Ronan Dantec, l’un des 10 sénateurs Europe Ecologie Les Verts, revient tout juste de Durban, en Afrique du Sud, où se tenaient sous l’égide de l’ONU les négociations internationales sur le changement climatique. Présent non comme sénateur mais comme porte-parole d’un réseau mondial de collectivités locales, il nous livre son sentiment sur l’issue du sommet.

Alors que les derniers rapports scientifiques faisaient état d’une nette dégradation de tous les indicateurs sur le climat et de niveaux record d’émissions de gaz à effet de serre, les enjeux de la Conférence de Durban étaient immenses. Le mandat des délégations était avant tout de trouver un accord sur le cadre juridique de la gouvernance climatique. L’option défendue par de nombreux acteurs, notamment par l’Union Européenne et par la France, était une seconde période d’engagement du Protocole de Kyoto – seul cadre fixant des objectifs de réduction des émissions et arrivant à son terme en décembre 2012 – comme fondement pour aller vers un accord global contraignant. Le second enjeu majeur était de se mettre d’accord sur les modalités de mobilisation des fonds de solidarité à l’égard des pays en développement, en particulier du Fonds vert, décidés aux Conférences de Copenhague (2009) et de Cancun (2010).

Au lendemain de la clôture du sommet, on peut lire toutes les opinions les plus extrêmes dans les médias, des plus négatives (« échec total ») aux plus enthousiastes (« un accord historique »). Je retiens personnellement l’avis du négociateur de l’Alliance des Petits Etats Insulaires : « J’aurais aimé en avoir davantage mais au moins avons-nous une base de travail. Tout n’est pas encore perdu ». Nous savions que Durban ne sauverait pas l’humanité, l’enjeu n’était que de sauver l’existant, à savoir le Protocole de Kyoto, et de se donner un nouveau cadre de négociations après l’échec de Copenhague. Nicholas Stern, l’économiste célèbre pour son rapport de 2006 sur le coût du changement climatique, a déclaré que Durban était « un pas en avant, modeste mais significatif ». Son propos reflète bien mon propre sentiment après avoir assisté à ces deux semaines de négociations. Pour la première fois, nous avons dessiné la perspective d’un cadre légal commun à tous les pays émetteurs à l’horizon 2015. Par ailleurs, l’Europe s’est montrée plus offensive et a regagné en crédibilité, en poussant les Etats-Unis et les grands émergents à se positionner par rapport à sa propre feuille de route, même si elle n’a pas réussi à imposer le terme « contraignant ».

Durban fixe un cap, mais tout reste évidemment à faire. Nous devons continuer à travailler, écouter les uns et les autres, faire converger les représentations vers un deal global, un point d’équilibre intégrant les différentes dimensions de la régulation dont le monde a un besoin urgent : accord climatique, régulation au sein de l’OMC, lutte contre la spéculation financière… Ce n’est pas gagné mais nous n’avons pas le choix !
En tant que porte-parole d’un réseau mondial de collectivités locales, je considère que, dans l’attente de l’accord global pour 2015, les villes et gouvernements locaux vont jouer un rôle essentiel d’impulsion en matière de lutte contre le changement climatique. Nous avions obtenu à Cancun la reconnaissance formelle de ce rôle des villes, qui disposent de véritables moyens d’agir sur leur territoire pour réduire les émissions et définir de nouveaux modes de vie, de déplacements et de consommation. J’ai eu l’occasion de rappeler combien cette reconnaissance constituait une victoire dans mon intervention au forum des autorités locales organisé à la mairie de Durban le 2 décembre, en présence du Président sud-africain, Jacob Zuma, et de la secrétaire exécutive de la CCNUCC (Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques), Christiana Figueres.

L’objectif des collectivités locales était de s’inscrire dans les mécanismes de gouvernance des différents fonds de financement et, à Durban, a été confirmé leur accès au fonds du Mécanisme de Développement Propre (MDP), préservé par l’accord sur une deuxième période d’engagement du Protocole de Kyoto. La publication de la méthodologie du « city wide program » permettra d’ouvrir de nouveaux financements aux grandes villes du Sud, non plus seulement fondés sur une approche par projet mais sur une approche territoriale reposant sur la mise en cohérence de plusieurs actions publiques, en matière de transport, d’urbanisme, de déchets, etc.

L’action pour lutter contre le changement climatique ne se limite pas aux résultats de la dernière nuit de la Conférence de Durban. L’enjeu climatique se décline aussi dans la mobilisation concrète des acteurs, et notamment des collectivités locales. Je reste convaincu que ce sont ces dynamiques qui permettront d’influer sur les Etats pour un accord à la hauteur des enjeux dans les prochaines années. Même si nous ne pouvons qu’être inquiets, voire parfois désespérés par la lenteur des négociations internationales, cela ne doit pas nous arrêter mais, bien au contraire, renforcer notre mobilisation. « Penser global, agir local » reste la clé pour les prochaines années.