Par Aline Archimbaud, sénatrice EELV et Anny Poursinoff, députée EELV

Monsieur le Ministre,

Il y a un an, la France suivait dans l’anxiété les épisodes tragiques du scandale du Médiator. Le bilan macabre et malheureusement encore provisoire de l’anti-diabétique est catastrophique pour la confiance des français dans notre système de santé.

Comment rester serein lorsque en plus des diverses pollutions qui chaque jour menacent notre santé l’on prend conscience que le danger peut également provenir des médicaments censés nous soigner ?

Il est malheureusement trop tard pour les milliers de victimes du Médiator. Mais même s’il y a quelque chose de déprimant d’en être réduites à attendre une catastrophe pour constater enfin un début de changement, le scandale du Médiator a eu le mérite de mettre votre gouvernement au pied du mur. Et de vous amener, monsieur le ministre, à souhaiter « restaurer la confiance des français dans notre système du médicament ».

C’est une bonne chose. Mais clairement, vouloir rassurer les français en proposant une fois de plus une loi alibi dictée par l’actualité ne suffit pas. Devant les sénateurs, vous avez déclaré, le 27 octobre, que « pour réaliser une vraie réforme, il ne faut pas de demi-mesures ». Nous sommes entièrement d’accord avec vous sur ce point. Et c’est justement pour cela que nous avons été extrêmement déçues par la frilosité du projet de loi, tel qu’il avait été initialement rédigé par le gouvernement.

Une victoire de la gauche au Sénat

Fidèles à leur conviction que la sécurité sanitaire est un sujet bien trop important pour qu’ils puissent se permettre de manquer d’ambition en la matière, les parlementaires écologistes ont donc entrepris, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, de renforcer ce texte et d’en combler les nombreuses lacunes.

Malgré le rythme impossible imposé par le gouvernement, de nombreux amendements ont été déposés en ce sens, et beaucoup on été adoptés, surtout au Sénat, en partenariat avec nos collègues socialistes et communistes. Nous nous en réjouissons.

C’est une des premières victoires pour la gauche nouvellement majoritaire au Sénat. Mais cela constitue surtout une vraie chance pour la sécurité sanitaire des Français d’être réellement à la hauteur de la célèbre formule d’Hippocrate sur laquelle se fonde l’éthique médicale: « d’abord ne pas nuire, ensuite soigner ».

Nous voulons être sures que les avancées obtenues ne soient pas remises en cause par la Commission mixte paritaire prévue le 15 novembre. Ou par l’Assemblée nationale si une seconde lecture devait avoir lieu.

Aussi nous veillerons à ce que la Commission mixte paritaire poursuive les objectifs d’accroître la transparence des décisions sanitaires et de juguler les liens d’intérêt entre la décision publique et l’industrie pharmaceutique.

Cela nécessite entre autres que la consultation par le public des déclarations publiques d’intérêt soit facilitée, que la publicité des séances des commissions, conseils et instances collégiales d’expertise soit effective, que les étudiants et les professionnels du secteur soient davantage protégés de l’influence de l’industrie pharmaceutique, mais aussi que la visite médicale et la formation initiale et continue des médecins soient repensées.

Légalisons les actions de groupe !

Les avancées tant attendues des associations de malades et obtenues au Sénat ne devront pas être remises en cause. Nous pensons notamment ici aux «autorisations temporaires d’utilisation» qu’il s’agit d’encadrer plus fermement de manière à éviter les détournement de ce dispositif, tout en s’assurant que cela ne se fasse en aucun cas au détriment de l’accès des malades aux soins.

Nous pensons également au renforcement des droits des victimes d’accidents médicamenteux. Et enfin à la création en droit français de la possibilité de mener des actions de groupepour palier le véritable parcours du combattant qui s’offre en général aux victimes sanitaires. En plus d’être déjà atteintes psychologiquement ou physiquement, celles-ci sont en effet souvent démunies face à de grands groupes industriels qui ont les capacités économiques et judiciaires de retarder les procédures.

Monsieur le Ministre, vous avez exprimé, au Sénat, votre espérance que la version définitive du texte nous permette de nous rassembler, toutes tendances confondues. C’est ce que nous souhaitons également: la sécurité sanitaire est un sujet trop important pour faire l’objet de querelles partisanes. Il est hors de question que le consensus se fasse au détriment de la sécurité sanitaire des français.

Nous ne pouvons donc pas imaginer une seule seconde que les représentants de la majorité présidentielle qui participeront à la Commission mixte paritaire reviennent, par un jeu systématique de détricotage, sur les avancées salutaires obtenues par les parlementaires et qui renforcent considérablement la portée du projet de loi.

Plus que jamais, notre seul souci doit être celui de la santé publique, et donc de l’intérêt général. Puisque c’est forcément cet objectif que vous poursuivez également, monsieur le ministre, nous ne doutons pas que les échanges seront aussi constructifs que nous l’espérons. Comptez en tout cas sur notre soutien chaque fois que vos propositions iront dans ce sens. Tels sont les enjeux du débat qui nous attend.