5. Donner des perspectives aux territoires ruraux : pour une agriculture écologique et paysanne

Le modèle de développement agricole actuel est totalement dépassé, inadapté et inefficace à tous points de vue : environnemental, économique et social. L’agriculture n’est pas un secteur d’activité comme les autres. La vision néolibérale qui s’est imposée condamne une grande majorité de paysan.ne.s de tous les pays à une guerre économique sans fin qui profite avant tout aux géants de l’agrochimie et de l’agroalimentaire. En outre, ce modèle est coûteux pour les contribuables en termes d’aides publiques, par ses coûts de réparation sanitaires et environnementaux et par ses destructions d’emplois. Face à ce constat, notre projet s’organise autour de quatre axes et de trois leviers.

 

I. Nos quatre axes

 

A. Placer l’alimentation au cœur des politiques publiques

Les politiques agricoles des dernières décennies ont progressivement abandonné la question de l’alimentation à l’industrie agroalimentaire. Le temps est venu de se réapproprier cette question et de poser les fondements d’une politique alimentaire ambitieuse, car notre santé est (aussi) dans notre assiette.

Pour cela, il faut :

  • limiter les surplus de production alimentaire et en finir avec le gaspillage ;
  • développer une offre alimentaire au plus près des bassins de vie grâce à une relocalisation des productions ;
  • défendre l’étiquetage dit des cinq couleurs, qui met en garde les consommateur.trice.s sur les dangers d’une alimentation déséquilibrée.

 

B. Conforter et créer des emplois en agriculture, et encourager les initiatives

Le nombre d’actifs du secteur agricole est passé de 957 000 en 2000 à 716 000 en 2015.

Mais, pour les écologistes, la diminution du nombre d’agriculteurs est loin d’être une fatalité :

  • Pour enrayer le phénomène d’agrandissement des exploitations et celui des fermes-usines, il est primordial de remplacer les agriculteurs qui partent à la retraite.
  • Assurer une activité pérenne, économiquement viable et humainement vivable est la condition pour susciter de nouvelles vocations.
  • Les cadres de l’installation ont largement été pensés par et pour les personnes issues du monde agricole : ils s’avèrent inadaptés pour celles et ceux qui désirent s’installer sur de plus petites structures, plus légères en capitaux, et de manière progressive, commercialiser en circuits courts et créer des activités nouvelles grâce au numérique.
  • Il est temps de se doter de cadres institutionnels et réglementaires favorables à une politique offensive d’activités en milieu rural.

 

C. Préserver la biodiversité, les sols et lutter contre le dérèglement climatique grâce à des modèles plus économes et intelligents basés sur l’agroécologie

La transition vers des systèmes en agroécologie doit devenir une réalité dans toutes les fermes.

 

D. Accompagner la transition écologique dans les territoires ruraux

Les conditions d’existence se sont dégradées dans beaucoup de zones rurales. Un sentiment d’abandon se développe, qui s’exprime de plus en plus par des votes d’extrême droite. Une défiance s’est installée entre l’État et le monde rural. Les politiques publiques apparaissent cloisonnées, illisibles, dispersées et pensées surtout pour les grandes villes et les métropoles. Engager la transition écologique et l’accompagner, c’est permettre aux territoires ruraux de valoriser leurs ressources locales, d’apparaître comme des lieux où il est possible de concrétiser des projets professionnels et de vivre mieux.

Mais, pour cela, plusieurs préalables sont indispensables :

  • redéfinir le rôle de l’État, qui doit porter une vision globale de l’aménagement du territoire et être le garant de la cohésion sociale, donc du maintien des services publics ;
  • garantir l’égalité d’accès aux transports et aux services publics et de santé ;
  • instaurer les aides à la structuration des circuits courts dans chaque bassin de vie ;
  • soutenir l’innovation sociale et sociétale en matière de coopération, de transport et de création d’activités économiques ;
  • inciter à l’installation de médecins ;
  • développer des structures de télétravail pour éviter une fuite vers les villes ;
  • mettre en place un schéma de développement urbain et rural pour développer les complémentarités.

 

II. Nos trois leviers

 

A. Des financements à légitimer et à réorienter de l’Europe aux régions

Plus de 10 milliards d’euros d’aides européennes sont distribués chaque année en France. Cela représente une contribution de 150 euros par habitant.e. Mais combien d’agriculteur.trice.s en profitent ? Seule une vraie réforme de la politique agricole commune au service de l’emploi, de la souveraineté alimentaire et du développement rural permettra de réorienter ces aides importantes. Un redéploiement sera nécessaire pour sécuriser les systèmes en agroécologie, conforter les aides au maintien en agriculture biologique et mieux prendre en compte les effets positifs de ces deux approches pour la société

 

B. Une politique foncière audacieuse inscrite dans une loi spécifique

Force est de constater la faible efficacité de l’ensemble des législations : l’artificialisation continue, le prix des terres agricoles augmente, l’accès au foncier pour de nouveaux agriculteurs est quasi impossible, et un phénomène d’accaparement des terres s’installe dans tous les pays de l’Union européenne.

La préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers doit constituer un impératif national, avec :

  • une grande loi foncière pour ne pas laisser faire la loi du marché ;
  • un renforcement des objectifs de protection et de gestion de l’environnement et des paysages au sein des espaces agricoles et ruraux ;
  • l’introduction d’une taxe sur l’urbanisation des terres agricoles.

 

C. Une politique de formation-recherche-développement réorientée

Les changements ne se feront pas du jour au lendemain, et ils ne se décrètent pas d’en haut. Aussi, l’ensemble des établissements et structures qui interviennent dans le champ de la formation, de la recherche publique, du développement et de l’ingénierie ont un rôle essentiel : aider et faciliter les changements de pratiques en associant tous les acteurs.

Pour cela, il nous faut :

  • renforcer l’accompagnement des producteurs et leur structuration collective autour de valeurs mutualistes et coopératives, pour peser face à l’aval, que ce soit en circuit court ou en circuit long ;
  • ré-ancrer le développement des filières agricoles au sein de relations commerciales équilibrées et équitables entre les parties prenantes, à l’échelle de territoires de projet ;
  • former les jeunes agriculteurs aux techniques agricoles biologiques, en mettant celles-ci au cœur de l’enseignement agricole.