Le Gouvernement vient de présenter, par les voix de son Premier ministre et du ministre de l’Écologie et du développement durable, son plan biodiversité. Attendu de longue date par les écologistes, ce plan recèle de bonnes nouvelles sans pour autant faire taire les inquiétudes sur sa mise en application.

Europe Écologie – Les Verts se félicite que la préservation du vivant soit affichée comme une priorité politique par le gouvernement. Il s’agit d’un enjeu majeur pour la préservation de la nature et des humains et sa préservation doit devenir un élément central des décisions politiques et des politiques publiques.

L’objectif « zéro artificialisation des sols » annoncé constitue une autre avancée, salutaire pour l’avenir de la planète : la France perd l’équivalent d’un territoire comme celui de la Loire-Atlantique en termes d’espaces naturels et agricoles tous les 10 ans. Si l’incitation est bien là, l’absence de cadre contraignant, le manque d’éléments sur sa mise en oeuvre réelle constitue une zone de flou qui inquiète les écologistes : quels outils et quels moyens pour l’État afin de donner un cadre ambitieux aux collectivités ?

Le 21 juin dernier, c’est la Commission européenne elle-même, à travers l’Atlas mondial de la désertification réalisé par le Centre commun de recherche (JRC), qui interpellait sur la dégradation massive des terres à l’échelle planétaires : chaque année, une surface équivalente à la moitié de la taille de l’Union européenne est dégradée, et la moitié des sols de la planète sont touchés. Pour rappel, la limite planétaire que constitue la biodiversité est dépassée, sous l’effet conjoint de l’exploitation des espèces, de l’artificialisation des sols et des changements climatiques.

A travers les territoires, les élu·e·s écologistes portent depuis longtemps des mesures et des propositions viables pour avancer et dont le gouvernement pourrait s’inspirer, comme rendre opposable les trames vertes et bleues, interdire les pesticides ou la maltraitance animale comme la région Nouvelle-Aquitaine en a récemment pris la décision. Derrière les mots, il est nécessaire de donner enfin des signaux forts pour une action politique efficace… et cohérente : adopter ce plan implique nécessairement l’arrêt des projets néfastes pour les espaces naturels et les terres agricoles comme Europacity à Gonesse, les contournements autoroutiers de Strasbourg et Rouen, la seconde autoroute, les projets de Center parcs de Poligny, dans le Jura, du Rousset, en Saône-et-Loire ou de Roybon dans l’Isère, la méga mine d’or Montagne d’Or en Guyane et tant d’autres.

Dédier 150 millions d’euros à l’incitation au replantage de haies, après des années à les détruire, est également un signal encourageant. Néanmoins, l’enjeu réel ne peut résider dans des mesurettes et il est temps de réorienter réellement tout le modèle agricole qui meurt des politiques d’agro-business. Il est temps d’aider plus intensément à la transition vers le bio et l’agroécologie. Or, là encore, les dernières mesures gouvernementales vont à rebours des beaux discours sur la biodiversité, notamment avec le désengagement de l’État des aides au maintien. La biodiversité cultivée est un enjeu auquel ce plan ne s’attaque pas : 90% des semences sont détenues par 5 grands groupes de l’agrochimie (dont Bayer et Monsanto) qui ont la main mise sur le catalogue de variétés autorisées. De fait, depuis 60 ans, 80% des variétés végétales comestibles ont disparu. Il est temps d’agir pour redonner de la liberté au corps paysan.

Pour sortir des mesures de petits pas, les écologistes demandent au gouvernement de voir plus loin. Face à l’artificialisation grandissante et à la perte de la biodiversité sauvage comme ordinaire (oiseaux, insectes, poissons disparaissent à grande échelle), le réensauvagement devrait être porté par la France à l’échelle Européenne. Il s’agit de rendre à notre pays et à notre continent des espaces sauvages et préservés pour la faune et la flore. Des espaces qui ne feraient l’objet d’aucune gestion ni activités humaines.

Chaque pays doit contribuer pour atteindre à l’échelle européenne de grands espaces connectés les uns aux autres par des corridors écologiques (afin que les espèces puissent se déplacer). Ces écosystèmes naturels régénérés sont nos meilleurs alliés dans la lutte contre le dérèglement climatique, constituant des puits carbones exceptionnels qu’aucune mesure artificielle n’est en capacité d’égaler.

Également, la France gagnerait à introduire le respect des limites planétaires à la réforme constitutionnelle en cours, à la porter au sein de l’Union européenne et des Nations-Unies, et permettre à la nature d’être défendue en justice.

Le plan biodiversité porte en germes un champ de possibles qu’il revient au gouvernement aujourd’hui de rendre effectifs. Europe Écologie – Les Verts demande au gouvernement d’avoir le courage politique des discours développés jusqu’ici : l’avenir de la planète et de l’espèce humaine en dépendent.

Julien Bayou et Sandra Regol, porte-parole