Qu’est-ce que l’Anthropocène, et comment cette notion peut-elle nous aider à penser les enjeux de la COP21 de Paris-Le Bourget ? C’est sur la base de cette question que la Fondation de l’écologie politique et une équipe de chercheurs de l’université Paris I ont conçu et organisé le programme d’un colloque qui se déroule les 5 et 6 novembre au collège de France. Plus d’un milliers de personnes se sont inscrites, un nombre très élevé. Et d’autant plus que s’y mêlent étudiants, responsables d’entreprises, militants, personnes venues d’un autre pays d’Europe ou d’ailleurs…Les amphithéâtres du collège de France vont-ils déborder ? La pensée écologique semble finalement bien se porter..

Petit rappel. L’Anthropocène est une notion qui a été forgée par Paul Crutzen (prix Nobel de chimie en 1995) et Eugène Stoermer en 2000. Le constat est que l’humanité par l’ampleur de son activité est devenue un agent géologique qui modifie l’état de la planète. Nous avons quitté l’Holocène, période géologique qui s’étend sur les 10 000 dernières années pour l’Anthropocène. Si on accepte cette hypothèse que corroborent plus précisément les travaux du GIEC, les conséquences sont immenses pour penser notre responsabilité à l’égard de la Nature et dans nos sociétés, pour imaginer une pensée de l’avenir, et transformer nos organisations sociales. En ce sens l’Anthropocène est une forme de prolongement des conclusions scientifiques portées par le GIEC.

En invitant de nombreux chercheurs travaillant sur les pays du Sud (Amérique latine avec Astrid Ulloa ou Virginia Araceli Garcia Acosta, Asie avec Hiav-Yen Dam et Sébastien Scotto di Vettimo..), en abordant des problématiques comme les liens santé et environnement (avec Marie Hélène Parizeau ou Jennifer Wells), en s’interrogeant sur notre responsabilité morale (avec Jan Zalasiewicz, Christophe Bonneuil..), mais aussi en mettant l’accent sur la nécessité d’agir (avec des représentants de l’UNESCO, de la Caisse des dépôts, des élus européens comme Pascal Durand..) cette manifestation fait le lien entre faits scientifiques, réalités de l’évolution sociale et mondialisation des préoccupations écologiques. L’anthropologue Philippe Descola, qui a ouvert la voie à la critique du dualisme Nature/Culture à partir de ses travaux sur les Jivaros d’Amazonie, ouvrira le colloque.

De la Chine à l’Europe en passant par l’Amérique latine et le Canada, notre regard sur le monde change. Le refus des dégradations environnementales et de la montée des inégalités qui l’accompagne, les solutions à apporter aux migrations climatiques, les liens à faire entre réalités de terrain et négociations internationales sont des objectifs partagés par des millions de citoyens. L’Anthropocène plus qu’un concept « géologique » est une notion à partir de laquelle penser notre rapport au monde et aux responsabilités, pour écrire ce nouveau Grand Récit dont nous sommes en quête. Elle permet de revisiter notre histoire comme d’imaginer une perspective.

C’est aussi je crois la bonne manière d’aborder l’échéance de la COP21. Ni tout en attendre, ni renoncer à l’avance à des résultats indispensables. Ce qui compte ce sont bien les nouvelles dynamiques de pensée et d’action qui émergent aujourd’hui.

Lucile Schmid