En affectant les ressources et les charges de l’Etat, le projet de loi de finances 2016 permet la mise en œuvre des politiques gouvernementales. Ce projet de loi de finances est l’occasion de mettre en adéquation les discours et les actes, et de concrétiser les ambitions affichées par le gouvernement. Pour les écologistes, ce PLF devra répondre aux objectifs de justice sociale et environnementale et, à l’approche de la conférence de l’ONU sur le climat, permettre à la France de répondre au défi climatique. En ce sens, le projet de loi de finances 2016 se doit d’être « 2°C » compatible, c’est-à-dire d’engager la France dans une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour limiter le dérèglement climatique et engager la transition écologique et sociale de ses territoires.

Le projet de loi de finances 2016 contient certes des éléments positifs, notamment la baisse de l’impôt sur les revenus pour les ménages à hauteur de 2,1 milliards d’euros, la mise en œuvre du prélèvement à la source qui sera effective en 2018, et la prorogation du Crédit d’Impôt Transition Energétique jusqu’en 2016, mesure annoncée et mise en place effectivement dans ce projet de loi de finances. Il faut rappeler à ce titre que 900 millions ont été consacrés au crédit d’impôt transition énergétique en 2015 et 1,4 milliard prévus en 2016.

On notera aussi que la demande des écologistes a été entendue sur l’exonération de versement transports pour les entreprises de 9 à 11 salariés, qui sera compensée à l’euro près pour permettre la mise en œuvre des projets dans les régions et les collectivités, et que le gouvernement a pris l’engagement de porter l’indemnité kilométrique vélo à 25 centimes par kilomètre.

Mais force est de constater qu’en cette année où la France accueille la conférence mondiale sur le climat, ce projet de loi de finances manque singulièrement d’ambition environnementale. La liste des mesures défavorables à l’écologie est en effet malheureusement longue :
Le budget de l’écologie est encore amputé de 100 millions d’euros, et de 671 emplois (après 522 emplois supprimés en 2015 et 514 en 2014). Le fonds de roulement de l’ADEME est une fois de plus ponctionné à hauteur de 90 millions d’euros. Le budget de l’agence de financement des transports reste limité à 1,9 milliard d’euros alors même que Jean-Marc Ayrault affirmait lui-même le 9 juillet 2013 que pour être à la hauteur des enjeux, notamment ceux de maintien et de renouvellement des réseaux, le budget de l’AFITF devait être porté à 2,5 milliards d’euros. Les terrains non bâtis en zone Natura 2000 ne seront plus exonérés de taxe foncière.
Mais plus encore, aucune mesure ne concerne cet enjeu de santé publique majeur qu’est le diesel, le versement transport permettant de financer les politiques régionales de transport est encore reporté aux calendes grecques et la trajectoire d’augmentation de la contribution climat énergie, seule à même d’enclencher une dynamique d’investissement en faveur des économies d’énergie et des énergies renouvelables, n’est pas inscrite dans le projet de loi de finances.
Enfin, au-delà des seules questions environnementales, la réduction des dotations aux collectivités locales, encore 3,67 milliards en 2016 après 3,67 milliards en 2015, suscite la plus vive inquiétude. Le quotidien de nos concitoyens risque d’en être très directement affecté et ce d’autant plus que les efforts ont déjà été extrêmement douloureux cette année. L’aide publique au développement fait également l’objet de coupes budgétaires drastiques. Compte tenu des 18,5 milliards consacrés au CICE en 2016, des 13,5 milliards du pacte de responsabilité, ainsi que des 6 milliards du Crédit Impôt Recherche à l’efficacité plus que contestée ; l’efficacité de la dépense publique aurait sans doute commandé de réduire ces montants pour les consacrer au maintien des dotations aux collectivités locales, à l’allègement de la CSG pour les ménages aux revenus modestes et à l’augmentation du budget de l’aide au développement et de l’écologie.

Plus que jamais déterminé à peser dans le débat parlementaire, Europe Ecologie Les Verts fait aujourd’hui 7 propositions concrètes au gouvernement pour rendre ce budget 2016 plus juste, plus écologique, plus efficace.

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Eva Sas, Députée de la 7ème circonscription de l’Essonne et Vice-Présidente de la commission des finances de l’Assemblée nationale
André Gattolin, Sénateur des Hauts-de-Seine et Vice-Président de la commission des finances du Sénat
Emmanuelle Cosse, Secrétaire nationale d’Europe Ecologie Les Verts
Sandrine Rousseau, Porte-parole d’Europe Ecologie Les Verts
Julien Bayou, Porte-parole d’Europe Ecologie Les Verts

I- Protéger l’environnement pour vivre mieux

1- Faire converger la fiscalité de l’essence et du diesel pour aboutir en 2020 à une taxation identique

Il est aujourd’hui avéré que la pollution de l’air, et en particulier le diesel, affecte la santé de milliers de français au travers de l’asthme, des bronchites chroniques, des cancers… Un enjeu de santé publique donc, un enjeu financier aussi avec un coût sanitaire global de la pollution de l’air estimé entre 68 et 97 milliards d’euros par an. Et un enjeu économique puisque la pollution impacte les rendements agricoles, la biodiversité, la dégradation des bâtiments et la balance commerciale !
Le diesel ne peut continuer à être moins taxé que l’essence, les écologistes proposent de faire converger ces taxations et aboutir en 2020 à une taxation équivalente, comme le préconise le rapport de la Commission d’enquête du Sénat sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, paru le 8 juillet 2015.

2- Instaurer un malus sur l’achat de véhicules diesel

Aujourd’hui, le bonus/malus écologique concerne exclusivement les émissions de CO2. Or, le diesel est un produit cancérigène, selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Malgré cela, en France, le diesel bénéficie de fait d’un bonus à l’achat car il émet moins de CO2 que les véhicules essence. Les achats de véhicules diesel ont ainsi encore représenté 63,9 % des véhicules neufs achetés en France en 2014. Les écologistes proposent un malus sur les véhicules en fonction de leurs émissions de particules fines et de leurs émissions d’oxydes d’azote, afin de faire porter sur le pollueur le coût pour la société des dégâts sur notre santé des émissions de particules fines.
Nous devons enfin arrêter d’encourager fiscalement un polluant dangereux pour notre santé, tout en amplifiant le dispositif de prime à la conversion. Les recettes liées à l’instauration du malus diesel doivent ainsi servir à accroitre les aides à la conversion vers un véhicule propre, en soutenant particulièrement les ménages aux revenus modestes.

3- Investir dans la mobilité durable : porter le budget de l’Agence de financement des transports à 2,5 milliards d’euros par an

Prioriser le transport du quotidien pour améliorer la qualité de vie des français, arrêter de financer les grands projets inutiles absorbant la majeure partie des budgets transports, et porter le budget de l’agence de financement des transports à 2,5 milliards d’euros par an comme le proposait le Premier ministre Jean-Marc Ayrault lors de sa conférence de presse « investir pour la France » le 9 juillet 2013, et mettre en place un financement pérenne des politiques régionales de transport, autant de mesures nécessaires pour améliorer la qualité de vie des Français au quotidien dans les transports, leur assurer confort et sécurité, et surtout développer l’alternative au véhicule individuel ! En cette année de COP21 où la France se veut exemplaire en matière environnementale, nul ne peut oublier que la mobilité durable est l’un des principaux enjeux dans la lutte contre le réchauffement climatique, les transports représentant 27 % des émissions de gaz à effet de serre.

4- Pour encourager les économies d’énergie et les énergies renouvelables, inscrire la trajectoire d’augmentation de la contribution climat énergie dans la loi de finances

La loi de transition énergétique prévoit une progression de la valeur de la tonne carbone à 56 euros en 2020 et 100 euros en 2030. Toutefois, cette trajectoire de la composante carbone de la TICPE n’est pas inscrite dans le projet de loi de finances 2016. Celle-ci est pourtant essentielle pour donner une visibilité aux investisseurs qui souhaitent promouvoir les économies d’énergie et les énergies renouvelables, c’est la rentabilité à moyen terme de leurs projets qui en dépend.

II- Investir dans l’avenir

5- Maintenir la dotation aux collectivités locales pour préserver la vie associative, les services publics locaux et l’investissement des collectivités locales

Le projet de loi de finances prévoit une baisse de 3,67 milliards d’euros de la dotation aux collectivités locales en 2016. Celles-ci ont déjà réalisé un effort considérable en 2014 et 2015 qui s’est traduit par une fragilisation de la vie associative et un recul de l’investissement des collectivités territoriales de 9,6% en 2014 et de 8,4% en 2015. Alors que les collectivités sont les principaux investisseurs publics avec 75% des investissements publics, de telles baisses ne peuvent qu’entrainer un manque d’activité dans notre pays, mais surtout un délitement du tissu associatif et des services publics de proximité essentiels à la vie quotidienne de nos concitoyens. Europe Ecologie Les Verts proposent donc de maintenir le budget des collectivités locales en 2016 en réorientant une partie des sommes consacrées au pacte de responsabilité (33 milliards de mesures en faveur des entreprises en 2016).

6- Promouvoir l’apprentissage pour favoriser l’insertion dans l’emploi des jeunes

Les moins de 25 ans restent de loin les premières victimes du chômage avec un taux de 23,4 % de demandeurs d’emploi au 2ème trimestre 2015. Nous devons répondre à cet enjeu majeur et amplifier le dispositif des contrats d’apprentissage afin de parvenir à atteindre l’objectif de 500 000 contrats d’apprentissage défini par la majorité. En 2014, le nombre de nouveaux contrats d’apprentissages a reculé de 3,2 %. Or celui-ci est bénéfique puisque trois ans après leur sortie d’études, les apprentis ont un taux d’emploi supérieur de dix points à leurs homologues sortant d’une formation scolaire générale.
Europe Ecologie Les Verts propose donc que les entreprises qui recrutent un ou plusieurs apprentis pendant les 3 années qui viennent, bénéficient d’un crédit d’impôt sur les sociétés de 500 euros par mois et par apprenti. Pour éviter les effets d’aubaine, ce crédit d’impôt ne serait applicable que lorsque la proportion d’apprentis excède 5 % ou dès le recrutement d’un deuxième apprenti dans les entreprises de moins de 20 salariés.

III- Rendre l’impôt sur les ménages plus juste

7- Une CSG allégée sur les bas salaires pour préparer une fusion CSG/Impôt sur le revenu prélevé à la source

La fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG en un impôt sur le revenu progressif et prélevé à la source est un objectif que nous avons maintes fois réaffirmé. Elle permettra une plus grande équité fiscale, à commencer par l’allègement de la CSG pour les ménages aux revenus modestes, qui aujourd’hui sont imposés au même taux que les plus aisés. Rappelons que la CSG représente 93,8 milliards d’euros de recettes, et que l’impôt sur le revenu ne pèse que 70 milliards en 2014.
Une telle fusion peut être engagée dès maintenant, avec une CSG individualisée et progressive mise en place en trois ans en commençant, dès cette année, par une réduction sur les bas salaires.