Exposé des motifs

En 2017, l’ONUSIDA estime que 36,9 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde (dont 70% en Afrique). La même année, 940 000 personnes sont décédées du sida (dont 40% de la tuberculose), pendant que 1,8 millions de personnes se sont nouvellement contaminées.

Au sein de l’Union européenne, la France reste le pays le plus touchée par le VIH, avec 6000 nouveaux diagnostics chaque année. La moitié de l’épidémie se concentre en Ile-de-France et dans les départements français d’Amérique, particulièrement en Guyane, département qui connaît la plus forte prévalence en France (supérieure à 1%, épidémie généralisée selon l’OMS).

Ces chiffres de contaminations et de décès sont bien trop stables depuis plusieurs années, alors que les acteurs de la lutte contre le sida considèrent que tous les outils de prévention (préservatifs interne et externe et traitement préventif “PrEP”), de réduction des risques de transmission (échanges de seringues, etc.), de dépistage (test laboratoire, test rapide TROD, autotest) et de traitement (suppression de la charge virale, et donc non transmissibilité du virus chez les personnes traitées) sont disponibles pour mettre fin à l’épidémie.

Deux raisons principales peuvent expliquer cette stagnation générale, avec même des rebonds de l’épidémie dans certains pays (particulièrement en Europe de l’Est et Asie centrale) : d’une part le manque de financements pour renforcer l’offre de santé, d’autre part la persistance de barrières dans l’accès à la santé de certains groupes de populations.

En effet, le VIH ne touche pas tout le monde de la même manière. Une personne discriminée, précarisée et rejetée en marge de la société, stigmatisée dans son accès aux soins – quand il n’y a pas tout simplement refus de la soigner -, aura moins facilement accès aux outils de prévention, au traitement et aux informations. Les discriminations forment un terreau fertile pour le VIH, en attestent les taux de prévalence beaucoup plus élevés chez certaines populations-clés qu’en population générale. Dans le monde, 47% des contaminations concernent des personnes LGBT, migrantes, usagères de drogues ou travailleuses du sexe. En France, cette part s’élève à 83% des nouvelles contaminations en 2016.

Ces discriminations et stigmatisations peuvent prendre différentes formes : homophobie ou transphobie institutionnalisées comme dans de nombreux pays (comment parler facilement de sa sexualité à un médecin quand c’est un crime ?) ou comportements plus pernicieux (stigmatisation, rejet), politiques répressives envers les personnes consommatrices de drogues ou les travailleurs-ses du sexe, précarité administrative des personnes migrantes et refus d’accès aux soins. Elles ont le même effet : éloigner les personnes du système de santé, directement (discrimination) ou indirectement (stigmatisation, précarisation), et donc les exposer davantage aux pandémies.

Par ailleurs, l’offre reste insuffisamment financée dans les pays à revenus faibles et intermédiaires : en 2017, 21,3 milliards de dollars y étaient disponibles (dont 56% de financements domestiques), pour un besoin estimé à 26,2 milliards. Les 5 milliards manquants empêchent aujourd’hui de multiplier les offres de dépistage (25% des personnes séropositives vivent avec le VIH sans le savoir dans le monde), de proposer un traitement antirétroviral à toutes les personnes dépistées positives (cela représente environ 6 millions de personnes qui connaissent leur statut mais sont privées d’accès à un traitement, et donc risquent de mourir du sida et peuvent toujours transmettre le virus), de renforcer les programmes de prévention à destination de la population générale et des communautés les plus touchées (santé communautaire).

Avec d’une part les outils de prévention qui permettent de limiter au maximum le risque de contamination (à 80% en vie réelle pour le préservatif, à près de 100% pour le traitement préventif PrEP), et d’autre part le traitement antirétroviral qui permet de supprimer en quelques semaines tout risque de transmission du virus, mettre fin au sida dans le monde n’est pas tant une problématique de recherche ou d’innovation thérapeutique, qu’un question de volonté politique et de moyens financiers alloués.

Le 3e Objectif de Développement durable de l’ONU visait une fin de l’épidémie de VIH/sida pour 2030. Alors que plus de 35 millions de personnes sont mortes du sida dans le monde depuis le début de l’épidémie, cet objectif, inespéré il y a 15 ans, constitue aujourd’hui un horizon atteignable.

La France, historiquement très investie dans cette lutte, a vu son engagement s’éroder au fil des années. La contribution française au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (360 millions d’euros par an, 15% du prix d’un sous-marin nucléaire) n’a plus augmenté depuis 2010. Celle à Unitaid a été fortement baissée. Une occasion historique se présente : la France accueillera à Lyon, le 10 octobre 2019, la conférence de reconstitution du Fonds mondial. Cette réunion des pays riches décidera des enveloppes financières disponibles pour 2020-2022.

40 ans après la variole, c’est une opportunité historique de se donner les moyens de mettre enfin un terme définitif à une des épidémies les plus meurtrières du XXe siècle.

Motion

Le Conseil fédéral d’Europe Ecologie Les Verts, réuni en cette Journée mondiale de lutte contre le sida (1er décembre 2018), demande au parti, et notamment à ses élu-e-s, de tout mettre en œuvre pour :

A l’échelle nationale :

  • Renforcer l’information et la sensibilisation de la population, et notamment des jeunes :
    • Dénoncer autant que de besoin toutes les formes de complotisme et de négationnisme en matière de VIH/sida.
    • Rendre effective l’obligation de trois séances dédiées à la santé affective et sexuelle par an au cours de la scolarité.
    • Financer au moins une campagne d’information nationale annuelle en matière de santé sexuelle, avec affichage et spots audiovisuels, sous le pilotage de Santé publique France.
  • Renforcer l’offre de prévention et de dépistage sur l’ensemble du territoire :
    • En matière d’accès au dépistage : accès libre et gratuit aux autotests dans les établissements scolaires, sociaux et médico-sociaux, financement des acteurs communautaires à hauteur des besoin pour le dépistage rapide (TROD), possibilité d’effectuer jusqu’à un dépistage par an en laboratoire de ville sans ordonnance.
    • En matière d’accès aux préservatifs externe et interne : remboursement par la Sécurité sociale, délivrance gratuite et facile d’accès dans les établissements scolaires, sociaux et médico-sociaux.
    • En matière d’accès à la PrEP (traitement préventif) : ouverture de la primo-prescription aux généralistes et sages-femmes, gratuité des dépistages des IST (infections sexuellement transmissibles), élargissement des critères d’accès à toute personne en faisant la demande.
    • En matière d’offre de santé sexuelle : financement à hauteur des besoins des CeGIDD (Centre gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic) et possibilité de créer des centres de santé sexuelle communautaires financés par la Sécurité sociale.
    • En matière d’équité territoriale : garantir l’accès à l’ensemble de ces services et outils dans les départements français d’Amérique, notamment en Guyane, par un financement adéquat.
  • Lever toutes les barrières dans l’accès à la santé des populations précarisées et stigmatisées et particulièrement exposées au VIH/sida :
    • Pour les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes : lutter contre la stigmatisation dans le soin en renforçant la formation des professionnel.le.s de santé.
    • Pour les personnes trans : supprimer les obstacles financiers et légaux au parcours de transition, notamment la psychiatrisation obligatoire ; permettre le changement d’état civil libre et gratuit.
    • Pour les personnes migrantes : mettre fin à la précarité administrative (régularisation des sans papiers) ; mettre fin aux entraves au droit au séjour pour soin pour les personnes étrangères malades et revenir sur le transfert de l’évaluation médicale des demandes à l’Office française de l’immigration et de l’intégration (OFII) ; garantir l’accès à la santé des personnes migrantes en fusionnant l’Aide médicale d’Etat et la CMU-C.
    • Pour les travailleurs-euses du sexe : garantir l’accès au droit commun des travailleurs-euses du sexe, mettre fin à la pénalisation des clients et à tout dispositif qui précarise les travailleurs et travailleuses du sexe, lutter contre le proxénétisme et la traite des êtres humains en garantissant des conditions dignes d’existence pour les personnes qui souhaitent sortir de la prostitution (allocation spécifique, délivrance automatique d’un titre de séjour).
    • Pour les personnes consommatrices de drogues : financer à la hauteur des besoins l’accès au matériel de réduction des risques (seringues, pipes, roule-ta-paille), aux traitements de substitution et à l’accompagnement à l’injection et à la supervision des injections (salles de consommation à moindre risque) ; décriminaliser l’usage et la détention de produits illicites ;
    • Pour les personnes sous main de justice : garantir aux traitements (antirétroviraux contre le VIH, antiviraux à action directe contre l’hépatite C, traitements de substitution aux opiacés) et au matériel de prévention (préservatifs, seringues, etc.) dans toutes les maisons d’arrêt ; garantir le respect du secret médical.
  • Alléger la vie des personnes vivant avec les VIH :
    • Lutter contre la sérophobie donc sont victimes les personnes vivant avec le VIH au quotidien
    • Diffuser et publiciser les messages sur les innovations thérapeutiques : une personne séropositive sous traitement sans échec thérapeutique ne peut plus transmettre le virus.
    • Lutter contre les refus de soins dont sont victimes les personnes séropositives.
    • Lever les discriminations légales dans l’accès à l’emploi (armée, police, gendarmerie, pompiers, aviation civile) et à l’assurance emprunteur.
    • Refuser toute pénalisation de la transmission du VIH ou d’exposition au risque de transmission du VIH.
    • Garantir l’accès des personnes séropositives aux droits sociaux auxquels elles ont droit, notamment l’Allocation Adulte Handicapé.
    • Élargir la prise en charge à 100% de l’ALD (Affection Longue durée) aux soins dit “de confort” qui permettent de lutter contre les stigmates de la maladie et de réduire les effets indésirables des traitements.  
  • Renforcer les moyens alloués à la recherche en santé :
    • Soutenir la recherche fondamentale et clinique pour le développement de nouvelles innovations thérapeutiques (traitement à diffusion lente, vaccin), en veillant à ce que le prix négocié garantisse un accès à tou-te-s au traitement.
    • Soutenir la recherche en épidémiologie, en santé publique et en sciences sociales, pour adapter les réponses sanitaires aux besoins des personnes et à leurs contraintes.

A l’échelle européenne :

  • Déployer les outils disponibles sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne :
    • Garantir l’accès aux traitements génériques partout, en réformant les règlements sur la propriété intellectuelle relatifs aux médicaments et dispositifs de santé (brevets, certificats complémentaires de protection, exclusivité des données cliniques, etc.).
    • Garantir une politique d’accueil digne des personnes migrantes, intégrant un respect de leur droit fondamental à la santé, pour éviter leur précarisation et leur exposition accrue aux pandémies.
  • Dénoncer les traités néocoloniaux qui maintiennent les Etats à revenus faibles et intermédiaires dans une situation de dépendance et entravent leur développement (accords de partenariat économiques).
  • Renforcer la coordination entre régimes de sécurité sociale au sein de l’UE et la coopération avec les pays frontaliers (Maghreb et l’Europe de l’Est) pour éviter les ruptures dans les parcours de santé.

A l’échelle internationale :

  • Œuvrer pour le respect des droits fondamentaux des minorités dans le monde, en renforçant la diplomatie de la France et en mettant en cohérence les objectifs de la politique française de développement :
    • Soutenir les initiatives des pays en développement en faveur de la dépénalisation universelle de l’homosexualité et soutenir financièrement les acteurs communautaires qui luttent contre les discriminations et pour l’inclusion sociale des minorités dans les pays qui les criminalisent.
    • Dénoncer les conventions de l’ONU sur les drogues et promouvoir la régulation au niveau mondial.
  • Garantir le droit à la santé en dénonçant les accords commerciaux qui limitent l’accès aux médicaments génériques dans de nombreux pays.
  • Et immédiatement, dégager des moyens financiers à la hauteur des besoins afin que 2030 soit la première année sans contamination à VIH ni décès lié au sida dans le monde :
    • Garantir le succès de la conférence de reconstitution du Fonds mondial le 10 octobre 2019 à Lyon en mobilisant les militants-es d’EELV pour faire pression les pouvoirs publics.
    • Augmenter les financements du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme de 4 à 6 milliards de dollars disponibles par an comme le demandent les ONG impliquées.
    • Augmenter la contribution de la France au Fonds mondial de 50% pour le cycle 2020-2022, et plus généralement atteindre 1% de PNB français consacré à l’aide publique au développement (contre 0,43% en 2017 et 0,55% promis pour 2022).

A ce sujet, EELV soutient l’appel lancé par les associations « Sida une minute pour agir ». Les écologistes feront de ce sujet un combat politique, notamment dans le cadre des élections européennes de 2019.

Unanimité moins 1 contre et 1 blanc

 

Télécharger la motion : 

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