Exposé des motifs

L’Océan, l’assurance-vie de notre Planète

L’océan couvre 71% de la surface du globe et est à l’origine de la vie sur Terre. Vaste réserve de biodiversité, il est le principal régulateur du climat. Il absorbe plus du tiers des émissions de carbone et plus de 90% de l’excès de chaleur dus aux activités humaines. Sans l’océan, la vie sur terre ne serait déjà plus possible car l’augmentation des températures par rapport à l’ère préindustrielle excéderait de 20 degrés les températures actuelles.

Si les engagements internationaux pour limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2 degrés ne sont pas respectés, ses effets sur l’océan (acidification, fonte des glaces continentales, réchauffement des eaux) entraîneront un bouleversement catastrophique pour les écosystèmes océaniques, le climat, les territoires, les populations littorales et l’équilibre mondial.

Le cri d’alerte lancé par différentes communautés dont la communauté scientifique, appelle à conserver 80% des ressources fossiles aujourd’hui connues dans les sols pour limiter le réchauffement climatique et ne pas causer une chute irrémédiable de la biodiversité pouvant entraîner l’effondrement des écosystèmes auxquels nous appartenons. Selon le GIEC, cette prévision pourrait intervenir dès 2100. Et 2100 c’est demain : il ne s’agit plus du lointain horizon des générations à naître. Cet apparent catastrophisme n’en est pas un, puisqu’il s’agit de prévisions scientifiques qui se confirment jour après jour, et que l’action politique et citoyenne doit intégrer pour en inverser l’évolution.

Nouveaux espaces maritimes et nouvelles frontières

L’Océan et ses richesses sont au cœur des enjeux écologiques, économiques, énergétiques et géopolitiques du XXIème siècle. A l’opposé de cet impératif de réduction de leur exploitation, l’océan et ses gisements fossiles font l’objet d’une lutte de plus en plus acharnée entre Etats. A la suite de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay en 1982, créant le système actuel de zonage (mer territoriale, plateau continental, Zones Économiques Exclusives ZEE…), les espaces maritimes ont subi des découpages voraces, au gré des revendications étatiques. Désormais, le “gâteau” océanique des ZEE représente environ 1/3 de la surface totale des espaces maritimes et permet injustement à certaines nations de se partager l’Océan et d’étendre le terrain de jeu des grandes compagnies de l’industrie extractive. Les États côtiers y distribuent souverainement des permis d’exploitation et, loin des regards, un tiers de la production mondiale d’hydrocarbures est aujourd’hui offshore, prélevée dans les fonds marins. Les océans sont ainsi devenus des espaces de plus en plus convoités dans la course mondialisée aux énergies.

Petit continent surtout si on se contente de sa partie émergée, l’Europe vue de la mer redevient tout à coup le grand continent mondial que ses empires coloniaux avaient dessiné. Ainsi, aujourd’hui, la ZEE européenne s’étend sur 25,6 millions de km2. La France, deuxième pays maritime au monde derrière les Etats Unis d’Amérique, prétend à elle seule à 11 millions de km2 de ZEE. Ces zones revendiquées par les États européens se situent principalement Outre-mer. Le passé colonialiste du vieux monde est désormais ravivé par de nouveaux espaces à conquérir et de nouvelles richesses à accaparer.

L’Océan, un commun

A l’inverse de ce mouvement de colonisation maritime, l’Europe a la possibilité de jouer un rôle majeur dans la gouvernance mondiale de l’Océan et notamment dans les négociations internationales qui se tiennent actuellement pour revoir les mécanismes applicables à la haute mer et faire valoir dans ce bras de fer mondial, l’interdiction de l’exploitation des ressources marines qui se ferait au détriment de la biodiversité et de la lutte contre le réchauffement climatique.

Or, la seule politique viable qu’on puisse opposer à la course à la privatisation des océans, c’est celle du « commun ». Car comme le définissent Dardot et Laval : « Le commun n’est pas un bien… Il est le principe politique à partir duquel nous devons construire des communs et nous rapporter à eux pour les préserver, les étendre et les faire vivre. » Il s’agit donc de cesser de concevoir l’Océan comme une ressource, mais justement comme un espace débarrassé de la logique de prédation.

C’est cette logique de coopération pour la protection des communs, portée entre autres dans la Déclaration Universelle de l’Océan par l’association ZEA (Zone écologiste autonome), qui a abouti à l’obtention de victoires contre l’exploitation des énergies fossiles en mer, et notamment : l’obtention d’un moratoire de l’Etat français sur la recherche et l’exploitation des hydrocarbures en Méditerranée (2016) et sur la façade Atlantique (2017) ou encore l’obtention de l’abrogation du permis italien de prospection d’hydrocarbures de la «Zone E», au large de la Corse et de la Sardaigne, en coopération avec la Collectivité territoriale de Corse et les associations locales.

Nous devons agir ensemble, en coordination avec l’ensemble de la société civile et des institutions pour la défense des communs car des combats d’une importance climatique et écologique majeure sont engagés.

C’est notamment le cas en Guyane française, où la compagnie TOTAL entend réaliser cinq puits exploratoires offshore avant 2022, prévoyant d’en extraire entre 500 et 1.000 millions de barils de pétrole alors même que cela mettrait en danger l’ensemble du patrimoine maritime guyanais et notamment un écosystème que les scientifiques viennent à peine de découvrir et dont on ignore encore tout : le récif de l’Amazone (Amazon reef).

L’intérêt de la sauvegarde des océans et du climat doit primer sur les intérêts des industries extractives. Les victoires obtenues pour sauvegarder les côtes hexagonales de l’exploitation des énergies fossiles doivent bénéficier aux territoires d’Outre-mer et plus largement à l’ensemble des mouvements mobilisés défendant les valeurs qui sont les nôtres.

C’est grâce au principe de coopération qu’est née la fabuleuse aventure européenne, quand la communauté du charbon et de l’acier vit le jour. Cette coopération doit maintenant passer à une échelle globale, fédérant les associations, territoires et peuples en plus des Etats pour garantir la protection des “communs”.

Motion

Pour toutes ces raisons, EÉLV :

  • s’engage pleinement en faveur d’un moratoire immédiat concernant toute prospection et exploitation des énergies fossiles dans les eaux sous juridiction française, notamment en Guyane où le projet de forages offshore de la compagnie TOTAL doit être abandonné ;
  • soutient la création d’un réseau de communes et de mouvements citoyens qui souhaitent mettre fin à l’exploration et à l’exploitation des énergies fossiles en mer, afin d’accélérer la transition socio-écologique, dynamiser les initiatives municipales et insulaires pour une autonomie énergétique visant la sortie rapide d’une consommation carbonée ;
  • mobilisera toutes ses forces pour faire progresser la protection des océans, au niveau national, européen et international en coordination avec l’ensemble du tissus associatif, les peuples, les territoires et les États défendant les mêmes valeurs ;
  • soutient la reconnaissance des droits des écosystèmes océaniques en tant que communs et la mise en place d’une réglementation au niveau européen et international pour que l’intérêt de la sauvegarde des océans prime sur celui des industries des énergies fossiles et l’entêtement des décideurs face aux enjeux climatiques et écologiques mondiaux.

Unanimité pour

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