifs peuvent néanmoins être reconnus : les écologistes se réjouissent de la reconnaissance de la formation tout au long de la vie, de l’extension des possibilités d’enseignement et de recherche en langues étrangères, de la reconnaissance d’un rôle des régions, de l’introduction du principe de parité, le contrôle par l’administration de la gestion des ressources humaines dans les universités, ou encore de la diminution de certains pouvoirs des présidents d’université.

La priorité d’accès pour les bacheliers pro et technologiques dans les STS/IUT et la reconnaissance du doctorat ne sont mis en place que de manière trop limitée. Les évolutions pédagogiques, l’accompagnement des étudiants, le dialogue entre scientifiques et citoyens, la remise en cause de l’omniprésence des classes préparatoires, n’ont aucune place dans cette loi. Et la question de la précarité est totalement absente du texte.

Enfin et surtout, le mode de gouvernance des nouvelles « communautés d’université et d’établissements (CUE) », appelées à jouer un rôle absolument central (elles deviennent les interlocuteurs exclusifs de l’Etat), se caractérise par un recul démocratique choquant ; et la nouvelle agence d’évaluation n’est qu’un rhabillage de l’actuelle AERES, alors que le retour à une évaluation collégiale par les pairs élus est une revendication centrale de la communauté de l’ESR.

Face à ce texte, tous les syndicats, associations ou instances représentatives de l’ESR sont au mieux déçus, au pire franchement furieux. Même au PS, ce projet a suscité de fortes réticences.

Le conseil fédéral d’EELV des 25 et 26 mai 2013 :

Ÿ  rappelle son engagement en faveur d’une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur, permettant à chacunE d’accéder au plus haut niveau de formation et de qualification ;

Ÿ  rappelle son attachement au caractère de service public de l’enseignement supérieur, qui doit être financé à la hauteur de ses besoins réels et s’approcher autant que possible de la gratuité pour ses usagers ;

Ÿ  rappelle son engagement en faveur d’une recherche publique indépendante de tous les pouvoirs, financée de manière pérenne, menée par des personnels disposant d’un statut stable, évaluée selon les principes de collégialité qui ont cours partout dans le monde, et interagissant de manière plus soutenue avec le monde associatif ;

Ÿ  déplore le peu de cas fait des conclusions des Assises de l’ESR pourtant convoquées par la ministre, et entend la déception de la très grande majorité des syndicats, associations et instances représentatives de l’ESR ;

Ÿ  déplore que le projet de loi Fioraso, malgré certaines avancées, accorde trop de place à la valorisation économique, ne règle en rien les problèmes récurrents de l’ESR français (complexité des structures, inégalités entre filières, manque d’investissement pédagogique, précarité), et ne soit pas accompagné d’une loi de programmation budgétaire ;

Ÿ  déplore que le travail parlementaire ait été limité par la procédure d’urgence adoptée par le gouvernement et par la restriction apportée au temps de débat à l’Assemblée nationale, alors que les parlementaires écologistes avaient élaboré plus de 130 amendements pour infléchir ce texte vers les valeurs portées par l’écologie politique ;

Ÿ  constate que le débat parlementaire en 1ere lecture a permis quelques avancées, notamment grâce à la forte mobilisation des députés EELV, mais que sur des points décisifs  que sont l’évaluation et la gouvernance des structures, le texte n’apporte aucune avancée, voire est source de reculs;

Ÿ affirme donc qu’en l’état, ce texte n’est pas acceptable par EELV.

Unanimité pour

 

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