> tribune publiée dans Libération

Le groupe écologiste à l’Assemblée nationale va déposer aujourd’hui deux propositions de loi visant à moraliser la vie publique.

Par BARBARA POMPILI et FRANÇOIS DE RUGY, co-présidents du groupe écologiste à l’Assemblée Nationale

Les Français sont en colère. Et leur colère est légitime.

L’affront dont l’ancien ministre du Budget s’est rendu coupable envers la République a été révélé librement par la presse, et fait l’objet d’une instruction libre par une justice enfin indépendante : ce sont bien là les deux seuls motifs de satisfaction qu’on puisse trouver à cette affaire.

Car l’essentiel est que les dispositifs législatifs aujourd’hui en vigueur n’ont pas permis d’éviter que cette situation se produise.

C’est pourquoi les écologistes font aujourd’hui des propositions concrètes, en déposant deux propositions de lois sur le bureau de l’Assemblée nationale. Ces propositions, nous demandons au gouvernement de les prendre en compte, et de les intégrer aux textes législatifs sur lesquels il travaille.

Nous proposons de régler une bonne fois pour toute la question des contrôles des conflits d’intérêts des parlementaires, des ministres et des membres de cabinets ministériels, notamment les plus sensibles (Budget, Santé, …), nous proposons d’encadrer le « pantouflage » des collaborateurs ministériels, comme c’est le cas pour les hauts fonctionnaires.

Nous proposons de mettre fin sans plus tarder au cumul des mandats, car cette pratique est un multiplicateur évident des situations de conflits d’intérêts.

Pour assurer la transparence, nous proposons de rendre les déclarations de patrimoine des élus accessibles à tous, d’imposer la déclaration annuelle de l’ensemble des rémunérations perçues par les membres du gouvernement, de publier et contrôler les déclarations d’intérêts, d’imposer la transparence de la réserve parlementaire, de faire du compte-rendu de l’utilisation des frais de mandats des élus une obligation, d’élargir le contrôle aux députés européens et aux élus locaux.

Pour que la justice agisse sans entrave, pour que la justice soit réellement dissuasive, concrétisons sans plus attendre l’indépendance du parquet, la neutralité politique des nominations des juges et, plutôt que d’agiter une hypothétique inéligibilité à vie, à la constitutionnalité douteuse, nous proposons de porter à dix ans la durée de la peine d’inéligibilité, en faisant en sorte qu’elle soit enfin réellement appliquée. Et si, sur cette réforme de la justice, qui nécessite une modification de la Constitution, l’opposition UMP-UDI persiste dans son obstruction, nous proposons aux Français la possibilité de l’imposer, par la voie du référendum !

Pour moraliser et clarifier les financements de la vie politique, nous proposons d’encadrer les dons et les cotisations des personnes physiques aux partis politiques, d’interdire le rattachement d’un parlementaire à un micro-parti, de rendre obligatoire, pour les partis politiques, la publication de la liste de leurs donateurs pour les dons supérieurs à 3 000 euros.

Et, pour lutter contre l’évasion fiscale, qui est au cœur de cette détestable affaire Cahuzac, et qui constitue un crime contre le pacte républicain, nous proposons d’augmenter les effectifs de ce service au sein de l’administration fiscale : saisissons-nous des avancées de la récente loi bancaire qui oblige nos banques à faire la transparence sur leurs activités à l’étranger et allons plus loin, notamment en revoyant les critères de transparence et anti-blanchiment dans les règles d’adhésion à la zone euro et à l’Union européenne.

Faisons de la lutte contre les paradis fiscaux une priorité de l’Union Européenne, sans quoi tous les plans de sauvetage conçus depuis le début de la crise financière auront été autant de coups d’épée dans l’eau.

Notre proposition de loi s’inspire de l’exemple de la loi FATCA votée aux Etats-Unis : contraignons toute institution financière dans le monde qui ouvre un compte à un citoyen français ou à une entreprise à capitaux majoritairement français à le déclarer au fisc.

Après les aveux de Jérôme Cahuzac, la France est en état de choc. Faisons en sorte que ce choc soit salutaire : c’est de la responsabilité des élus que d’engager un sursaut républicain.

C’est ce sens des responsabilités qui nous a amenés à publier, hier, collectivement avec notre homologue du Sénat et nos ministres notre déclaration de patrimoine.

C’est ce sens des responsabilités qui nous amène à déposer, dès aujourd’hui, ces deux propositions de lois concrètes : que chacun s’en saisisse. Il n’y a là-dessus ni revendication partisane ni copyright !