DG – M. Desessard

lundi 24 septembre 2012

PJL portant sur la création des emplois d’avenir (n°760)

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, la jeunesse est la priorité du Président de la République et du Gouvernement. M. le ministre du travail l’a d’ailleurs rappelé.

Depuis longtemps déjà, la situation de notre jeunesse est le miroir grossissant de la situation que connaissent un nombre croissant de nos concitoyens, entre précarisation et mal-être social.

Comme l’ont rappelé les orateurs qui m’ont précédé, la situation vécue par les chômeurs est insupportable, en particulier lorsque les chômeurs sont des jeunes au seuil de leur vie d’adulte.

L’âge moyen du premier CDI est de vingt-huit ans. Mais, comme toutes les moyennes, ce chiffre masque des disparités criantes.

Pour les jeunes qui vivent dans les lieux où se concentrent les difficultés, c’est « adieu au CDI » et « petits boulots toute la vie » ! Le « métro, boulot, dodo » des années soixante-dix est remplacé aujourd’hui par « précarité, impayés, anxiété » !

Avec des jeunes âgés de seize ans à vingt-cinq ans sans diplôme, sans emploi et sans formation et un taux de chômage supérieur à 25 % pour ceux qui résident en ZUS, on ne peut que convenir de l’urgence d’agir.

Monsieur le ministre, avec la création des emplois d’avenir, un signe est donné !

Sans-doute nous, écologistes, n’aimons-nous pas traiter la question de l’emploi simplement par des catégorisations, avec des publics cibles. Pour nous, le problème du chômage touche toute la société, et chacun est concerné, quels que soient son âge, son sexe, son diplôme et son lieu de vie.

Mais nous savons aussi qu’une attention spécifique doit être portée à des situations particulières.

Aujourd’hui, l’urgence est bien d’offrir des perspectives à des jeunes sans qualification et de créer des conditions favorables à leur entrée dans la vie professionnelle.

C’est pourquoi je veux en finir avec le suspense. Le groupe des sénateurs écologistes est favorable à votre dispositif ! Il y est même – je reprends les termes de Mme la rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication – « très favorable » !

Mais nous sommes également exigeants et soucieux que ce dispositif s’inscrive dans une politique de l’emploi globale et cohérente.

D’ailleurs, la France n’est pas un cas isolé. D’autres pays connaissent des difficultés économiques et d’accès à l’emploi. Aujourd’hui, en Grèce et en Espagne, 50 % des jeunes sont sans emploi !

Le problème n’est donc pas simplement franco-français. Il interroge tout autant notre structure économique que notre capacité à accompagner les jeunes dans leur développement individuel et social.

Des réticences ont été exprimées, certains craignant que les emplois d’avenir ne soient qu’un palliatif temporaire.

Pourtant, l’objectif de faire de ce dispositif une réussite étant largement partagé, la mobilisation du plus grand nombre a déjà permis d’apporter des améliorations au projet de loi.

À cet égard, je salue l’adoption par l’Assemblée nationale de plusieurs amendements défendus par le groupe écologiste. Je remercie MM. les ministres de les avoir acceptés.

Ces amendements ont manifesté notre attachement à deux priorités : promouvoir la formation selon un parcours individualisé et encourager le pari de s’engager avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire.

D’une part, nous voulons aider les jeunes à être acteurs de leur vie et coauteurs de leur devenir en leur assurant une formation qualifiante.

D’autre part; nous voulons enclencher une dynamique de création d’emplois nouveaux en orientant les choix économiques vers un modèle porteur de valeurs d’utilité sociale et environnementale, soucieux d’un développement territorialisé répondant aux besoins des personnes.

Pourquoi la formation est-elle si importante ? Selon les études, 84 % des bénéficiaires des CUI ayant suivi une formation trouvent un emploi à l’expiration du contrat, contre 72 % de ceux qui n’en ont pas suivi.

Dans ce dispositif, la formation acquise se veut qualifiante. Comme vous le savez, nous ne sommes pas particulièrement obsédés par l’acquisition de diplômes. Mais, dans notre pays, le diplôme reste le sésame indispensable dans la sélection à l’embauche.

À cet égard, nous aurions beaucoup à apprendre de pays qui misent davantage sur la créativité et le développement des compétences en situation. Observons par exemple ce qui se pratique au Québec.

En attendant, l’acquisition d’une qualification apparaît comme un élément pivot d’une sécurité sociale professionnelle. C’est donc bien le parcours individualisé du jeune dans son emploi qui doit être la priorité.

Car songez que l’échec scolaire est pour un jeune une quadruple peine !

Premièrement, l’absence de qualification ou de diplôme crée un plafond de verre qui empêche toute progression sociale, et ce tout au long de la vie. Deuxièmement, c’est dévalorisant et cela développe le sentiment d’être rejeté. Troisièmement, cela accentue les difficultés d’insertion dans le monde du travail. Et, quatrièmement, ceux qui en sont victimes s’emmerdent pendant les meilleures années de leur vie !

Les emplois d’avenir doivent pouvoir aider les jeunes concernés à retrouver l’estime d’eux-mêmes et à reprendre confiance en leurs capacités individuelles et collectives.

Le succès du dispositif dépendra de la mise en place d’un accompagnement adapté, qu’il faudra concevoir de manière globale. Les questions de mobilité et de logement sont parmi celles qui peuvent affecter la possibilité de bénéficier du dispositif. L’emploi n’est pas forcément en face de chez soi et la contrainte de la mobilité est particulièrement vive en milieu rural. Le parcours individualisé devra en tenir compte.

Le dispositif des emplois d’avenir est un levier pour la socialisation et l’émancipation des jeunes. L’objectif est de créer les conditions d’une expérience professionnelle réussie permettant de leur redonner confiance.

Dans ces conditions, peut-on parler d’un objectif de création d’emplois ?

Il y a au moins une certitude : pour enclencher la dynamique de création d’emplois, il faudra compléter ces mesures par d’autres réformes, plus structurelles, des politiques économiques et de l’emploi. M. le ministre l’a d’ailleurs souligné.

Pour nous, les acteurs de l’économie sociale et solidaire doivent être des partenaires essentiels dans la conduite du dispositif.

En effet, les secteurs qui sont privilégiés dans le présent de loi selon l’exposé des motifs – je pense aux filières vertes, aux secteurs social et médico-social et aux métiers de l’aide aux personnes – concernent l’économie sociale et solidaire, une filière d’avenir. Vous l’aurez d’ailleurs noté, je n’ai pas la même définition de la notion de « filière d’avenir » qu’un membre du Gouvernement, pour ne pas citer M. Montebourg…

Selon l’Union de syndicats et de groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale, plus de 600 000 postes seraient à pourvoir d’ici à dix ans dans ce secteur. Nous voulons donc que l’ensemble des acteurs de l’économie solidaire et sociale soient associés au dispositif.

C’est pourquoi nous proposons un élargissement des mesures aux sociétés coopératives et participatives, c’est-à-dire les sociétés coopératives ouvrières de production, les SCOP, et les sociétés coopératives d’intérêt collectif, les SCIC, qui inventent chaque jour de nouvelles manières d’agir pour répondre aux besoins des territoires et de leurs habitants.

Les acteurs de l’économie sociale et solidaire sont moteurs de l’innovation sociale. Pourtant, ils sont en difficulté depuis plusieurs années ; je pense notamment aux associations. Les emplois d’avenir participeront de leur revitalisation. Ils permettront aussi de faire vivre des projets portés depuis longtemps mais ne disposant pas des moyens humains nécessaires.

La pérennisation de l’emploi passera donc par le renforcement de ces acteurs. Nous attendons avec impatience la future loi-cadre de l’économie sociale et solidaire. Je crois qu’elle est prévue pour le premier semestre de l’année 2013. Vous le confirmez, monsieur le ministre ?

Peut-être suis-je un peu optimiste… (Sourires.)

Nous accueillons favorablement – je dirais même « très favorablement », madame Cartron – la proposition relative aux emplois d’avenir professeur.

Nous souhaitons que soit engagée une refonte globale du projet éducatif de notre société, dont la formation des professeurs est un élément essentiel.

On ne peut que rappeler ici les effets négatifs de la mastérisation, démarche qui s’est traduite, entre autres, par l’éviction des étudiants issus des milieux les plus modestes. Nous le savons, ces étudiants sont moins nombreux dans les cursus longs, notamment pour des raisons financières. La mastérisation a aggravé la crise de recrutement que connaît l’éducation nationale, et plus particulièrement dans certaines filières et académies.

Il nous faut revoir en profondeur la formation pour inclure toutes les catégories de la population et redynamiser le recrutement.

À l’avenir, il convient de laisser plus de temps à la formation en alternance réellement professionnelle et d’éviter qu’elle ne soit qu’une logique de pur bachotage pour préparer aux concours.

Pour la future loi, le groupe écologiste insiste sur le nécessaire suivi, dans chaque établissement, des acquis pratiques de ces jeunes étudiants professeurs. Afin que ces emplois débouchent sur de réelles vocations d’enseignants, et non sur de simples objectifs chiffrés, ils devront faire l’objet d’un suivi précis tout au long de leur mise en œuvre, pour un retour d’expérience critique et utile.

Nous devons faire de ces emplois une expérience positive d’entrée dans le métier. Ce sera une manière pour ces étudiants de concilier un emploi rémunéré avec leurs études, au lieu d’exercer un emploi sans rapport avec leur formation et inadapté à leurs contraintes universitaires. Mais cela ne remplacera ni une réforme de la formation au métier d’enseignant ni l’assurance de conditions d’étude décentes.

La mastérisation a, certes, aggravé les difficultés que connaît l’éducation nationale pour recruter ses futurs enseignants. Mais ce n’est pas la seule explication. Le moral des candidats au professorat est au plus bas. Faire de longues études et ne pas être préparé à l’enseignement, aux méthodes pédagogiques, au travail avec l’ensemble des partenaires de l’école, parents d’élèves, élus, associations éducatives, faire de longues études et se confronter à des classes surchargées sans pouvoir passer du temps auprès de chaque élève, faire de longues études et se voir sans cesse dévalorisé, que ce soit par le gel salarial ou par les récentes accusations – les enseignants seraient des « privilégiés » ne « sachant pas » faire leur métier –, ce n’est pas motivant, c’est sûr !

Quand, en plus, l’école est incitée à se transformer en usine à faire de bons employés et la mise en concurrence des personnels et des établissements devient la norme, il n’est guère étonnant que la profession, pourtant tournée vers la jeunesse et vers le citoyen de demain, ne fasse plus rêver !

Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une telle situation. Gageons que le dispositif des emplois d’avenir professeur, avec les enseignements que nous en tirerons, enclenchera une dynamique de refonte positive.

Monsieur le ministre, le groupe écologiste approuve donc la démarche. Ce texte offrira aux jeunes concernés l’accès à la fois à une expérience professionnelle et à une formation qualifiante nécessaires pour reprendre confiance et sortir d’un parcours jusqu’alors chaotique. Il permettra de redynamiser le secteur associatif, le secteur de l’économie sociale et solidaire et le secteur de l’insertion, à qui nous faisons confiance pour accompagner au mieux ces nouveaux emplois. Enfin, il donnera à des étudiants de toutes origines sociales la chance d’accéder au métier de professeur.

Je terminerai en formulant deux observations.

Premièrement, lorsque je travaillais avec des chômeurs, organisais des marches contre le chômage et participais aux mouvements de chômeurs, on me disait que l’augmentation du nombre de chômeurs allait mener à une explosion sociale. Ce à quoi je répondais que, dans notre pays, il y aurait non pas une explosion, mais une implosion sociale ! Car la société retourne contre elle-même la violence qui ne peut pas s’exprimer vers l’extérieur ! Je pense aux violences conjugales, aux violences de quartier, à l’usage de médicaments, à tous les actes d’incivilité et à tous les gestes et les comportements qu’on ne comprend pas. C’est cela, l’implosion sociale !

Par conséquent, développer l’activité pour les jeunes sans emploi et sans qualification, c’est bon non seulement pour l’emploi, mais aussi pour la formation de ces jeunes, pour le bien-être social et pour le « mieux vivre ensemble ».

Deuxièmement, lorsque j’ai pris connaissance du projet de loi, je me suis interrogé. Peut-on vraiment qualifier d’emplois d’avenir des emplois de trois ans dont on ne sait pas s’ils seront reconduits au-delà ? Après avoir essayé de comprendre votre idée, je l’ai quelque peu transformée et j’en ai tiré une conclusion : c’est une première mesure qui permet de donner à ceux qui n’ont pas eu de chance une vision optimiste de l’avenir, car, loin de se contenter de subir les choses, on veut les changer. Cet objectif, nous le partageons !