Plusieurs collectifs ont décidé en ce début d’année de lancer des initiatives en vue de l’organisation d’une primaire permettant de choisir un-e candidat-e des gauches et des écologistes pour l’élection présidentielle de 2017. Un comité d’organisation commun s’est ainsi constitué. Les initiateurs interpellent aujourd’hui légitimement les partis politiques concernés pour connaître leurs intentions et solliciter leur participation pour l’organisation de cette primaire.

À l’heure où la défiance envers les partis politiques a rarement été aussi marquée, alors que la gauche traverse une crise existentielle profonde et que les écologiste sont en peine réflexion sur leur avenir, il est probablement symptomatique que cette démarche vienne pour la première fois de personnalités de la société civile et non de partis.

La désillusion des électeurs face à la politique actuellement menée par le Président et son gouvernement est grande. Oubliés depuis longtemps l’accord programmatique de 2012, le discours du Bourget ou l’anaphore télévisuelle. Les mesures économiques d’inspiration libérale et les multiples renoncements avaient déjà mis le « peuple de gauche et écologiste » à vif. Avec l’état d’urgence prolongé, le débat surréaliste sur la déchéance de nationalité, la loi sur le travail, le discours de Munich ou nos choix diplomatiques au Moyen Orient dictés par les ventes d’armement, c’est maintenant le socle des valeurs de gauche qui est touché. On attaque le nerf et ça fait mal. Certains jugent que les Gauches sont irréconciliables. Nous jugeons que deux politiques sont irréconciliables : d’un côté celles et ceux qui pensent que la politique actuelle est néfaste et conduit à la catastrophe et de l’autre celles et ceux pour qui il n’y aurait pas d’autre politique possible.

Aujourd’hui, la confiance est rompue. Les contradictions politiques de fond sont régulièrement balayées d’un revers de main au nom d’un pragmatisme supposé ou d’une modernité hypothétique. Les derniers scores électoraux de l’extrême droite ou la lutte contre le terrorisme sont les derniers arguments d’autorité régulièrement employés par nos dirigeants pour la mise en œuvre d’une politique de fuite en avant. L’injonction permanente a depuis trop longtemps remplacé le débat d’idées.

Globalement nous faisons donc le même constat que les initiateurs de la primaire sur la situation politique actuelle et sur l’action du gouvernement.

Le paysage politique à gauche est un champ de ruines. L’ensemble des formations a durement souffert ces derniers mois et des questionnements fondamentaux les traversent toutes. Nous sentons bien aujourd’hui que nous sommes à un moment clé de l’histoire de la gauche mais aussi de l’écologie dans notre pays. Reconstruction, recomposition, replis sur soi ? Les options sont nombreuses et certains soufflent déjà sur les braises pour attiser les divisions en espérant que cette pratique de la terre brûlée leur permette encore de sauver leur carrière. L’initiative de la primaire est à ce titre particulièrement intéressante. C’est tout l’intérêt d’une démarche lancée hors des partis politiques que de contribuer à remettre du débat d’idée là où il n’aurait jamais dû cesser d’exister. Réunir l’ensemble des partis de gauche et écologiste pour pouvoir discuter publiquement du bilan de ce quinquennat, de ce qu’est la gauche, de ce qui devrait nous rassembler et enfin d’un projet d’avenir, forcément alternatif aux politiques mises en œuvre depuis des décennies, est une nécessité. C’est même un préalable indispensable. « D’abord un grand débat, ensuite un candidat ! »

L’objectif des initiateurs de l’appel à une primaire d’avoir un-e candidat-e unique de la gauche et des écologistes ne doit ainsi pas être un préalable à cette démarche mais bien une conclusion souhaitable du processus collectif qui se met en place. La crainte d’un nouveau 21 avril est bien réelle et partagée, mais elle ne saurait nous conduire à renoncer au débat ou à nos convictions. Or les délais sont très contraints. Contrairement aux primaires socialistes ou écologistes lors des dernières échéances présidentielles ou à celle que la

droite tente de mettre en œuvre pour 2017, nous sommes dans une situation impliquant de nombreux partis et où la gauche est déchirée. Nous craignons que la cicatrisation ne prenne du temps. Nous ne nous cachons pas d’être sceptiques sur l’issue de cette initiative.

Ne nous leurrons pas, l’enjeu principal de la mise en place de cette primaire est son périmètre politique. En effet, se référer continuellement à l’appellation de « gauche » ne suffit pas à s’inscrire dans le cadre collectif implicite des valeurs dans lesquelles EELV se reconnaît. Il est, malheureusement, nécessaire de s’atteler à une définition explicite de ce socle de valeurs communes. Elles sont les fondations du projet politique alternatif que nous pouvons espérer porter ensembles. Alors oui, il est souhaitable que toutes les formations politiques puissent participer à ces discussions. Mais, il faut bien l’avouer, nous sommes plus que mal à l’aise de discuter le matin avec ceux contre qui nous manifestons l’après-midi. En tout état de cause, l’issue de ces travaux ne peut être l’atteinte du plus petit dénominateur commun de l’ensemble des participants. L’objectif doit bien être de poser des bases solides et ambitieuses de notre futur projet.

Dans ce socle de valeurs, nous souhaitons notamment placer la liberté, l’égalité, l’universalité des droits de l’homme, le partage des ressources et des pouvoirs, la protection de la Nature et de la biodiversité, la lutte contre le changement climatique, la prise en compte des générations futures, de la finitude de la planète, d’une nouvelle façon de produire, de consommer et de redistribuer.

L’élection présidentielle a toujours été un problème pour les écologistes. Pierre angulaire de la Ve République que nous souhaitons refonder pour un régime parlementaire, elle est également un moment clé de la vie politique dans notre pays. La présence d’un-e candidat-e défendant nos principes et nos valeurs s’est ainsi peu à peu imposée pour faire exister nos propositions dans le débat démocratique. Il nous semble ainsi important que le cadre politique commun de cette primaire ne se limite pas à un socle de valeurs. Nous souhaitons également soumettre un certain nombre de points de programme : mise en place de la VIe République, une véritable transition énergétique pour lutter contre le changement climatique, la préservation de notre écosystème, la lutte contre les discriminations, la réduction du temps de travail, un revenu d’existence, …

Enfin, le processus de désignation a également son importance dans cette primaire. Il faut absolument faire un sorte qu’il limite au maximum les tactiques politiciennes et les marchandages. Pour paraphraser Gandhi, soyons le changement que nous souhaitons pour la Ve République! Il nous semble ainsi évident qu’un scrutin uninominal à deux tours doive être banni. Nous souhaitons plutôt la mise en œuvre d’un vote préférentiel.

À l’issue d’une primaire, la logique veut que les perdant-e-s soutiennent le/la gagnant-e. Cela suppose que les candidats et candidates s’inscrivent dans le même cadre politique avec des projets compatibles, au-delà des différences de propositions et de personnalités. Il existe aujourd’hui manifestement des incompatibilités de personnes qui par leurs discours et/ou décisions se placent en dehors de la sphère d’acceptabilité du candidat-e que nous pourrions soutenir. Nous ne devrions pas en faire un point de blocage et accepter toutes les candidatures au motif que le « peuple de gauche », majoritairement, ne les soutient pas et qu’ils seraient naturellement éliminés au moment du vote. Outre qu’avoir des certitudes politiques est relativement difficile dans la période actuelle, il nous semble surtout important d’assumer une cohérence politique. Nous combattons des idées, pas des personnes, mais nous ne pourrons soutenir un-e candidat-e qui représente les idées que nous combattons. C’est pourquoi nous souhaitons que le cadre politique de cette primaire soit fixé rapidement et ne soit pas flou. Ce doit être l’objectif des débats organisés d’ici juin. Nous participerons à ces débats et tenterons de convaincre du bien-fondé de notre point de vue. Mais si ce cadre n’est pas en cohérence avec le constat politique que nous faisons toutes et tous, nous ne jouerons pas le jeu du cynisme politique visant à participer à une primaire pour laquelle nous ne pourrions décemment pas soutenir certain-e-s candidat-e-s, quand bien même leur victoire paraît hypothétique.

Grâce au débat, par la confrontation des idées et l’élaboration des alternatives, nous sommes convaincus que l’électorat de gauche et écologiste s’engagera pour un projet porteur d’espoir, solidaire et écologiste, qu’il refusera les renoncements d’aujourd’hui.

 

Le Conseil Fédéral d’Europe Ecologie Les Verts :

Déclare qu’il accueille avec intérêt la démarche d’une primaire des gauches et des écologistes :

  • Appelle les adhérents à participer activement aux débats pour y faire valoir les valeurs et les propositions de l’Ecologie politique
  • Souligne toutefois les nombreuses incertitudes qui doivent être levées sur le périmètre politique ainsi que sur le cadre méthodologique de cette primaire
  • Indique qu’EELV prendra une décision quant à sa participation effective à l’issue de son congrès de juin 2016. Et qu’à ce titre, il mandate le Bureau Exécutif pour organiser un débat et un vote au plus tard en juillet.
  • Mandate le BE pour qu’EELV continue à participer aux réunions du comité d’organisation et y porte les interrogations et propositions exprimées dans cette motion.
  • Souhaite que le comité d’organisation de la primaire puisse notamment clarifier d’ici le début du mois de juin les points suivants :
  • Le socle de valeurs et exigences essentielles rassemblant les participants à cette primaire, et les marqueurs politiques et programmatiques qui engageront tous les candidat-es en terme de réforme institutionnelle, de politique environnementale, sociale et économique
  • Un mode de scrutin qui rompt clairement avec les travers du scrutin uninominal à deux tours, de type vote à l’australienne
  • Une méthode d’animation des réunions publiques qui privilégie l’expression des citoyennes et des citoyens sur celle les experts et des responsables politiques
  • Une possibilité de participation par internet pour celles et ceux qui n’habitent pas les grandes villes où seront organisés les débats physiques
  • Le pilotage et le mode de prise de décision du comité d’organisation
  • Les conditions de candidature
  • Invite tous les acteurs de la société (associations, syndicats, collectifs et mouvements citoyens) et les partis politiques de gauche et écologistes, y compris s’ils ont déjà choisi de soutenir un-e candidat-e qui ne serait pas issu de la primaire, à participer aux différents débats, pour discuter notamment du bilan du quinquennat et tracer une perspective politique commune et porteuse d’espoir pour les années qui viennent.

Pour : 57 ; Contre : 16 ; Blancs : 3

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