Les écologistes du Parlement européen ne pouvaient pas manquer la « Good Food March 2012 » qui est arrivée à Bruxelles le 19 septembre 2012. En route depuis parfois plusieurs semaines, ces centaines de paysans et de citoyens ont convergé vers le quartier des institutions européennes pour défendre leur vision de l’agriculture. Souveraineté alimentaire, alimentation de qualité et agriculture paysanne favorisant l’emploi et l’environnement… des objectifs que soutiennent les parlementaires Verts/ALE dans les négociations pour réformer la Politique agricole commune (PAC).

« Dès lors que vous mangez trois repas par jour, vous devez vous sentir concernés par la Politique agricole commune », lance José Bové. Sur le parvis du Parlement européen auprès des militants de la « Good Food March » ou dans les salles de réunion des institutions de l’Europe, l’eurodéputé EELV défend une réforme de la PAC « dans l’intérêt des citoyens, des consommateurs et des travailleurs ».

Les règles de répartition des subventions entre les agriculteurs européens sont entrain d’être re-négociées. Jusqu’à la fin 2013, les débats vont se poursuivre sur cette politique-phare de l’Union européenne qui représente pas moins de 40 % du budget de la communauté. « Ce n’est donc pas une petite affaire, poursuit l’eurodéputé EELV. Malheureusement, on voit s’affronter les égoïsmes nationaux et des pays qui espèrent simplement qu’on leur pique le moins d’argent possible… », se désespère-t-il.

Dans ce débat, le Parlement européen est en première ligne : depuis la ratification du Traité de Lisbonne, il est co-décisionnaire et négocie pleinement avec la Commission européenne et les Etats-membres réunis au sein du Conseil européen. « On ne peut pas rater cette marche, poursuit José Bové, elle est décisive pour l’avenir de l’agriculture et l’avenir de la démocratie européenne. »

Seulement voilà, les débats s’enlisent : « Il faut faire exploser cette chape de plomb, enchaîne Daniel Cohn-Bendit, le président des eurodéputés Verts/ALE, et déranger les conservatismes forts des parties politiques majoritaires » qui plombent les négociations, notamment dans la commission Agriculture du Parlement européen. Pour cela, les parlementaires écologistes ont souhaité poser les bases d’un projet alternatif qui dénonce les effets pervers du système européen d’aides aux agriculteurs. Pour José Bové, l’avenir de la PAC ne doit pas se régler par un petit « arrangement entre amis ». Elle doit bien au contraire impliquer un vaste débat citoyen et démocratique.

Les chiffres parlent d’eux même : en Europe, 31 500 exploitations agricoles industrielles perçoivent plus de 100 000 euros par an de subventions publiques – soit un total de 6,5 milliards d’euros. En revanche, 5,3 millions de petits paysans touchent moins de 2000 euros par an. Au final, 20 % des paysans touchent donc 80 % des aides de la PAC (une situation qui varie peu d’un pays à l’autre). Cette injustice de base est dénoncée depuis longtemps par les écologistes. Pour introduire plus d’équité, ils proposent de plafonner le versement des aides.

Les eurodéputés écologistes fixent ce plafond à 100 000 euros par exploitation agricole et par an. Selon José Bové, cette mesure politique permettrait « d’assurer les revenus des paysans – comme c’est le rôle de la PAC historiquement – plutôt que de maintenir des monstres agricoles et les rendre soit disant compétitifs ». Elle débloquerait également 6,3 milliards d’euros chaque année. La Commission européenne propose pour sa part un plafonnement à 300 000 euros suivi d’une dégressivité des aides… ce qui n’aboutirait qu’à une économie de 1,4 milliard d’euros.

Comment utiliser cet argent ? La somme ainsi dégagée doit permettre de soutenir la reconversion vers des pratiques agricoles durables capables d’anticiper et de s’adapter au changement climatique, ainsi qu’une politique de développement rurale qui renforce l’emploi et l’installation en milieu rural. « Si nous ne changeons pas la PAC, l’Europe continuera de perdre des millions d’agriculteurs. Elle a déjà perdu 3,2 millions d’emplois en 9 ans dans l’agriculture ! », poursuit José Bové qui propose de « soutenir les premiers hectares et encourager les mises en place de nouvelles exploitations ». Objectif : attirer les jeunes et rajeunir l’agriculture en Europe où 70 % des agriculteurs ont plus de 55 ans. « Sans politique volontariste, c’est la désertification assurée des campagnes dans les dix prochaines années », enchaîne Daniel Cohn-Bendit.

« Nous devons reconquérir notre autonomie en protéines végétales », conclut José Bové. La balance commerciale agricole de l’Union européenne est déficitaire car elle importe 30 millions de tonnes de soja des pays-tiers pour nourrir ses vaches, cochons et volailles alors que « nous pouvons les produire en Europe », insiste l’eurodéputé EELV. Ce nouvel objectif impliquerait une rotation des cultures qui est le premier pas essentiel vers un « verdissement » de la PAC.

– Pour en savoir plus sur la réforme de la Politique agricole commune, lire le dossier Agriculture du site Europeecologie.eu