5. Donner du sens à notre politique économique au service de la transition écologique et de la protection des citoyen.ne.s

La politique économique de la France doit être au service de la transition écologique et se défaire de tout dogmatisme.

La grande réforme fiscale n’a pas eu lieu, et le gouvernement a gaspillé ses marges de manœuvre. Entre 2012 et 2013, la hausse des recettes fiscales de 13 milliards d’euros s’est accompagnée de la fin des exonérations sur les heures supplémentaires, de l’abrogation de la TVA sociale et de la surtaxe sur l’ISF (impôt sur la fortune), puis, dans la loi de finances pour 2013, de la création d’une tranche d’impôt à 45 % et de la baisse du quotient familial. Le gel du barème de l’impôt sur le revenu (IR) est maintenu, ce qui touche tous les contribuables. Ajoutons à cela l’instauration du CICE, financé par une hausse de la TVA. En 2014, le gouvernement revient sur le gel du barème de l’IR, l’indexation étant accompagnée d’une décote pour les contribuables les plus modestes. Par ailleurs, la baisse du quotient familial se poursuit et la réduction d’impôts pour frais de scolarité est supprimée, etc.

Avec le CICE, le gouvernement s’engage à réduire sur trois ans les prélèvements sur les entreprises de 41 milliards d’euros, et à des baisses d’impôt sur les ménages bénéficiant à plus de 8 millions de contribuables. Sur la durée du quinquennat, les entreprises auront bénéficié de 20,6 milliards d’euros d’allégements, tandis que les ménages auront connu une augmentation de 35 milliards d’euros de prélèvements. Quant à la fiscalité écologiste, aucune réforme d’envergure n’a été engagée.

 

I. Les propositions fiscales des écologistes

La fiscalité est donc, pour les écologistes, un outil de transformation écologique de notre mode de production et de consommation, un outil de solidarité et de redistribution équitable des revenus et le moyen de garantir le meilleur niveau de service public.

Les écologistes proposent :

  • la suppression du CICE, qui n’a rien apporté en termes d’emploi ;
  • un impôt sur le revenu rénové, basé sur le principe que tout revenu est imposable et que tout impôt doit être progressif, et sur l’individualisation de l’impôt (l’État devant rester neutre face aux modes de vie choisis par ses concitoyen.ne.s) ;
  • la fusion de la contribution sociale généralisée et de l’impôt sur le revenu ;
  • le renforcement de l’ISF ;
  • la suppression du quotient conjugal, allant de pair avec la suppression du quotient familial, qui bénéficie en majorité aux plus aisés ; il sera remplacé, à coût constant pour les finances publiques, par une allocation forfaitaire et individuelle, attribuée dès le premier enfant ; sa mise en place sera progressive, sans favoriser ni pénaliser les familles plus nombreuses ;
  • la restauration de l’universalité des allocations familiales, en faisant bénéficier des mêmes montants les foyers avec un enfant ou deux enfants ;
  • des cotisations sociales calculées sur d’autres assiettes que le travail : les machines, les logiciels, les écrans, les pollutions, etc. ;
  • la suppression de toutes les niches fiscales injustes socialement, coûteuses et inutiles (les niches fiscales représentent un manque à gagner annuel de 100 milliards d’euros pour l’État) ;
  • la lutte contre l’évasion et la fraude : les paradis fiscaux représentent chaque année un manque à gagner compris entre 60 et 80 milliards d’euros ;
  • des impôts locaux respectant l’égalité territoriale : renforcement des systèmes de péréquation entre territoires et révision des bases locatives de 1970 servant au calcul des impôts locaux.

 

II. Pour une fiscalité écologique ambitieuse

En 2014, les taxes environnementales représentaient 44 milliards d’euros en France, soit 2,1 % du PIB et 4,5 % de l’ensemble des prélèvements obligatoires (contre 2,5 % du PIB en moyenne dans l’UE). La fiscalité verte française est assise aux trois-quarts sur la consommation d’énergie, comme dans la plupart des pays européens. Mais, alors que de nombreux pays européens ont relancé leur fiscalité environnementale, la France reste en retard.

C’est pourquoi la fiscalité écologique doit être conçue dans le cadre d’une réforme fiscale plus large, dans un sens incitatif, redistributif et de lutte contre les inégalités. Elle doit devenir un puissant levier de modification des comportements individuels et collectifs grâce à de multiples outils comme les taxes, le marché des droits à polluer, les dispositifs de tarification, etc. Cependant, la fiscalité écologique peut susciter de nombreuses résistances et conduire à des reculs dommageables, d’où la nécessité de négocier au préalable un planning de mise en place permettant aux différents acteurs concernés d’amorcer leur changement productif et/ou de consommation, de mettre en place des solutions de remplacement (infrastructures, approvisionnement, etc.) et de compenser la mise en place d’une fiscalité écologique par la baisse d’autres impôts.

Enfin, nous savons que le problème le plus difficile auquel se heurte une véritable fiscalité écologique est l’évaluation financière de ce que l’on appelle les externalités (que celles-ci soient négatives ou positives). Comment, par exemple, évaluer les services rendus par la nature ?

Les écologistes proposent :

  • d’instaurer une fiscalité et des mécanismes financiers favorables à la biodiversité en expérimentant la bio-conditionnalité des aides publiques ou en intégrant des critères environnementaux dans le calcul d’une partie de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les collectivités disposant d’espaces naturels ;
  • de taxer le diesel au même taux que l’essence, car il est temps de mettre fin à cet avantage pour des raisons de santé publique : les particules fines émises par les moteurs diesel seraient responsables du décès prématuré de 42 000 personnes par an ;
  • de mettre fin aux avantages fiscaux du transport aérien, l’avion étant le moyen de transport le plus polluant (la défiscalisation du kérosène coûte 1,3 milliard d’euros par an à l’État rien que sur les vols intérieurs) ;
  • de supprimer toutes les autres niches énergétiques anti-écologiques (agrocarburants, gazole non routier dans l’agriculture ou le BTP, etc.) ;
  • de soutenir les éco-organismes qui sont chargés de la collecte et du recyclage des déchets ;
  • d’approfondir la fiscalité carbone via la contribution « climat énergie », la question centrale étant le prix de la tonne de CO2 (22 euros en 2016). Pour les écologistes, ce prix est insuffisant et doit être rapidement augmenté pour atteindre 100 euros la tonne d’ici à 2030 ;
  • de rétablir la taxe poids lourds – ou « pollutaxe » – et de laisser aux régions le droit d’aménager celle-ci.

 

III. Dette et déficit : réhabiliter la dépense publique

On entend souvent dire que la dépense publique est improductive ou qu’il faut la réduire. Mais de quoi parle-t-on précisément ? La dépense publique représente certes environ 57 % du PIB en 2015, chiffre relativement stable depuis 2012, mais ce sont les prestations sociales qui forment une grande part de cette dépense : le financement de la retraite, les allocations familiales, le coût du chômage, les remboursements de médicaments, etc. Doit-on considérer ces dépenses comme inutiles alors qu’elles sont sources de justice et d’efficacité ? Ne jouent-elles pas un rôle dans la cohésion sociale et la réduction des inégalités ?

C’est pourquoi nous considérons que la dette publique n’est pas un mal en soi. Elle permet de financer les investissements publics, de soutenir la conversion écologique de l’économie et d’éviter les effets récessifs des politiques austéritaires – comme celles imposées aux Grecs et aux Portugais –, qui creusent finalement un peu plus la dette publique.

La question de la dette doit donc être inscrite dans une évaluation plus globale du patrimoine commun, de la richesse véritablement produite dans la société et de sa répartition présente et à venir. Les cadeaux fiscaux octroyés depuis vingt ans par les gouvernements tant de droite que de gauche sont si élevés (CICE, niches Copé, énergies fossiles subventionnées, crédit impôt-recherche…) qu’il nous paraît possible de mener une politique de restriction de la dette sans politique austéritaire.

Pour cela, les écologistes proposent :

  • un audit de la dette publique française et de toutes les niches fiscales pour évaluer la part qui relève des manques à gagner liés aux cadeaux fiscaux faits aux plus riches et des dépenses inutiles dans lesquelles il sera possible et juste de tailler ;
  • que cet audit soit également mené au niveau européen, en visant une mutualisation des dettes et des taux d’intérêt afin d’assurer la solidarité et la solidité de la zone euro.

 

Conclusion : politique de l’offre ou politique de la demande ?

La primauté donnée durant le quinquennat de François Hollande à la production au détriment de la répartition a cristallisé le débat politico-économique de ces dernières années sur les mérites comparés des politiques de l’offre et de la demande. D’un côté, les partisans de la compétitivité-prix des entreprises (réduction du coût du travail) ; de l’autre, les partisans du soutien de la demande des ménages.

Cette opposition n’est guère pertinente, non seulement parce qu’elle fait fi du rythme propre de l’économie (à court terme, les politiques de la demande ont un fort impact immédiat, mais celui-ci décroît et réclame donc d’être soutenu dans le temps), mais aussi parce qu’il faut à la fois soutenir et accompagner l’investissement des entreprises vers la transition écologique de l’économie et relancer la demande.

Selon les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), trois conditions étaient nécessaires pour que le « choc d’offre » que devait provoquer le CICE ait un effet positif sur la croissance et l’emploi : que les entreprises françaises fassent le choix de répercuter les baisses de cotisations et d’impôts dans leurs prix (au lieu de gagner en marges), que la politique de nos partenaires ne soit pas identique à la nôtre et que la croissance en Europe soit suffisante pour compenser sur les marchés extérieurs la baisse de consommation interne liée à la contraction de la demande. Or ces conditions n’ont pas été remplies. Pour être efficace, la politique de l’offre a besoin de mesures en faveur de la demande, de moins d’allégements de charges en faveur des entreprises et de moins de coupes dans les dépenses.