Alors que le matin du 27 avril, deux adolescents ont été retrouvés en hypothermie à Calais,  Myriam Laïdouni-Denis, conseillère régionale EELV-AuRassemblement en région Auvergne–Rhône-Alpes, a écrit ce texte. Myriam était allée fin mars, avec Michèle Rivasi, eurodéputée, et Guillaume Gontard, sénateur, à Menton, observer la façon dont la France « accueille » les personnes migrantes. Cette mobilisation a été co-organisée et menée avec Mireille Damiano avocate à Nice, l’association Anafe et des citoyens solidaires dont Pierre Alain Manoni et Martine Landry, dans le but notamment de fournir des éléments pour des recours juridiques.

Menton, 31 mars 2018, 10h. En face de moi, un gamin de 16 ans qui vient de passer la nuit  dans le poste de la police de l’air et des frontières. Il a été enfermé avec 19 autres personnes, dans une petite salle dont le confort se résume à quelques bancs métalliques. C’est un gamin, mais la police ne veut pas le savoir, déchirant son acte de naissance… Sans parents, parfois avec des copains de fortunes,  il a franchi les frontières la peur au ventre, l’espoir en bandoulière. Ce gamin ça pourrait être le mien, le vôtre, c’est surtout le « nôtre ». Car à travers cette histoire d’une violence inouïe, est en train de se jouer notre avenir à tous, celui de notre humanité. Nous sommes tous embarqués sur le même et unique radeau. En frappant à notre porte, ces mômes nous mettent le nez devant notre co-responsabilité, non seulement comme citoyens français, européens, mais comme citoyens du monde.

La loi asile et immigration, en  inscrivant en son sein la rétention des mineurs, vient de  rendre légal un acte illégitime  condamné à de multiples reprises par la Cour européenne des droits de l’homme. En France, avant d’être étranger, un mineur est avant tout un enfant. Il semble que ne soit plus le cas dans les faits… Les droits fondamentaux ne sont pas sensés être relatifs… et pourtant…

A Menton, la beauté du paysage ne fait qu’exacerber la violence et l’indécence de la situation, de ces deux mondes parallèles : celui de ces gamins niés dans leur existence, et le notre, celui d’autruches le nez dans le sable.

La voix du Sénat, celle de l’Europe qui doit accoucher bientôt d’un nouveau règlement Dublin, vont-elles choisir la raison et la sagesse ou poursuivre sur une voie sans issue ? Nos enfants nous accusent déjà, mais il n’est pas trop tard pour changer le sens de nos pas.

Ces ados, non en tant que mineurs objets de l’administration, mais en tant que gamins, en tant que sujets à recueillir, à découvrir en leur permettant de retrouver leurs propres repaires pour pouvoir choisir, sont la clef de notre résilience heureuse et partagée.

Myriam Laïdouni-Denis