La loi El Khomri de réforme du code du travail contient de nombreuses atteintes aux droits des salariés, renverse la « hiérarchie des normes » et ainsi instaure un code, non pas simplifié, mais dangereusement libéralisé.

En effet, les atteintes aux droits des salariés sont nombreuses dans ce texte : plafond d’indemnités de licenciement en cas de licenciement illégal, impossibilité pour le salarié de contester une modification de son contrat de travail sous peine de licenciement par exemple. Mais cette loi comprend aussi des mesures, notamment sur le temps de travail, qui sont des atteintes non seulement aux droits des salariés mais surtout à leur santé. Ainsi en va-t-il de la durée maximale du travail, de la banalisation des heures supplémentaires, du calcul des horaires de nuit, de repos et d’habillement. Ces mesures, passées souvent inaperçues dans les lois sur les trente-cinq heures, visaient à protéger les salariés d’abus de flexibilité de la part des entreprises. Las, les salariés doivent désormais se soumettre à la variation des rythmes, à l’intensification et au travail de nuit sans possibilité de recours et même sous peine de licenciements. Il est loin le temps où Emmanuel Macron promettait la main sur le coeur que le travail du dimanche se ferait sur la base du volontariat.

Mais l’atteinte la plus insidieuse aux droits des salariés est sans doute l’inversion de la hiérarchie des normes et l’importance incroyable donnée à l’accord d’entreprise. En effet les accords de branche qui s’imposaient aux entreprises étaient négociés au niveau national entre syndicats de salariés et syndicats de patrons. Les syndicats de salariés, aguerris aux négociations et fins connaisseurs du droit étaient à même de contrebalancer les volontés parfois excessives de flexibilité des chefs d’entreprises. Aujourd’hui alors que l’accord d’entreprise s’impose, ce sont le plus souvent des syndicats maison, probablement peu expérimentés mais très sensibles à ne pas perdre leur emploi qui vont signer ces accords. Or les syndicats représentatifs loin de l’image parfois véhiculées pour les ridiculiser sont de bons négociateurs et protecteurs des droits des salariés sans pour autant être dans une opposition systématique (la CGT a titre d’exemple a signé 85% des accords qui ont été négociés au niveau des branches).

Enfin, loin de miser sur le dialogue social comme il le prétend, le projet de réforme du Code du travail permettrait de court-circuiter les organisations syndicales majoritaires avec l’arme du référendum à la main de l’employeur et des organisations minoritaires.

Le code du travail a sans doute besoin d’être remanié. Mais une réforme de cette ampleur ne peut-être menée que par un vaste chantier de concertation. Et certainement pas à travers une opération de copier/coller du cahier de revendications du Medef.

Et à tout le moins, aurions nous pu espérer sous une présidence de gauche que la flexibilisation du travail soit accompagnée de droits supplémentaires à la formation, de garanties en faveur  du maintien des revenus durant les périodes de chômage transitoire, en faveur aussi du maintien dans l’emploi des salariés vieillissants ou malades…  Or, loin de cette vision, les indemnités chômage sont d’ores et déjà pointées comme problématiques parce que supposée non suffisamment incitatives et le droit à la formation garanti par les régions, est aujourd’hui menacé par les restrictions budgétaires.

Après le CICE, le Pacte de Responsabilité, les lois Macron, voici un cadeau supplémentaire accordé aux entreprises sans contrepartie et sans assurance de création d’emplois ou sans garantie et protection supplémentaires pour les nouveaux statuts précaires.

Il est loin le temps où la gauche prônait le progrès social comme pierre angulaire de toute politique ambitieuse. Plus proche de Molière et du médecin malgré lui que de Rousseau et de ses idéaux, la gauche des lumières s’éteint sans doute un peu plus avec cette loi.

Julien Bayou, Sandrine Rousseau, porte-parole nationaux