Exposé des motifs

Lors de son intervention en plénière des Journées d’été d’Europe Écologie – Les Verts à Lille cet été, la ministre de la santé Marisol Touraine a affirmé qu’un débat sur la vaccination devrait avoir lieu pendant l’automne, avec comme objectif une remise à plat de la politique vaccinale pratiquée en France.

Les vaccins sont un traitement curatif ou le plus souvent préventif de maladies infectieuses dont le principe est d’utiliser la mémoire immunologique de certaines catégories de globules blancs en exposant leur système immunitaire à toutes ou des parties de la structure de micro-organismes viraux ou bactériens morts ou dont la virulence est atténuée, dans l’objectif de les préparer à une éventuelle infection par ces micro-organismes.

Leur utilité a été démontrée très majoritairement en médecine humaine depuis plusieurs décennies par de nombreuses études montrant une chute parfois drastique de la prévalence de certaines maladies infectieuses endémiques, parfois graves (exemples : poliomyélite, variole, diphtérie, tétanos), parfois plus bénignes, mais pouvant entraîner des complications graves à des degrés divers (exemples : rubéole, rougeole, oreillons), cette chute étant associée à une amélioration des conditions d’hygiène ainsi qu’à une couverture vaccinale plus étendue de la population.

Comme toute intervention thérapeutique se voulant efficace, la vaccination humaine expose à des effets indésirables, certains bénins et fréquents, comme une rougeur ou une douleur transitoire au site d’injection, d’autres plus graves et heureusement plus rares comme des réactions immunologiques du système nerveux central dont l’encéphalomyélite aiguë disséminée est l’exemple typique.

Dans ce sujet comme dans d’autres interventions thérapeutiques, il convient de s’interroger sur le rapport bénéfice-risque (ou avantages-inconvénients) de tel ou tel vaccin administré, à la fois dans une perspective spatiale et temporelle (vérité ici ou au milieu du XXème siècle, parfois erreur là ou au début du XXIème…). Une des difficultés de l’évaluation résulte également du fait qu’on ne se vaccine pas seulement pour soi-même, mais aussi pour protéger les autres de la transmission d’une maladie infectieuse.

Ces dernières années, plusieurs questions se sont posées concernant les éventuelles complications de vaccins humains :

  • en 1994, la pharmacovigilance d’un des vaccins contre le virus de l’hépatite B a suggéré que celui-ci pourrait induire une sclérose en plaque ; le renforcement de cette pharmacovigilance et de nombreuses études semble établir que le risque serait statistiquement faible (1), ne remettant pas en cause la pratique de la vaccination auprès des personnes à risques (usages de drogues par voie intraveineuse…) ou de personnes à risque de transmission (professionnels de santé…). Les doutes persistants sur l’innocuité de ce vaccin rendent sa pratique systématique contestable dans les populations non à risque ;
  • en 1998, une étude a suggéré que le vaccin ROR (rougeole – oreillons – rubéole) pourrait augmenter l’incidence des troubles du spectre autistique mais la revue qui a sorti l’article l’a dans un second temps invalidé en 2011, car le contrôle a posteriori de l’équipe ayant publié les résultats a fait état de fraudes (2) ;
  • la pharmacovigilance du fameux vaccin antigrippal contre le sérotype H1N1 de la grippe (Pandemrix° de GlaxoSmithKline), a mis en évidence qu’il expose à un risque de narcolepsie auto-immune (3) ;
  • les adjuvants à l’aluminium, utilisés dans les 2/3 des vaccins pour amplifier la réponse immunitaire et diminuer la quantité d’antigène, semblent augmenter l’incidence d’une affection neuromusculaire nouvelle, la myofasciite à macrophages, dont le cadre nosologique fait toujours l’objet de discussions (4) et avoir un potentiel cancérogène et perturbateur endocrinien (5) ; ces adjuvants pourraient aussi être à l’origine de pathologies auto-immunes (6) ;
  • en 2006 sont arrivés, dans un contexte où le dépistage du cancer du col utérin n’était pas bien ciblé, les vaccins contre les papillomavirus humains, virus qui favorisent la genèse de certains cancer du col utérin ; les autorités sanitaires, qui avaient le choix entre les deux options non exclusives d’organiser un dépistage du cancer du col (efficacité probable, effets indésirables acceptables) et/ou de vacciner les jeunes filles (incertitudes quant au fait de savoir si éviter les infections aboutit à éviter le cancer à long terme), ont décidé comme la plupart des autorités de santé européennes d’associer les deux approches. Cependant, si la vaccination a démarré aussitôt, promue par les firmes pharmaceutiques en jouant sur la peur et la culpabilité des parents (7), sans grands efforts pour vérifier son efficacité clinique, force est de constater qu’en 2015, le dépistage généralisé des cancers du col n’est qu’à l’état de projet (8).

Par ailleurs, le vaccin trivalent diphtérie-tétanos-polio (DTP) n’étant plus produit depuis 2008 pour des raisons douteuses, les parents des enfants à vacciner ont été depuis lors quasi-obligés d’utiliser un vaccin tetravalent (où s’ajoute la coqueluche), pentavalent (où s’ajoute l’hémophilus influenza de type B) voire hexavalent (où s’ajoute l’hépatite B) pour respecter l’obligation vaccinale.

La pénurie récente des vaccins tetra et pentavalent, officiellement liée à une explosion de la demande mondiale en vaccins anticoquelucheux a fait que de nombreuses personnes ont été amenées à utiliser le vaccin hexavalent en France ces derniers mois, ce vaccin étant par ailleurs beaucoup plus cher. On peut se demander si cette pénurie n’est pas organisée par les laboratoires pharmaceutiques dans la mesure où elle leur profite indéniablement. Avant 2008, le vaccin DTP ne coûtait que 7€. Quant aux vaccins tetra- et pentavalent, ils coûtent respectivement 14 et 26€, pendant que l’hexavalent, le seul encore disponible, frise les 40€, jackpot pour les entreprises pharmaceutiques !

L’ensemble de ces problèmes a favorisé l'(a ré-)émergence de mouvements antivaccinaux, dont la rhétorique est d’autant plus redoutable qu’elle est ambiguë sur l’objectif recherché (tous les vaccins ?, certains ?) et qu’elle s’appuie sur des ressorts démonstratifs avec lesquels les écologistes politiques sont a priori en sympathie : les profits importants des firmes pharmaceutiques, le principe de précaution ou encore la liberté thérapeutique du patient.

  1. http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0755498205841570
  2. http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0755498212003296
  3. http://www.medecinesciences.org/articles/medsci/abs/2014/12/medsci20143012p1136/medsci20143012p1136.html
  4. http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1779012308706053
  5. Communiqué de presse du 12 mars 2013 du Réseau Environnement Santé
  6. https://www.vaccinssansaluminium.org/shoenfeld-syndrome-adjuvants/
  7. http://www.medocean.re/category/activite/hpv/
  8. Éditorial Prescrire n°375, janvier 2015, page 1

Motion

Devant ce constat, Europe Écologie-Les Verts, réuni en Conseil Fédéral à Paris les 9 et 10 janvier :

  • rappelle que les écologistes sont en faveur d’une véritable évaluation des bénéfices et des risques (c’est-à-dire des avantages et des inconvénients) de chaque intervention thérapeutique, position également valable pour la vaccination humaine, évaluation dont la complexité doit tenir aussi compte du fait qu’une vaccination concerne non-seulement l’individu vacciné mais aussi la communauté de personnes dont il fait partie (famille, crèche, école, lieu professionnel, transports en communs…) ;
  • rappelle qu’une vaccination contre un agent infectieux donné n’est pas équivalent à un autre vaccin contre un autre et qu’il ne saurait être question d’évaluer un rapport bénéfice-risque global mais particulier à chaque vaccin ;
  • exige que cette évaluation se fasse en toute indépendance des firmes pharmaceutiques ayant des intérêts à la production de vaccins ;
  • appelle à un renforcement de la pharmacovigilance individuelle et médicale vis-à-vis des effets indésirables des traitements médicaux, en ce compris des vaccins, et à ce que les engagements pris après l’affaire du benfluorex (Mediator°), notamment la mise en place d’une pharmacovigilance avec participation active des médecin généralistes en cas d’alertes, soit tenus ;
  • appelle à modifier au plus vite la situation consistant à devoir utiliser dans le cadre de l’obligation vaccinale vis-à-vis de certaines maladies, des vaccins dont une ou plusieurs valences ne fait l’objet d’aucune obligation, ce qui attente à la liberté thérapeutique et favorise indûment les profits de certaines firmes ;
  • appelle à assurer la disponibilité de vaccins DTP sans adjuvants aluminiques en raison des signaux alarmants sur les effets indésirables de ceux-ci ainsi qu’au financement massif de la recherche sur les conséquences de l’utilisation de l’aluminium comme adjuvant et sur la mise en œuvre d’adjuvants alternatifs, en particulier la possibilité que le phosphate de calcium, utilisé pendant 12 ans par l’Institut Pasteur en lieu et place de l’aluminium, soit de nouveau utilisé devrait être étudiée au plus vite ;
  • appelle les autorités sanitaires à organiser un dépistage du cancer du col utérin à l’échelle nationale, la vaccination anti-HPV n’étant à cet égard qu’une mesure ancillaire dont le rapport bénéfice/risque reste sujet à caution ;
  • appelle à la création d’un corps d’experts indépendant, comme le proposait le Sénat dans son rapport sur le Mediator°, reprenant ainsi une proposition du Formindep : « Refonder une expertise publique de haute qualité – Créer un corps d’état d’experts de santé publique indépendants de l’industrie pharmaceutique commun à toutes les agences de santé dont seront issus les experts internes, notamment ceux siègeant désormais dans les commissions et les experts représentant la France à l’Agence européenne du médicament (EMA) et au Committee for Medical Products for Human Use (CHMP) » et à revoir la composition du Comité Technique des Vaccinations (CTV), qui élabore le calendrier vaccinal, pour empêcher tout conflit d’intérêt en son sein ;
  • Demande à ce que soit évaluée la nécessite de l’obligation vaccinale sur le plan épidémiologique, sociologique, etc… par des experts indépendants des conflits d’intérêts de l’industrie pharmaceutique ; car l’obligation vaccinale ne signifie pas forcément que la population sera mieux couverte que dans un pays où le vaccin est seulement recommandé ; dans son rapport 2013 (*), l’OMS établit des taux de couverture vaccinale comparables, voire supérieurs dans des pays où les vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche sont recommandés, comme la Finlande, la Suède, les Pays-Bas et Chypre, comparés à des pays où ils sont obligatoires en totalité comme en Slovénie ou Lettonie ou en partie, comme en Italie.

(*) http://apps.who.int/gho/data/view.main.80200?lang=en#

Unanimité moins 3 blancs

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