Exposé des motifs :

L’accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier, sur la compétitivité des entreprises et la  sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels, et le projet de loi le traduisant dans le  Code du travail, ont relancé le débat de la place de la démocratie sociale par rapport à la  démocratie politique et parlementaire.

Au-delà du contenu de cet accord, lequel sera examiné dans une autre motion, c’est toute la  question du rôle et du poids de la négociation collective qui est en jeu et, plus fondamentalement,  celle de la syndicalisation et du rapport des forces sociales.

En France contrairement aux pays d’Europe du Nord, la primauté de la Loi et de la réglementation  pour produire du droit, ont parfois relégué au second plan le rôle de la négociation collective.

Cette particularité s’explique par des facteurs historiques variés : patronat refusant le dialogue  social, représentativité limitée des organisations syndicales…  Malgré cela la négociation sociale en entreprise (depuis les lois Auroux de 1982) et dans les  branches professionnelles ou en interprofessionnel fonctionne, des milliers d’accords étant signés  tous les ans. Même les lois Aubry sur la RTT ont d’ailleurs renvoyé systématiquement à la  négociation, contrairement à la désinformation courante de la droite et du medef.

Mais la situation la plus caricaturale de ce point de vue a probablement été atteinte avec le  gouvernement précédent qui, à de nombreuses reprises, a laissé patronat et syndicats négocier  « pour du beurre », puis a sifflé la fin de la récréation en rameutant à la rescousse son camp  politique pour refaire entièrement la copie des partenaires sociaux.

Cette façon de procéder est infantilisante. Et catastrophique pour la crédibilité et l’attractivité des  corps intermédiaires. C’est d’ailleurs là un point de clivage entre la gauche et la droite : Nicolas  Sarkozy et l’UMP ont toujours considéré que la modernisation de la France passait par  l’affaiblissement de ces corps intermédiaires.

EELV estime au contraire que leur renforcement est l’une des clés de toute réforme économique  et sociale. Comme l’écrit Guillaume Duval, le rédacteur en chef d’Alternatives économiques, « La  capacité à faire évoluer le droit du travail et la protection sociale de façon négociée entre patronat  et syndicats est incontestablement une des caractéristiques majeures des pays qui se sortent le  moins mal des crises à répétition qu’engendrent une mondialisation et une construction  européenne insuffisamment régulées, notamment au plan social. »

Cette motion est donc l’occasion de rappeler les engagements des écologistes devant les  Françaises et les Français lors des dernières échéances électorales et de réaffirmer notre  volonté d’instaurer une véritable démocratie sociale en redonnant du pouvoir d’agir aux  salariés, individuels et collectifs.

Le président de la République a fait campagne – avec le soutien des écologistes sur cette partie  du programme – précisément sur sa volonté de rupture avec le Sarkozisme et la mise à mal des  corps intermédiaires. Il avait annoncé que, dès son élection, il organiserait une grande conférence  sociale du 9 juillet dernier pour lancer un certain nombre de chantiers ouverts à la négociation  collective : égalité professionnelle, qualité de vie au travail, institutions représentatives du personnel, sécurisation de l’emploi… Au total, neuf chantiers sont ainsi en discussion avec les partenaires sociaux et devraient au cours des prochains mois déboucher sur des projets de textes législatifs ou réglementaires.

Il convient donc que notre parti adopte des principes clairs et pérennes de conduite si l’on ne veut pas, en prévision des futurs passages devant le parlement de ces textes issus de la négociation collective interprofessionnelle, donner une image brouillonne ou, pire,  méprisante à l’égard des organisations syndicales , par rapport à l’un des fondamentaux de  notre parti : notre volonté de renforcer la démocratie sociale.

Enfin, il nous paraît nécessaire d’afficher une ambition plus forte que celle du gouvernement sur la question du travail, et pas seulement celle de l’emploi.  Pour cela, cette motion est l’occasion de choisir des thèmes forts sur lesquels EELV doit servir  d’aiguillon de la majorité.

Les engagements

1) EELV réaffirme sa volonté de promouvoir une véritable démocratie sociale en France,  passant notamment par la reconnaissance de la capacité de la négociation collective à  produire du droit social. Cela signifie que le parlement respecte la volonté exprimée par les  partenaires sociaux dès lors qu’elle est représentative d’une majorité de salariés et  d’employeurs

2) La motion se propose au CF d’adopter le corpus de règles suivantes :

  • 2-1) dès lors qu’un texte modifiant le Code du travail est soumis au parlement, transposant  un ANI signé par des organisations représentant une majorité de salariés et d’employeurs,  EELV et ses parlementaires soutiennent ce texte, sauf s’il contient des dispositions  remettant en cause des règles fondamentales touchant au socle de garanties sociales  définies au niveau européen, à l’ordre public social, à la santé et à la sécurité des  travailleurs, aux droits fondamentaux du citoyen. Pour les accords non majoritaires, EELV  et ses parlementaires sont fondés à amender le texte en étant à l’écoute des propositions  de toutes les organisations de salariés ou d’acteurs sociaux .
  • 2-2) Pour chaque texte voté modifiant le Code du travail, une évaluation de son efficacité  par rapport aux objectifs énoncés devra être faite, au niveau du parti et/ou des  parlementaires écologistes afin de proposer d’éventuelles corrections. Il s’agit d’une  évolution importante : se donner des moyens de contrôle de l’application des lois. Ce  principe d’évaluation doit s’exercer de façon continue, permanente, indépendante et  contradictoire, avec des rendez-vous réguliers.

3) Le Conseil fédéral réaffirme sa volonté de créer les conditions pour que les salariés du secteur  privé et les agents des trois fonctions publiques retrouvent un travail de qualité, facteur de bien–  être et d’épanouissement.

EELV met en garde contre la négociation ramenée au niveau de l’entreprise, qui du fait de la  concurrence entre entreprises, peut être synonyme de course au moins disant social. Aujourd’hui,  le niveau de la branche est préférable pour une négociation sociale porteuse d’avancées  partagées, sachant que d’autres niveaux permettant des échanges de vues devraient être mieux  promus (territoires) ou même imaginés (comités de filières).

Pour cela, le Conseil Fédéral mandate ses instances et ses parlementaires à prendre des  initiatives avec les organisations syndicales dans trois directions :

– la restauration de la légitimité syndicale dans l’entreprise en prenant en compte  qu’aujourd’hui le rapport de force est souvent déséquilibré, c’est une condition  indispensable pour valoriser le dialogue au niveau de l’entreprise et accepter que des  accords d’entreprise se substituent, à la loi : régime de protection amélioré des militants  syndicaux, réflexion à pousser sur les outils permettant (comme en Europe du Nord) d’avoir  une meilleure adhésion aux syndicats (cotisations prélevées à la source, offres de services  associés, bénéfice de certaines clauses négociées réservées aux adhérents, …) ,

– la réactivation du droit à l’expression directe et collective sur les alternatives économiques  portées par les salariés, le contenu du travail et les conditions d’exercice et l’organisation  de leur travail,

– le renforcement du pouvoir des IRP, notamment en matière de contrôle économique des  entreprises, de prise en compte de leurs propositions en matière économique, et de  prévention des risques professionnels (formation syndicale suffisante et obligatoire,  informations, droits nouveaux donnant une réelle capacité de négociation.

Pour : 57 ; Contre : 9 ; Blancs : 4.

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