Motion de cadrage

Exposé des motifs

Les sociétés européennes sont devenues majoritairement urbaines. La plupart des individus vivent en ville où dans les aires d’influences de ces villes. Mais l’urbanisation croissante des espaces reste mineure face à son phénomène miroir : celui de l’urbanisation des esprits. Aujourd’hui les sociétés contemporaines sont marquées par l’influence majeure qu’exercent les modes de vie urbains sur le monde : les pratiques urbaines et les combats initiés dans les villes sont considérés dans l’imaginaire collectif comme des fronts d’un progrès social collectif et universel. De plus la grande majorité des politiques territoriales portées sous la cinquième république a positionnée la compétitivité et l’attractivité comme axe majeur du développement territorial : si les métropoles semblent sortir leur épingle du jeu, les espaces enclavés des villes petites et moyennes anciennement spécialisées dans le tissu industriel et les espaces ruraux sont eux restés en marge de la marche forcée de l’Occident. Partout dans les territoires les modes de vie s’uniformisent sur le modèle de la vie métropolitaine mettant en danger tant la diversité naturelle que la diversité culturelle.

Les crises sociales et environnementales qui marquent aujourd’hui le monde métropolitain (crise de la biodiversité, artificialisation des sols, augmentation des inégalités, mal être en ville, et surtout une perte croissante des diversités paysagères et des diversités d’être et de penser) invitent à porter un regard nouveau sur les espaces ruraux. Ces derniers constituent en effet un répondant intéressant aux dynamiques urbaines : ils sont des espaces singuliers, où peuvent s’inventer de concert le partage et la solidarité, l’autonomie et l’ouverture, mais aussi des modes d’habiter et de progrès qui peuvent se construire sur un rapport de force renouvelé entre les territoires.

Pour cela il convient de partir de l’hypothèse que les espaces ruraux, loin d’être des espaces en marge de la modernité, ont une singularité qui porte en elle les germes de liens pertinents entre les individus et un paysage particulier. Les mouvements de « retour à la terre » porté par les néoruraux invitent également à questionner le potentiel d’innovation des espaces ruraux à l’image de la permaculture, de certaines dynamiques culturelles (Land Art, festival de toute sorte, éco-hameau) et de nouvelles interfaces de solidarité (la vallée de la Roya, les villages des Cévennes et de l’Ariège). Malgré tout, les espaces ruraux ont aussi des paradoxes qu’il convient de comprendre : les communs n’existent presque plus dans les villages, et la nature y est autant adulée qu’elle est crainte : le rapport aux risques naturels des populations rurales est exacerbé par la position de vulnérabilité dans laquelle se situent les pratiques habitantes.

Dans les territoires insulaires et en Guyane Française, les espaces ruraux sont également sujets à une mise en précarité nouvelle entrainant de profonds malaises sociaux et remettant en cause les structures culturelles et la diversité territoriale.

Un angle d’analyse innovant :

La campagne est donc terre de paradoxes, mais elle est surtout terre oubliée, autant dans l’imaginaire collectif que dans les politiques publiques. Les jeunes partent vers les villes où leur avenir peut s’inventer par l’international, les entreprises de service se concentrant dans les aires urbaines. Enfin les dynamiques de progrès social ne sont jugées pertinentes que lorsqu’elles émanent des villes.

Nous proposons ici de prendre le contre-pied de la pensée dominante, en partant de l’hypothèse que les campagnes peuvent également constituer des terres d’innovations et de progrès. De plus, elles peuvent enrichir le monde d’une diversité territoriale endogène et sans cesse renouvelée. En constituant un groupe de travail qui s’intéresse aux espaces ruraux, nous proposons d’essayer de comprendre les enjeux des espaces ruraux et de faire émerger des réflexions sur l’avenir des campagnes à travers le regard de l’écologie politique.

De la compréhension à la stratégie politique

Aujourd’hui peu de partis politiques proposent de véritables réflexions sur les espaces ruraux autres que sur la thématique agricole.

Si le groupe de travail permettrait de suivre et d’agir sur les réglementations impactant l’agriculture, l’élevage et la forêt, Il a surtout pour vocation d’alimenter un programme systémique sur la ruralité. Ces réflexions pourraient permettre au mouvement EELV de se rendre plus visible et audible auprès des populations rurales.

De plus elles permettraient de proposer une mise en valeur des singularités et des forces de ces espaces pour penser l’écologie politique. Les réflexions ainsi portées pourront être matérialisées par un rapport qui pourrait autant inspirer les municipales de 2020 à venir que les acteurs et actrices de la société civile œuvrant dans les espaces ruraux. Ce même rapport pourrait alors être un outil d’accompagnement des élus des tous petits territoires municipaux, et un outil de fédération des populations rurales à la pensée écologique.

Proposition d’une méthode de travail

Nous proposons pour cela de créer un groupe de travail composé tant d’élu.e.s EELV de la ruralité, de militant.e.s EELV que de cadres de la société civile. Après un premier diagnostic sur la situation sociale, environnementale et écologique des territoires ruraux, le groupe de travail pourrait aller à la rencontre d’élu.e.s et de penseurs et penseuses de la ruralité pour mieux comprendre les enjeux spécifiques de la ruralité dans son ensemble. Une fois une petite cartographie des espaces dit ruraux en France effectuée, le groupe de travail pourrait se positionner sur un ou deux territoires « pilotes » où porter quelques entretiens auprès des acteurs et des habitants. Les données empiriques pourraient être ensuite « théorisées » pour porter des réflexions génériques (à l’échelle nationale) sur les liens entre l’écologie politique et l’habité rural.

Motion

En résumé la motion ici présente propose :

– De fédérer, certains élu.e.s de la FEVE, les commissions agriculture et environnement et éventuellement des acteurs et actrices de la société civile, de métropole ou d’outre mer, autour de la réalisation d’un rapport sur le thème « écologie et ruralité ».

– Ce rapport a pour objectif d’établir un diagnostic des espaces ruraux (ses espaces, ses activités, ses habitants) et d’établir des propositions de développement s’articulant autour de la singularité de ces territoires et d’une réglementation multiple sur la gestion du foncier. Ces réflexions pourront nourrir tant la préparation des municipales que les projets portés sur place par des acteurs et actrices de la société civile.

– Le Conseil fédéral décide de constituer un groupe de travail sur la ruralité.

– Le groupe de travail ainsi constitué, se propose, en lien avec le bureau exécutif, d’agencer un calendrier provisoire et un cadre de travail d’ici au prochain Conseil fédéral.

Unanimité pour

 

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