Climat  : Trois questions à Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement

 

Que nous apprend le dernier rapport du GIEC ?

Le dernier rapport du Groupe intergouvernemental sur l’évaluation du climat (GIEC) présenté le vendredi 27 septembre 2013 confirme que le changement climatique est d’origine humaine et provoque une hausse des niveaux des mers, la fonte des glaciers, et plus généralement, une hausse des températures.

Mais le rapport du GIEC nous dit aussi qu’il est encore possible de rester en dessous de 2°C de réchauffement de la planète, seuil au-delà duquel nous basculerons dans un changement climatique aux conséquences lourdes. On sait en effet qu’un réchauffement de 4°C, provoquant des sécheresses et des crises agricoles à répétition, remettrait en question tous les progrès accomplis depuis plusieurs décennies en matière de lutte contre la mortalité infantile en Afrique. 4°C de plus, et ce sont des milliers d’enfants qui risquent de mourir à cause de la malnutrition. On le voit, le changement climatique est en train de devenir la plus grande menace pour le développement.

Les travaux du GIEC renouvellent une fois de plus l’alerte climatique en estimant que notre trajectoire actuelle d’émissions de gaz à effet de serre nous projette indubitablement vers un réchauffement de 4°C. Ainsi, en un siècle, nous avons déjà consommé la moitié de notre budget carbone, et sommes loin d’inverser la tendance. Pour réagir, il faut une mobilisation de toutes et tous, en France, en Europe et plus généralement partout sur la planète. Notre responsabilité est de faire en sorte que le consensus scientifique sur le diagnostic soit transformé en consensus politique sur un nouveau modèle de développement fondé sur la sobriété, l’efficacité et la solidarité.

 

Pourquoi le rendez-vous à Paris en 2015 est-il déterminant ?

Paris 2015 est important parce que c’est la date que s’est fixée la communauté internationale à Durban, en 2011, pour parvenir à un nouvel accord s’appliquant à tous les pays, et qui entrera en vigueur en 2015. C’est aussi autour de cette date que nous devrons, à l’échelle internationale, commencer à plafonner nos émissions si nous voulons rester en dessous de 2°C.

Il est encore possible de limiter la hausse des températures à moins de 2 degrés. Cela impose des changements dans nos modes de production et de consommation mais ces changements sont à notre portée. Notre consommation énergétique actuelle est insoutenable. Elle est insoutenable climatiquement mais aussi économiquement – les Françaises et les Français qui voient leur facture d’énergie augmenter chaque année le savent bien. Il nous faut aujourd’hui construire un monde sobre en énergie, c’est un impératif climatique, et c’est du bon sens économique. Il ne s’agit pas de revenir à la bougie, mais au contraire d’accélérer les innovations dans le bâtiment, les transports, l’organisation des villes…

La conférence de Paris en décembre 2015 aura pour objectif de définir les clés d’un nouvel accord, juridiquement contraignant, qui prendra en compte les évolutions du monde. Cet accord devra proposer des solutions aux pays émergents pour leur permettre de limiter leurs émissions tout en continuant leur développement économique. Il devra aussi encourager les pays industrialisés à faire davantage en matière de réduction de leurs émissions, mais aussi à faire preuve de solidarité avec les pays les plus vulnérables, qui souffrent déjà des conséquences du changement climatique.

 

Comment la France se prépare-t-elle dès aujourd’hui pour trouver l’accord le plus ambitieux possible à Paris en 2015 ?

Pour un écologiste ; être dans la cabine de pilotage de l’accord climat est une responsabilité particulière. Depuis un an, je travaille avec Laurent Fabius et les ministres de l’Ecologie à la préparation de cette conférence. Nous voulons faire de Paris Climat 2015 la conférence des solutions au changement climatique. C’est pour cette raison que nous devons travailler sur toutes les dimensions : nationale, européenne et internationale.

Sur le plan national d’abord, avec le débat sur la transition énergétique, et en soutenant l’adoption d’un objectif de 40% de réduction d’émissions pour 2030. L’introduction de la contribution climat énergie nous permet aussi d’envoyer un bon signal, en nous permettant d’adhérer au club très fermé des pays qui ont défini un prix aux émissions de CO2 sur l’ensemble de l’économie. Toujours au plan national, la politique française de développement, que je pilote, participe de la lutte contre le changement climatique. Par exemple, j’ai fait en sorte que l’Agence Française de Développement (AFD) se fixe comme nouvelle priorité dans le domaine de l’énergie pour les 3 prochaines années : les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Le financement des centrales à charbon sans mécanisme de stockage de carbone a également été exclu des financements fournis par l’AFD. Nous sommes aussi mobilisés sur le sujet des financements innovants pour le développement, afin d’encourager nos partenaires à mobiliser, comme la France, la taxe sur les transactions financières au service de nouveaux moyens pour aider les pays les plus vulnérables.

Nous travaillons aussi sur le plan international, à la préparation d’un agenda positif, qui vise à démontrer à nos partenaires que les solutions écologiques sont les mieux à même de répondre à la fois aux défis économiques et aux enjeux de sortie de la pauvreté.

Enfin, nous travaillons avec le Pérou, qui accueillera la conférence climat de 2014, pour construire les bases du nouvel accord qui sera adopté à Paris. La France prend ses responsabilités. Il faut amener l’ensemble des dirigeants de la planète à faire de même car nous n’avons pas de planète de rechange.