Ronan Dantec, que pensez-vous des annonces de Ségolène Royal sur la loi de transition énergétique ? pour vous le compte y est il ?

Le projet de loi, tel que l’a présenté Ségolène Royal hier, est une bonne base de départ. Nous devons maintenant décrypter le texte définitif plus en détails bien sûr et, s’il ne traduit pas les engagements pris, notre position sera revue en conséquence. Mais à ce stade, je pense que c’est une base positive. D’abord parce que les grands objectifs annoncés par François Hollande lors de la Conférence environnementale sont réaffirmés. Ces objectifs sont ambitieux :

– Réduire les émissions de gaz à effets de serre afin de contribuer à l’objectif européen d’une baisse de 40 % en 2030 par rapport à 1990 ;
– Réduire la consommation énergétique de 50 % en 2050 par rapport à 2012 ;
– Réduire la consommation énergétique des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à 2012 ;
– Porter la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75% à 50 % à l’horizon 2025.
Il fixe également l’objectif de porter en 2030, la part des énergies renouvelables à 32 % de la consommation d’énergie.

 Par ailleurs, il présente une boîte à outils intéressante, pour le développement des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique, la rénovation des bâtiments, etc.

Qu’est ce qui est le plus important selon vous dans ce projet de loi ?

Après son adoption, nous disposerons enfin d’une loi de planification énergétique avec une une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sur dix ans. C’est extrêmement important, car nous aurons des objectifs à dix ans -huit ans pour le premier exercice -qui s’imposeront à la PPE, qui elle-même s’imposera à EDF. On passe finalement d’une situation où EDF dirigeait seul le mix électrique français à une situation plus partagée où le Gouvernement, le Parlement et tous les acteurs auront leur mot à dire.

C’est aussi ce qui garantit d’avoir une loi crédible dans le temps. Une PPE de cinq ans aurait fait peser le risque que chaque nouvelle majorité détricote ce qui avait été réalisé par la précédente. Cela donne également une visibilité à moyen terme aux entreprises et aux investisseurs.

Ce projet de loi fixe par ailleurs un cadre pour définir une stratégie nationale de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Son adoption début 2015 sera essentielle pour assurer la crédibilité de la France dans la perspective de la COP 21 en décembre de la même année.

Certains écologistes sont sceptiques, soit parce que les moyens ne seraient pas au rendez vous, soit parce que la sortie du nucléaire n’est pas dans la loi, que leur répondez vous ?

Ce projet de loi n’est évidemment pas parfait mais nous avons pu passer des messages, ce qui nous a permis d’obtenir un certain nombre de choses, telles que la PPE à 10 ans et un plus grand contrôle d’EDF, ce qui est substantiel sur ce dossier où des conservatismes très forts s’expriment.

Le fait que les objectifs ambitieux soient réaffirmés est essentiel, puisqu’ils fixent le socle sur lequel la politique énergétique sera construite. Et il faut bien comprendre que c’est un gain important. Nos adversaires, à commencer par le MEDEF, refusaient que ces grands objectifs soient intégrés aux conclusions du débat national, et ils sont aujourd’hui énoncés à l’article 2 du projet de loi. Le MEDEF a donc perdu sur ce que sera le cadre de notre modèle énergétique, ce n’est pas anecdotique.

Sur la part du nucléaire dans le mix, le fait que le plafonnement à 63 gigawatts de la production nucléaire soit inscrit dans le projet de loi conduit mécaniquement à l’arrêt de 20 réacteurs. Cela va dans le même sens que les déclarations faites par le directeur de la DGEC (Direction générale de l’énergie et du climat) lors de son audition à l’Assemblée nationale il y a quelques semaines.

Il y a toujours le tabou de la fermeture des centrales dans le débat public mais c’est bien cela qu’il faut lire derrière le plafonnement. Et c’est bien un des apports des batailles menées par les écologistes.

Nous avons également gagné des éléments importants sur les questions de gouvernance, notamment sur les moyens d’action des collectivités territoriales. De nombreuses propositions du groupe de travail Gouvernance, que je présidais, ont été reprises.

Bien sûr, de nombreuses dispositions sont améliorables. Mais la bataille n’est pas finie, nous ferons un gros travail d’amendements lors de l’examen du projet de loi au Parlement, nous entendons le scepticisme sur certains engagements, c’est notre travail de parlementaires de les confirmer par des dispositions législatives précises.

Quelles seront vos priorités dans le débat parlementaire ?

Nous serons très vigilants sur les questions de financements. Ségolène Royal a fait beaucoup d’annonces à ce sujet mais nous allons veiller activement –dans les suites données à la conférence bancaire, dans les débats parlementaires etc.- à ce que le gouvernement mette vraiment les moyens nécessaires au financement de la transition.

Je serai également attentif concernant les compétences des collectivités territoriales, car sans leur action au quotidien, il ne sera pas possible d’atteindre les objectifs nationaux et de réaliser la transition énergétique. Je pense particulièrement au service public de l’efficacité énergétique, qui était une bonne idée mais qui n’a pas été repris dans le projet de loi.

Ronan Dantec, Sénateur EELV de Loire Atlantique

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