Europe Écologie Les Verts a réuni la semaine dernière, lors de la Nuit du climat, plusieurs personnalités de la société civile – chercheur·e·s, militant·e·s associatifs, scientifiques… – et des politiques pour échanger autour de la nécessité d’associer la lutte contre le changement climatique avec la solidarité. Les échanges peuvent être revus en vidéo ici (partie 1) et là (partie 2).

À la veille du One Planet Summit convoqué par Emmanuel Macron pour promouvoir la « finance verte », David Cormand, Secrétaire national d’Europe Écologie Les Verts, relaie les attentes de la société civile et formule des propositions à l’attention du gouvernement, pour que la France s’engage effectivement dans la lutte contre le réchauffement climatique et ses conséquences.

Les militant-e-s d’Europe Écologie Les Verts seront présent-e-s ce mardi 12 décembre, à 8 heures, place du Panthéon, pour participer à l’action organisée par le collectif Pas un euro de plus.

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Pour sauver le climat : changer de modèle

Donald Trump mis à part, l’urgence climatique est sur toutes les lèvres et au menu du Sommet qui réunit la communauté internationale en ce mardi 12 décembre 2017. Mais au-delà d’un affichage opportun, celle-ci osera-t-elle prendre la voie d’un changement profond de modèle économique, démocratique et social ?

De même que les financiers, les banques, gestionnaires de fonds et assurances, Emmanuel Macron a pris conscience de l’un des risques notables que représente le changement climatique : c’est le risque de bulle carbone, c’est-à-dire d’écroulement des activités jusqu’ici financées. Les assureurs nous alertent également sur leur incapacité à assurer un monde à +4°C : ce qui signifie, alors que les engagements des États nous conduisent vers un réchauffement de cette envergure, que les citoyen·ne·s auront à payer eux-mêmes le coût des catastrophes et de la dégradation environnementale. Ces coûts explosent : ils représentaient 6 milliards d’euros en 2016 pour les seules France et Allemagne, soit autant que le « trou de la Sécu » !

Au niveau mondial, les besoins sont estimés par les Nations-Unies à 300 milliards de dollars par an d’ici à 2030, pour la seule adaptation. Au delà des aspects financiers, les estimations concernant l’impact du changement climatique sur les migrations et ses conséquences sur l’augmentation des conflits et de la violence sont de plus en plus inquiétantes au fur et à mesure qu’elles se font précises. Enfin, les conséquences de ces mutations climatiques sur la biodiversité sont également effrayantes. Elles se conjuguent avec les autres facteurs tels que l’agriculture industrielle chimique, l’artificialisation des sols et la destruction des espaces naturels pour produire un véritable écocide, rendant peu à peu notre planète de moins en moins hospitalière à la vie.

Le réchauffement climatique accroît la pauvreté, d’abord chez celles et ceux qui sont déjà les plus précaires : selon la Banque mondiale, nous compterons 100 millions de pauvres en plus d’ici 2030 du fait du dérèglement climatique. Des inégalités qui se vivent aussi sur nos territoires et nous imposent de refonder notre pacte social. Car celui-ci repose aujourd’hui sur la croissance de l’économie et des cotisations sociales, nie les dégradations environnementales et leurs impacts sur la santé : nous devons imaginer un nouveau modèle tenant compte des limites planétaires.

Faire preuve de cohérence

Le volontarisme affiché ne peut se contenter d’un enthousiasme qui serait nourri par la seule force de la communication et d’engagements volontaires peu contraignants. Car notre responsabilité première n’est pas de réunir des financements privés : elle est d’agir concrètement et dès aujourd’hui sur le territoire à travers des politiques publiques appropriées :

— sortir la finance publique des énergies fossiles, alors que la seule Banque publique d’investissement a garanti 450 millions d’euros dans les projets d’énergies fossiles au premier semestre 2017. C’est l’idée simple du « zéro euro pour les fossiles », dont le nucléaire. C’est aussi appliquer ce critère aux projets soutenus par l’Agence française de développement, ou cesser de subventionner de manière directe ou indirecte production et consommation d’énergies fossiles ;

— réguler l’activité des multinationales pour qu’elles aussi sortent des fossiles, en soutenant la proposition d’un traité international contraignant ;

— opérer à l’investissement et à la création monétaire en dirigeant l’intégralité de ces nouveaux financements vers les acteurs territoriaux et citoyens de la transition écologique et solidaire. L’idée qui consiste à envisager de la création monétaire n’a de sens que si celle-ci est exclusivement orientée vers des activités écolo-compatibles ;

— soutenir une transition juste en accompagnant les transformations de l’emploi et en soutenant le projet de créer un million d’emplois pour le climat ;

— garantir un prix du carbone qui assure la transition ;

— sortir du CETA et des accords de libre-échange climaticides, dans le respect du «veto climatique» agité par la France ;

— mettre fin aux projets destructeurs de la biodiversité et des zones humides et qui reposent sur un modèle économique carbono-dépendant. Ces infrastructures, aéroports, autoroutes, LGV… doivent être stoppées, tout comme le développement des espaces commerciaux qui détruisent l’environnement, encouragent les déplacements individuels et la surconsommation, tout en fragilisant les commerces de centre-villes et de centre-bourgs ;

— doubler la participation de la France au Fonds Vert pour le climat à destination des pays du Sud ;

— inscrire l’obligation de lutte contre les changements climatiques dus à l’action humaine dans la Constitution, comme le proposait Cécile Duflot dès 2016 ;

— enfin et bien sûr, respecter nos lois et engagements internationaux, dont la loi transition énergétique qui prévoit la sortie du nucléaire et le développement des renouvelables.

Faire preuve de responsabilité

La France fait partie, avec le Luxembourg et les Pays-Bas, des trois pays qui n’atteindront pas leurs objectifs d’énergies renouvelables en 2020 : au rythme actuel, celles-ci constitueront 17% du mix énergétique français, au lieu des 23% prévus. Ce recul, ainsi que celui pris sur le nucléaire, sont irresponsables. Ils sont par ailleurs liés : car comment mobiliser des financements pour investir dans les renouvelables alors que le grand carénage coûtera 100 milliards d’euros ?

Nous attendons également beaucoup du volontarisme affiché sur la scène européenne : l’Union européenne attribue 112 milliards de subventions aux fossiles dont 4 milliards d’aides directes. Poussée par la France, elle recule sur ses objectifs renouvelables. Alors que le rapport issu le 8 décembre dernier par Carbon tracker le montre à nouveau : il coûte moins cher d’investir dans les renouvelables que de maintenir les centrales à charbon actuelles, la présidence estonienne du Conseil de l’Union et la présidence polonaise de la COP24 défendent les industries du charbon et des bitumineux. Notre rôle est de promouvoir pour l’Europe une coopération renouvelée, visant la neutralité carbone à horizon 2050.

Les contradictions entre l’action interne et les ambitions mondiales énoncées sont flagrantes : repoussée par la France, la mise en place de la taxe européenne sur les transactions financières permettrait de dégager 22 milliards d’euros par an, dont une large partie pourrait être affectée à la solidarité et au climat. Nous sommes aussi en-deçà de nos engagements en matière d’aide publique au développement, et seuls 17% des financements climat aujourd’hui mobilisés vont vers l’adaptation au changement climatique. Notre responsabilité historique d’émetteur de gaz à effet de serre nous impose d’aider plus et mieux pour le climat, en doublant les sommes sur la table.

Ces propositions concrètes et urgentes que je formule peuvent être annoncées dès ce 12 décembre et mises en œuvre dans les jours qui suivent. Face à l’urgence climatique, le Président de la République et le gouvernement français ne doivent pas s’asseoir sur l’Accord de Paris, mais passer enfin des mots aux actes !

David Cormand
Secrétaire national