Le 15 janvier 2020, Europe Écologie Les Verts présentait ses voeux pour l’année 2020. Retrouvez ci-dessous le discours de Julien Bayou, secrétaire national.

Seul le prononcé fait foi

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Ces vœux à la presse sont l’occasion de redire à quel point la liberté de la presse est primordiale pour nous autres écologistes. Nous sommes issus d’une longue tradition de lanceurs d’alerte. Et nous savons ce que nous devons à votre vigilance, à vos investigations, à votre irrévérence têtue. Et même si, parfois, nous concernant, vous trempez votre plume dans l’encre des quolibets ou qu’il arrive que telle ou telle analyse nous déplaise, nous sommes attachés à votre liberté comme à la prunelle de nos yeux.

Nous rejoignons Jefferson qui disait : « S’il m’appartenait de décider si nous devrions avoir un gouvernement sans journaux ou des journaux sans gouvernement, je n’hésiterais pas un seul instant à choisir la dernière hypothèse. »

La liberté de la presse est, avec d’autres libertés, un des baromètres de notre démocratie et cette liberté est fragilisée dans notre pays quand il est plus difficile pour un journaliste de faire ses reportages en manifestation ou quand la violence du harcèlement en ligne redouble, en particulier à l’égard des femmes, sans compter les procédures juridiques bâillons qui n’ont d’autre but que d’épuiser et d’entraver la recherche des faits et la libre communication des pensées et des opinions.

Pour la bonne santé de notre démocratie, je vous souhaite donc que l’année qui s’ouvre soit pour vous et les vôtres la plus douce possible dans un monde si dur.

Oui, le monde est dur et la vie de milliards de personnes sur la planète l’est aussi. Quiconque ignore cette réalité est condamné à consentir à l’injustice et à s’en faire complice. Un chiffre parmi d’autres est le révélateur de cette situation : les 26 personnalités les plus riches concentrent autant de richesses que plus de 3 milliards d’êtres humains.

Le système actuel n’est pas seulement écrasant pour les hommes et les femmes les plus pauvres, il est également ravageur pour les écosystèmes. Humilier les humains et violenter la planète vont malheureusement de pair et cela ne peut être l’horizon de nos vies.

« Nous devons proposer à des millions de personnes de participer à la plus belle aventure qui soit, celle de la réinvention du monde pour le garder vivant. »

Cette phrase, je l’ai prononcée lors de mon premier discours, à notre dernier congrès, et elle pouvait paraître un peu grandiloquente. Et pourtant, devant les images d’Australie, le vertige peut nous saisir face aux conséquences du dérèglement climatique. Avec plus d’un milliard d’animaux qui ont péri dans les flammes alors que l’été ne fait que démarrer, c’est l’écosystème même de ce quasi continent qui est menacé. 

Ce sont les plus vulnérables qui en subiront les plus lourdes conséquences et non pas les responsables de la marchandisation de l’eau, qui vient à manquer aux pompiers volontaires, ou ceux qui, comme le Premier ministre australien, devant le désastre, continuent de nier le dérèglement climatique et tergiversent pour mieux soutenir les profits de quelques actionnaires des industries fossiles… dont quelques-uns de ces milliardaires dont je parlais plus tôt.

J’aurais aimé vous présenter mes vœux avec d’autres images en tête que celles de l’Australie qui se consume. Mais voilà, la réalité est que notre planète brûle.

Il n’est plus temps d’attendre ou de tergiverser. C’est dans la prochaine décennie que se jouera l’avenir de la planète, en maintenant l’élévation des températures à moins de 2 degrés. 

Les défis à relever sont gigantesques et les solutions ne pourront être trouvées qu’avec la mobilisation de tout un chacun : citoyen·nes, associations, syndicats, entreprises et pouvoirs publics. Ce n’est qu’ensemble que nous serons en mesure d’apporter des solutions aux défis du climat, de la biodiversité et des inégalités sociales. Et qu’on ne me dise pas que c’est une utopie : c’est la nécessité la plus haute de l’humanité. Car ce qui se joue dans cette période nous engage toutes et tous.

Le découragement peut nous gagner, évidemment. Mais « là où s’abat le désespoir s’élève la victoire des persévérants » disait Thomas Sankara. Et nous, écologistes, sommes tenaces. Et les raisons d’espérer sont nombreuses et puissantes, à la mesure de la prise de conscience généralisée et de l’attente, l’exigence, d’actes radicaux et concrets.

Nourris de cette conviction, nous nous inscrivons dans le débat des municipales avec la volonté de changer la donne et de créer la surprise. Nous invitons toutes celles et tous ceux qui se sentent concerné·es à se mettre en mouvement et à s’engager pour transformer ce qui doit l’être et protéger ce que nous avons de plus précieux. 

Il faut réinventer la façon de porter les politiques publiques. L’alimentation, l’énergie, la mobilité, les déchets sont l’affaire de tout·es et les rôles des collectivités doit devenir celui de facilitateurs : repérer l’ensemble des bonnes volontés et les aider à passer à l’acte en levant les difficultés, tout en veillant à la convergence des initiatives. 

Le moment est venu de changer d’échelle, de passer des expérimentations à la généralisation et, pour les écologistes, des militant·es qui défrichent des alternatives ou des adjoint· es qui mettent en place ces expérimentations…  au maire qui les généralise. Pour végétaliser la ville, ses trottoirs, ses murs, ses toits nous avons besoin que tout le monde se mobilise. Pour construire la solidarité qui donne une place à tout le monde, pour épouser de nouvelles manières de nous déplacer, de consommer, d’habiter et de vivre, il faut une approche politique nouvelle.

Les élections européennes ont été un succès pour les écologistes parce que la société s’est mobilisée dans les rues, puis dans les urnes, pour exiger un nouvel agenda politique. Les élections municipales peuvent, à leur tour, marquer une étape déterminante : amplifions cette dynamique pour permettre à notre pays de répondre aux enjeux de l’urgence climatique. 

Le temps de l’écologie est venu. C’est d’abord localement que le changement dont la planète a besoin peut prendre corps.  

En mars prochain, les électrices et les électeurs auront le choix entre une vision qui préserve l’avenir pour toutes et tous, celle des écologistes, et la vision obsolète de ceux qui continuent à prôner le développement tentaculaire au détriment de la qualité de vie des habitantes.

Nous disons aux citoyen·nes, « Si vous voulez l’écologie, votez pour les écologistes. » 

Un bulletin de vote vert est le meilleur passeport pour le changement.

À Bordeaux, qui n’a élu que deux maires depuis 1945, votez Pierre Hurmic.
À Lyon, où Collomb a plus que fait son temps : Grégory Doucet et Bruno Bernard pour la métropole.
À Marseille, où les années de Gaudin ont provoqué l’effondrement de la ville, Sébastien Barles.
À Rouen, où nous nous opposons à la réouverture de l’usine de Lubrizol, propriété d’un des 8 milliardaires dont je parlais un peu plus tôt : Jean Michel Beregovoy.

Et je dis à celles et ceux qui vont voter : mettez des femmes au pouvoir dans nos villes.

À Besançon, Anne Vignot
à Poitiers, Léonore Moncond’huy
à Villeurbanne, Béatrice Vessiller
à Strasbourg, Jeanne Barseghian
à Nantes, Julie Laernoes,
à Perpignan, Agnès Langevine, face à l’extrême droite
et en Île-de-France à Boulogne, Pauline Rapilly Ferniot, Sabrina Seibhai à Ivry-sur-Seine, Anne Déo à Noisy-le-Sec, Nadine Herrati à Gentilly et Antoinette Guhl et Anne-Claire Boux pour les 20e et 18e arrondissements de Paris.

Ce sont des femmes de grande qualité qui conduisent nos listes. Elles sauront gérer nos villes et agir pour le bien commun… et susciter, j’en suis sûr, de nouvelles vocations chez les jeunes filles.

Si vous me demandez ce qu’il faut me souhaiter, souhaitez-moi des maires écologistes en 2020. Je suis le garant de nos ambitions collectives. Et je m’engage à poursuivre le travail mené pour promouvoir l’écologie et construire un chemin victorieux pour nos idées. Ce chemin, il existe et nous allons l’emprunter tranquillement.

Il est temps de porter une alternative politique forte. Mon sentiment est que le pays se cherche une issue.

Il ne veut plus du macronisme, qui apparaît, chaque jour davantage, comme une promesse mensongère. La brutalité de la politique menée blesse notre pays dans son âme, quand il fait reculer les droits sociaux en portant une réforme des retraites injuste et inefficace qui incite grandement à la capitalisation.

Or, les fonds de pension type Blackrock qui gèrent ces retraites par capitalisation pour le compte des actionnaires dont je parlais plus haut sont des prédateurs pour le climat… mais qui sont particulièrement vulnérables aux crises économiques qui seront causées par le réchauffement climatique et qui disposent de très nombreux actifs liés aux hydrocarbures fossiles. On ne peut associer notre épargne et nos retraites à l’avenir incertain de ces actifs et de ces fonds qui s’opposeront avec la dernière énergie à des mesures fortes pour la planète. C’est le risque là de voir la retraite de centaines de milliers de personnes réduite à néant en cas de crise climatique majeure.   

Nous amenons pour notre part au débat des contre-propositions. Plutôt que « travailler plus pour vivre moins bien », choisissons la société écologiste du « bien vivre ».

Contre l’allongement de la durée de vie au travail, contre la baisse du niveau des retraites et la fragilisation des plus précaires, Europe Écologie Les Verts propose une réforme juste : un financement élargi aux revenus du capital, une suppression de la décote pour ne pas pénaliser les départs anticipés et les carrières précaires, une prise en compte pleine et réelle de la pénibilité pour répondre à la première des injustices : la différence d’espérance de vie en bonne santé.

La brutalité de la politique menée blesse notre pays également dans sa chair quand les violences policières s’abattent sur des manifestants ou sur des simples citoyens qui trouvent la mort dans des circonstances hallucinantes.

Ces drames doivent nous ouvrir les yeux sur ce que les associations quartiers populaires dénoncent depuis des lustres, en résumé « Cédric, Steeve, Théo et Adama nous rappellent pourquoi Zyed et Bouna courraient. »

Ce ne sont pas des « bavures » ni des « dérapages », mais les pratiques régulières autorisées par un État qui assume de pouvoir blesser grièvement, mutiler ou tuer un homme pour un contrôle d’identité.

Sans liberté de blâmer les violences policières et d’interroger les techniques de maintien de l’ordre, les dysfonctionnements hiérarchiques ou le management de l’épuisement, il n’y a pas d’éloge flatteur de nos forces de l’ordre.

Notre pays se cherche une issue. La droite classique est, pour l’instant, en reconstruction. La gauche anciennement productiviste est en refondation. Face à une extrême droite en dynamique, c’est aux écologistes qu’il revient de porter le flambeau de l’alternative à un système mortifère.

Nous y travaillons, en travaillant sur l’offre politique qui est la nôtre. Nous savons que nous avons beaucoup à faire, à commencer par la transformation de notre mouvement, pour répondre aux attentes que nous avons fait naître. 

Les municipales sont une étape essentielle. Nous serons pleinement mobilisé·es pour l’emporter. Pour nos villes et parce que nos communes en ont besoin. Parce qu’il est temps de concevoir, construire, gérer et vivre nos villes différemment.  

La transition écologique sera d’abord locale ou elle ne sera pas. Viendront les élections régionales qui constitueront un autre temps déterminant. 

La feuille de route est claire et la charge de travail conséquente. Donc souhaitez-moi la santé. Pour l’espoir, il est déjà présent, comme chez tous les écologistes. 

Cet espoir, il était déjà présent chez celles et ceux qui alertaient dans le désert et sous les quolibets et cet espoir est bien présent chez celles et ceux qui s’éveillent, la génération climat, plus motivé·es que jamais.

Et cet espoir, il nous porte.