par Constantin Fedorovsky



Les élections présidentielles du 5 octobre au Brésil ont placé au premier la présidente sortante Dilma Rousseff (Parti des Travailleurs, PT) avec 41,59 % des voix. Elle devance le candidat de centre droit Aecio Neves (« Parti Social Démocrate Brésilien, PSDB ») qui obtient 33,55 % des voix.


On retrouve ainsi pour le deuxième tour du 26 octobre prochain le classique duel droite/gauche . Ceci à la surprise générale, car Marina Silva, la candidate du Parti Socialiste Brésilien PSB (depuis que son candidat initial Eduardo Campos est mort dans un accident d’avion le 13/8/2014), était donnée par les sondages à quasi-égalité avec Dilma Rousseff, loin devant Aecio Neves, de la mi-août jusqu’au 18 septembre, les mêmes sondages indiquant qu’au deuxième tour, Marina Silva battrait immanquablement Dilma Rousseff. La tendance ne s’est inversée qu’à partir du 20 septembre, et la cote de Marina Silva n’a cessé depuis de décliner jusqu’à son décevant résultat final de 21,32 %.


Par ailleurs, huit « petits » candidats ont obtenu moins de 2 % : Le premier d’entre eux est un pasteur évangélique, Everaldo Dias Pereira, qui obtient 1,55 %. Le second d’entre eux, qui arrive donc 5ème sur 11 candidats, n’est autre que le candidat du Parti Vert (Partido Verde), Eduardo Jorge, un médecin de 64 ans au déjà long parcours politique, qui obtient 0,75 % (780 505 voix). C’est  un bon score par rapport à celui des précédents candidats Verts comparables, Alfredo Sirkis, (qui n’avait obtenu que 0,3 % (212 866 voix) en 1998, et Fernando Gabeira qui ‘avait obtenu que 0,18 % en 1989), si l’on excepte la candidature hors normes de la très charismatique Marina Silva sous les couleurs du parti Vert, en 2010, lorsqu’elle était arrivée en troisième position derrière Dilma Rousseff et le candidat du PSDB de l’époque, José Serra, en obtenant 19,33 % des voix. Un score étincelant à l’époque qui semblait pouvoir ouvrir une troisième voie, très largement écologique, pour le Brésil.



ANALYSE GÉNÉRALE

Dima Rousseff et Aecio Neves sont finalement arrivés en tête pour trois raisons principales
  • Ils avaient tous deux un socle électoral stable et nombreux ;
    • Pour Dilma Rousseff, celui des bénéficiaires des programmes sociaux l’ère Lula (2002-2010), que Dilma, son héritière, a continués et qui ont fait sortir de la misère, voire accéder à la classe moyenne des dizaines de millions de Brésiliens grâce à des mesures comme la Bolsa Familia (bourse familiale pour les familles et la revalarisation du salaire minimum. Des mesures  malheureusement financées par une croissance rapide sans grande considération pour l’environnement, ce qui avait amené Marina Silva, alors membre du PT et ministre de l’environnement de Lula, à quitter le gouvernement en 2008 (elle y était  constamment en opposition avec la Ministre de l’Énergie… Dilma Rousseff).
    • Pour Aecio Neves, les classes possédantes et les classes moyennes qui en cette période de croissance atone voire de récession au Brésil, s’estiment matraquées d’impôts sans recevoir assez en retour de la part d’un gouvernement et d’une administration PT qui ont été éclaboussés par de nombreuses affaires de corruption, et qui souhaitent un changement accompagné d’un tournant libéral.
  • Ils disposaient avec le PT et le PSDB de machines de guerre électorales puissantes et largement financées.
  • Dans une société profondément conservatrice sur le plan sociétal, minée par la montée des Eglises évangéliques, ils se sont abstenus prudemment de toute position courageuse susceptible de leur perdre des voix. Motus donc sur des sujets comme la légalisation de l’avortement, le droit au mariage pour tous, la dépénalisation du cannabis, tous thèmes ardemment défendus par le candidat Vert Eduardo Jorge (dont le score s’en est inévitablement ressenti dans un pays très conservateur sur les questions sociétales et où les Eglises évangéliques sont en forte expansion…).
 A l’inverse, Marina Silva, dont  l’histoire et la personnalité (la petite analphabète noire du Nordeste qui à force d’études et de batailles pour l’environnement avec son mentor Chico Mendes (assassiné en 1988) est devenue députée à 32 ans, sénatrice à 36 ans, ministre à 44 ans…) avait un électorat potentiel très nombreux, mais plus hétérogène et donc plus volatil. Connue pour son éthique et sa droiture, elle incarnait la possibilité d’une troisième voie aussi bien pour des classes pauvres séduites par son parcours, que pour les jeunes en quête de changement et que pour les classes moyennes soucieuses d’environnement. Son électorat potentiel coll était peu ou prou celui des opposants à la Coupe du Monde qui avaient manifesté en 2013 contre cette gabegie d’argent et pour plus de services dans les transports, la santé, l’éducation… Elle pouvait compter aussi sur un vote des fidèles des Églises évangéliques, car cette fervente chrétienne est membre de l’une d’elle (l’ »Assemblée de Dieu » »). Sa religiosité l’amène à être personnellement sincèrement opposée à la légalisation de l’avortement et au droit au mariage électoral (à l’inverse de Dilma Rousseff et Aecio Neves qui se positionnent contre par calcul purement électoral), même si elle a défendu l’idée de référendums sur ces sujets quand elle était candidate des Verts. Elle a perdu de nombreux soutiens progressistes pendant la campagne, en se déclarant fin août, sous la pression de pasteurs évangéliques, contre la position de son actuel parti, le PSB,  en faveur du droit à l’avortement et au mariage pour tous. De surcroît les mêmes classes progressistes se méfiaient de la ligne économiquement libérale de son parti et de son candidat à la vice-présidence, Beto Albuquerque, qui, en tant que député, a été à la tête du lobby pro-OGM depuis  plus de dix ans. A l’inverse, les classes moyennes désireuses d’une relance économique libérale sans trop de considération pour l’environnement étaient rebutées par une candidate au parcours de pasionaria écologiste. La mayonnaise a d’abord commencé à bien prendre, puis elle a tourné… Au lendemain de son élimination du second tour, Marina Silva a refusé de dire si elle appellerait à voter pour Dilma Rousseff ou Aecio Neve, mais aux dernières nouvelles elle se préparerait à appeler à voter, a titre individuel sinon au nom du PSB, en faveur d’Aecio Neves.  Rappelons qu’après son succès de 2010, elle n’avait personnellement pas appelé à voter pour Dilma Rousseff ou le candidat du PDSB José Serra, alors que son parti Vert avait finalement appelé à voter pour Dilma Rousseff.


Petite précision sur Marina Silva ; après avoir quitté le gouvernement Lula en 2008, puis le PT en 2009, elle a rejoint le Partido Verde dont elle a été la candidate à la présidentielle de 2010 avec le succès que l’on sait. Elle n’avait pu obtenir de la direction du parti des élections internes et avait décidé en juillet 2011 de quitter le parti, en compagnie de quelques Verts historiques comme Alfredo Sirkis, pour fonder un nouveau parti, le « Réseau durable » (« Red Sustentabuilidade »). Il lui fallait pour faire légaliser ce nouveau parti 492 000 signatures d’électeurs, mais il lui en a manqué, en 2013, 50 000. Elle a alors accepté l’offre du PSB d’être la candidate à la vice-présidence du candidat présidentiel du PSB, Eduardo Campos, qu’elle a  remplacé comme candidate à la présidence après le décès accidentel de celui-ci, le 13 août dernier.



LE CANDIDAT VERT,  EDUARDO JORGE 


Eduardo Jorge est un médecin de 64 ans, qui depuis sa jeunesse a milité d’abord au Parti communiste brésilien sous la dictature militaire, ce qui lui valut quelques priocès et séjours en prison dans les années 1970, puis au Pt de 1980 à 2003. Il a longtemps été sous les couleurs du PT député de l’Etat de Sao-Paulo, puis député fédéral avant que de quitter le parti, déçu par la politique de Lula, pour rejoindre les Verts. Il a aussi été secrétaire municipal à l’Environnement de la ville de Sao Paulo sous l’administration PT de Martha Suplicy puis sous l’administration PDSB du candidat à la présidentielle de 2010, José Serra. Il a dans ces fonctions initié nombre de lois et de programmes dans ses domaines de prédilection que sont la santé, l’éducation et l’écologie. Presque inconnu à l’international, il a été démocratiquement choisi au sein du Partido Verde pour être son candidat à la présidentielle en juin 2013 et s’est très dignement acquitté de cette mission en portant un discours courageux et frontal sur les questions sociétales (légalisation de l’avortement, du mariage pour tous et du cannabis) et en prônant une reconversion écologique pour l’économie, afin d’atteindre plein emploi et justice sociale (le Brésil, 7ème puissance économique mondiale, reste un pays parmi les plus inégalitaires). Il a aussi fait campagne pour les droits des minorités indiennes, les énergies renouvelables, contre le nucléaire et les cultures OGM… Il faisait partie des 7 candidats conviés à tous les débats réservés dans les médias aux candidats à la présidentielle, débats auxquels n’ont pu participer 5 « petits » candidats.



LES ÉLECTIONS POUR LES PARLEMENTS DES ÉTATS, POUR LE PARLEMENT FÉDÉRAL, POUR LES POSTES DE GOUVERNEUR ET LE RENOUVELLEMENT D’UN TIERS DU SÉNAT.


Ces élections ont eu lieu comme la présidentielle le 5 octobre, mais les résultats ne sont  pas encore connus aujourd’hui. Les Verts brésiliens restent sur une série positive : ils ont obtenu lors des élections au Parlement fédéral 0,4 % et un élu (sur 513) en 1998, puis 1,4 % et 5 députés en 2002, puis 3,6 % et 13 élus en 2006, et enfin 3,8 % et 15 élus en 2010.