DG Jean Vincent Placé

PJL sécurisation de l’emploi

7 minutes

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Madame et Messieurs les rapporteurs,

Madame la Présidente de la commission des affaires sociales,

Mes chers collègues,

Le projet de loi qui nous est présenté porte un titre ambitieux : la sécurisation de l’emploi. Si nous nous arrêtions là, nous pourrions tous voter de façon unanime. Cependant, derrière cet objectif louable, je crains que les mesures ne soient pas à la hauteur des enjeux. Ce projet de loi va impacter notre conception de l’emploi, la formation ou encore l’accès à la santé. La complexité et la technicité du texte, ne nous font pas oublier les valeurs fortes qu’il remet en cause. Je parle du projet de loi, mais il serait peut-être plus juste de parler d’ « accord », les parlementaires ne sont–ils pas censé ratifier « tous l’accord, rien que l’accord » ? Comme l’a très bien dit mon collègue Jean Desessard, notre chef de file très investi sur ce texte, les syndicats doivent prendre une plus grande place dans la gouvernance du monde du travail. Pour autant, nous ne devrions pas être la chambre d’enregistrement des décisions prises par les partenaires sociaux.

Avant d’aborder le détail du texte, je souhaiterais que l’on se demande, quelle est la vision stratégique portée par ce texte ?

Si c’est d’accroitre la flexibilité, bien qu’elle ne dise pas son nom dans le texte, pour pouvoir user des travailleurs dans le but d’augmenter de supposer gains de compétitivité ;

Si c’est d’individualiser le rapport du salarié avec son entreprise ;

Si c’est de remplacer peu à peu la sécurité sociale par des assurances privées,

Autant vous dire, que le groupe écologiste ne cautionne nullement ces objectifs. L’économie est au service de l’Homme et non l’inverse. Alors, certes, il y a un problème avec l’emploi en France. Personne ne peut le nier, nous cumulons 10,6 % de chômage au total et 25,7 % pour les 15-25 ans. Mais, qui peut croire que c’est en précarisant le marché du travail, en le rendant plus flexible, c’est-à-dire en rendant le licenciement plus facile et moins coûteux, que nous allons créer un seul emploi de plus ? Qui peut le croire ?

Il a fallu beaucoup de temps aux syndicats pour obtenir des acquis sociaux protecteurs, nous sommes aujourd’hui en train de détricoter ces avancées une à une, et je le regrette profondément.

Je crois que pour relancer l’emploi, il serait plus judicieux de développer les filières d’avenir dans le développement durable, d’adapter l’offre de formation, de simplifier les démarches administratives pour créer son entreprise, de faire confiance aux jeunes et aux formes alternatives d’économies, telles que l’économie circulaire, plutôt que renier les droits des salariés. Le dogme de la flexibilité à tout prix : très peu pour nous.

Mes chers collègues, ne vous méprenez pas, je ne rejette pas abruptement tout le projet de loi en bloc, certaines mesures vont dans le bon sens et je tiens à les souligner, il y a :

– la lutte contre le temps partiel subi et l’éclatement des horaires dans la semaine,

– la taxation des CDD et l’incitation aux CDI pour les jeunes de moins de 26 ans ;

– les droits rechargeables à l’assurance chômage, même si cette mesure semble fragile, manque de financement,

– je pense aussi à la complémentaire santé pour tous, prise en charge à 50% par l’employeur au minimum. Toutefois, sur ce point, les écologistes seront très vigilants car nous ne souhaitons pas voir le modèle de la sécurité sociale se désagréger au profit d’un système privé de la santé.

Globalement, j’observe un déséquilibre entre les avancées et les reculs, j’entends par reculs :

– la mobilité contrainte,

– les licenciements massifs facilités,

– les délais de prescription des actions en justice encore réduits,

– le changement des clauses du contrat imposé au salarié,

– une diminution des marges de manœuvre des comités d’entreprises avec des délais plus contraignants et des coûts supplémentaires…

Ce que je vais dire ne va pas vous faire plaisir, Monsieur le Ministre, mais le fait que le Medef se soit autant réjouit des termes de l’ANI doit d’ailleurs nous alerter sur l’orientation du texte.

 

Dans ces termes, le projet de loi ne nous semble pas du tout satisfaisant, voir même inquiétant. C’est pourquoi, nous avons tenu à proposer les amendements, dans une démarche que nous voulons constructive.

Tout d’abord, il nous a semblé essentiel de sécuriser les droits individuels des salariés. À cet égard, nous souhaitons améliorer l’accès à la prévoyance pour les CDD successifs, supprimer le licenciement économique individuel, supprimer ou mieux encadrer les avenants aux contrats de travail à temps partiel qui plongent le salarié dans une réelle insécurité juridique. Nous voulons également prendre en compte la situation des stagiaires quant à la complémentaire santé.

Il est également important de conforter les institutions représentatives des personnels. Nous proposons donc de revoir les délais imposés aux comités d’entreprises et de supprimer la discrimination entre les grands CE et les petits CE qui disposent de peu de moyens. Nous proposons aussi de créer un droit de véto suspensif sur les modalités d’accompagnement dans le cadre des licenciements collectifs pour le comité d’entreprise.

Par ailleurs, nous souhaitons : mieux informer les sous-traitants dans le cadre des accords de gestion prévisionnelle de l’emploi et de compétences (le GPEC) et intégrer la dimension environnementale dans l’entreprise, via la base de données prévue à l’article 4 relatif aux nouveaux droits collectifs en faveur de la participation des salariés.

 

Je ne détaillerai pas nos 60 amendements ici, j’aurais l’occasion de le faire pendant l’examen des articles avec Jean Desessard ; mais vous l’aurez compris nous souhaitons que le texte soit rééquilibré en faveur du salarié, sans quoi les écologistes ne pourront voter favorablement.

Les salariés ne sont pas la variable d’ajustement de la compétitivité des entreprises. Il y a, derrière le mot « salarié », des femmes et des hommes qui ont une vie, des contraintes et des droits inaliénables. Notre responsabilité est avant tout de les respecter et de les protéger.

Je vous remercie.

 

Seul le prononcé fait foi