Exposé des motifs

Après l’annonce du plan climat et en amont du Sommet international convoqué par le Président de la République le 12 décembre prochain, les écologistes réitèrent la priorité politique que constitue la lutte contre le changement climatique et demandent des actes concrets.

La prise de conscience et la sensibilisation à la crise climatique augmente : les Français-e-s sont de plus en plus préoccupé-e-s par les questions écologiques, et en premier lieu par le changement climatique. La protection du climat représente également une véritable opportunité pour vivre mieux : œuvrer pour le climat créerait un million d’emplois en France, la relocalisation de l’économie redonnera du sens à ces emplois et l’accroissement de l’indépendance énergétique lié aux énergies renouvelables sera également un facteur durable de paix chez nous et dans le monde. Cela nous donne un espoir que nous devons transformer en force vive d’action : car si écologistes et scientifiques interpellent sur les bienfaits de la transition et tirent la sonnette d’alarme depuis longtemps, les délais pour contrer l’emballement climatique se réduisent.

            Des menaces qui se renforcent
Selon plusieurs scientifiques, qui l’ont exprimé dans la revue Nature Climate Change le 31 juillet dernier, nous n’avons plus que 5 % de chances de rester sous la limite des 2°C de réchauffement. Dans la foulée de cette étude, Jean Jouzel, climatologue et ancien vice-président du GIEC, a souligné que « nous n’avons plus que 3 ans pour agir » et stabiliser voire renverser les émissions de gaz à effet de serre si nous voulons éviter la catastrophe. Treize agences gouvernementales américaines nous ont également informé que si les émissions s’arrêtaient dès aujourd’hui, nous comptabiliserions tout de même une augmentation ressentie de 0,3°C et une augmentation de température réelle de 2°C… L’année 2016 a de nouveau été la plus chaude, et les concentrations de dioxyde de carbone ont dépassé les 400 ppm (parties par million) pour la première fois depuis le début des comptabilisations. Ce serait aussi le plus haut niveau depuis 800 000 ans.

La survie humaine est désormais directement en jeu : de nombreuses zones de la planète deviennent peu à peu invivables, du fait de la montée des eaux, mais aussi de l’augmentation des températures et de l’humidité. Certaines zones du Costa Rica sont ainsi déjà concernées et rendues inaccessibles aux êtres humains, et l’Asie du Sud-Est, abritant un cinquième de la population mondiale, pourrait devenir inhabitable d’ici 2100. Laissant présager d’immenses vagues de migrations climatiques, mais également la multiplication des conflits intra ou interétatiques. L’espèce humaine n’est évidemment pas la seule en danger, et le réchauffement climatique est décrié comme l’une des causes majeures de la disparition de plus en plus rapide de la biodiversité dont les espèces animales. La présidence par les îles Fidji de la COP23 qui se tiendra à Bonn début novembre permettra certainement d’attirer l’attention sur ces îles du Pacifique vouées à disparaître et pour lesquelles la mobilisation de la communauté internationale est indispensable.

Le réchauffement climatique se fait également ressentir dans le vécu quotidien des français-es, et en premier lieu des plus précaires. Les incendies qui ont ravagé plusieurs milliers d’hectares se nourrissent de l’augmentation des températures. Les petits viticulteurs sont les premiers à souffrir d’une récolte annoncée la plus basse jamais attendue depuis 1945. Les canicules entraînent des épisodes de mortalité accrue notamment chez les femmes (en 2003, la surmortalité recensée s’élevait à 15 000 personnes, les femmes de plus de 65 ans étant les premières et plus nombreuses victimes). Les DOM-TOM connaissent des phénomènes cycloniques de plus en plus intenses et l’île de Sein (Bretagne) est directement menacée par la montée des eaux (de 40 cm à un mètre)….

Du climato-scepticisme de Donald Trump et du libre-échange au bénéfice des pollueurs
Lors de la COP21, le changement climatique s’imposait comme une priorité au sein de la communauté diplomatique internationale. Ce moment clef semble désormais bien lointain.

Le 4 août dernier, le président des États-Unis, Donald Trump, signifiait officiellement à l’ONU le retrait de son pays de l’Accord de Paris. Celui-ci prendra effet trois ans après l’entrée du vigueur de l’Accord, soit en novembre 2019. Les Etats-Unis ont également annoncé le 1er juin dernier l’arrêt du financement américain du Fonds vert pour le climat, censé soutenir les pays en développement – les moins responsables du changement climatique – à engager la transition énergétique et écologique.

La renaissance du climato-scepticisme ne touche malheureusement pas que les États-Unis, pourtant premiers pollueurs mondiaux en matière d’émissions par tête. Le regain d’intérêt pour les projets pétroliers ou miniers se note ainsi partout autour de la planète, de l’Amérique latine au Canada, en Afrique ou en Asie et jusqu’au cœur de l’Europe où la tension s’accroît entre est et ouest autour des enjeux énergétiques.

Les multinationales s’en donnent à cœur joie. Exxon est notamment pointée du doigt pour avoir caché à ses actionnaires (ainsi qu’aux consommateurs et aux citoyens !) sa connaissance du dérèglement climatique depuis 1994. Total a réalisé cet été sa plus grosse acquisition depuis Elf en 2000 avec l’achat du danois Maersk Oil pour 6,33 milliards d’euros, quelques semaines après avoir relancé ses accords avec l’Iran ; tandis que l’industrie automobile n’en finit plus de se faire prendre la main dans le sac du trafic de moteur et de lobbying anti-écologique….

Dans ce cadre, les accords de libre-échange CETA, TAFTA et désormais JEFTA viennent s’ajouter aux accords déjà en cours (notamment les accords de partenariat économique ou APE) et promeuvent la supériorité de la liberté contractuelle et d’entreprendre face au respect du climat et des limites planétaires, ce qui inclut les conditions de vie humaine ! Les plaintes de ces entreprises contre les réglementations nationales favorables à l’environnement se multiplient. Et des pays comme la France peinent encore à réguler l’activité des multinationales ou des banques basées sur leurs territoires. Pourtant, si nous voulons éviter le pire, nous devons laisser sous terre 80% des réserves d’énergies fossiles déjà connues…

            Des ambitions gouvernementales bienvenues, nous attendons les actes
Dans ce cadre général, nous nous réjouissons des ambitions annoncées du gouvernement de rester moteur de la bataille mondiale pour le climat, d’atteindre la neutralité carbone dès 2050 et de porter aux Nations-Unies la proposition d’un Pacte mondial de l’environnement. Celui-ci est essentiel pour faire reconnaître au niveau international une troisième génération de droits : ceux des écosystèmes, des générations futures et de la solidarité avec le vivant.

Tout en renouvelant notre soutien à l’action du Ministre de la transition écologique, et notamment de la réforme du code minier publiée ce mercredi 6 septembre afin de mettre fin aux permis d’exploration et d’exploitation des énergies fossiles sur notre territoire (pétrole, charbon et gaz), nous exprimons nos inquiétudes et dénonçons une certaine hypocrisie de la part du Président et du gouvernement.

Sur le plan climat, nous rappelons l’absolue nécessité d’une sortie rapide de l’industrie nucléaire. Le risque climatique ne peut nous détourner du risque nucléaire : l’un comme l’autre mettent en danger la survie de l’humanité. Le scénario élaboré par l’association Negawatt le prouve : il est possible de passer au 100% renouvelables en France, sans nucléaire, à l’horizon 2050. Ceci devrait être l’objectif du gouvernement.

La taxe carbone, aujourd’hui prévue pour atteindre en France 140 euros la tonne d’ici 2030, devra être rapidement augmentée : il ne s’agit d’une part que d’un rééquilibrage de la fiscalité pour les pollueurs, nous devons d’autre part agir au plus vite, si nous écoutons Jean Jouzel, pour éviter d’avoir à en payer le prix plus tard.

Pour les écologistes, l’Accord de Paris est un accord contraignant et obligeant le gouvernement à obtenir des résultats. Afin de garantir cela, nous souhaitons faire inscrire la lutte contre le changement climatique dans la Constitution, intégrer la dimension climatique de manière transversale au sein du budget de l’Etat, passant notamment par la reconnaissance du rôle des territoires dans la lutte contre le changement climatique et la création d’un financement pérenne pour les collectivités dédié aux politiques climat et faire reconnaître les écocides. Nous attendons des Etats généraux de l’alimentation et de l’agriculture qu’ils permettent d’établir un plan ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment de méthane. Nous souhaitons également remettre sur la table la reconnaissance du statut de réfugié-e climatique et l’élaboration d’un plan de solidarité climatique.

Une réglementation européenne et mondiale au menu du sommet du 12 décembre
De la même manière, nous attendons du Sommet mondial convoqué par Emmanuel Macron le 12 décembre prochain pour « mobiliser les financements indispensables » à l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris qu’il permette des éclaircissements sur les nombreux reculs français actuels :
– blocage de la Taxe sur les Transactions Financières, qui devait être mise en place au sein de l’Union européenne et devait contribuer en partie à financer les actions de lutte contre et d’adaptation au changement climatique ;
– baisse de l’aide publique au développement ;
– signature et mise en œuvre d’accords de libre-échange qui s’ajoutent à l’absence de régulation annoncée de l’activité des multinationales et banques françaises à l’étranger.

Face aux engagements réels et concrets, le Président jouera-t-il une fois encore le jeu de la finance en préférant mobiliser le bon vouloir des acteurs privés et des institutions internationales comme la Banque mondiale plutôt que de mettre en place une réglementation publique, démocratique et contraignante ?

Au-delà du nécessaire financement de la transition, nous rappelons que si les émissions émises sur notre territoire diminuent, nous importons pour notre consommation une quantité toujours plus grande de CO2 produit par des entreprises et des emplois situés hors de nos territoires. Le sommet du 12/12 devra ainsi notamment permettre de mieux réguler l’activité des multinationales, françaises en premier lieu, et mobiliser un financement nouveau par une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne. Le sommet pourrait également permettre à la France de se saisir de la méthode OCDE pour l’intégration des objectifs climat dans les politiques publiques, et de la proposer comme base commune pour avancer de concert au sein de l’Union européenne et dans le monde.

Nous rappelons que la protection du climat, la sobriété et l’efficacité énergétique et le déploiement des énergies renouvelables est une condition pour la paix et pour l’indépendance. Aujourd’hui, l’Union européenne importe encore plus de 50% de l’énergie que nous consommons. Un plan européen de déploiement des énergies renouvelables, sous la forme par exemple d’une Communauté pour les énergies renouvelables s’inspirant de la Communauté pour le Charbon et l’Acier (CECA), est nécessaire.

Motion

Le Conseil Fédéral d’Europe Ecologie – Les Verts, réuni le 9 septembre 2017 :

→ appelle les militant-es écologistes à poursuivre leur mobilisation au sein des mouvements citoyens et associatifs promouvant la protection du climat, les alternatives à nos modes de production et de consommation, la sortie des énergies fossiles ;
→ appelle les élu-es locaux à poursuivre leur engagement dans la campagne européenne menée sur le désinvestissement des énergies fossiles, à soutenir toutes les initiatives locales, notamment dans le cadre des Plans climat, ainsi qu’à inscrire leurs collectivités dans les réseaux de territoires qui font le choix résolu de la transition écologique et solidaire ;
→ réitère son soutien à la campagne menée par la coalition d’ONGs et de syndicats « Un million d’emplois par le climat » ;
→ décide d’inviter nos partenaires européens à se joindre à nos mobilisations en vue du Sommet du 12/12.

Unanimité moins un blanc.

Télécharger la motion : 

thumbnail of Motion_M_urgence_climatique_CF_2017090910
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