Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique, intervenait en séance mardi ce 12 février, lors de l’examen par le Sénat de la proposition de loi relative à la prorogation du mécanisme de l’éco-participation répercutée à l’identique et affichée pour les équipements électriques et électroniques ménagers, adoptée en première lecture.

« Mme la Ministre,

M. le Président, M. Rapporteur,

Chers collègues,

Il va être assez facile pour moi de m’exprimer sur cette proposition de loi puisque, comme plusieurs de mes collègues ici, et notamment Gérard Miquel, auteur de ce texte, j’avais donc aussi déposé il y a quelques semaines, au nom du groupe écologiste, un amendement allant dans ce sens, dans le cadre du Projet de Loi de Finances rectificatif. Amendement qui avait été adopté, avant que l’ensemble de la première partie ne soit rejeté par le Sénat. Cette proposition de prorogation du mécanisme visé par ce texte avait donc été une victime collatérale du débat général, et j’ai le sentiment qu’elle est ce soir moins menacée.

Je me réjouis également que la commission du Développement durable ait adopté cette proposition de loi à l’unanimité de ses membres, preuve que nous savons aussi reconnaître, au-delà de nos divergences, certains enjeux de filières d’emploi, et c’est le cas de la filière de recyclage des déchets électroniques.

Cela a été dit avant moi, la prorogation jusqu’à 2020 du mécanisme d’éco-participation répercutée à l’identique et affichée pour les équipements électriques et électroniques ménagers (EEE) est vitale pour cette filière industrielle encore jeune, car elle permet de sécuriser son financement.

Sur le plan environnemental, les écologistes soutiennent fortement le mécanisme d’éco-participation, fondé sur le principe « pollueur-payeur », et donc la responsabilisation des metteurs sur le marché pour la collecte et la valorisation des déchets électriques et électroniques ménagers, particulièrement polluants, d’autant plus qu’à côté des déchets historiques, on observe une consommation croissante de certains produits de hautes technologies, comme les smartphones et les tablettes, qui laisse entrevoir un gisement très important de déchets dans les années à venir.

Soutenir la filière DEEE, c’est également lutter contre l’export illégal de déchets électroniques. Malgré la Convention de Bâle, qui interdit la circulation de déchets dangereux depuis 1992, de nombreux pays industrialisés continuent d’exporter illégalement leurs déchets. Des éco-organismes opérationnels, tels que ceux créés en France, constituent les meilleures garanties et les moyens les plus efficaces pour contrôler les flux de DEEE. C’est une question importante qui illustre aussi les enjeux de contrôle des flux de marchandises, et donc la présence des agents de l’Etat dans les ports.

Autre atout de la filière, sur lequel il est essentiel de s’arrêter : sa dimension économique et sociale. La filière représente aujourd’hui 3 556 emplois temps plein (ETP) et un grand potentiel de création d’emplois si elle est soutenue dans les années qui viennent. Elément important pour notre groupe, cette filière offre des opportunités fortes d’emplois d’insertion dans le cadre d’entreprises relevant souvent de l’économie sociale et solidaire. Parmi les 3 556 ETP déjà cités, on compte 650 personnes en insertion et 460 compagnons d’Emmaüs.

On voit donc bien que la prorogation de ce mécanisme d’éco-participation, en ce qu’elle permet  de garantir son financement, est un enjeu majeur pour consolider une filière à haute qualité environnementale et à fort gisement d’emplois sur le territoire national.

Gérard Miquel l’a souligné, les objectifs européens deviendront de plus en plus ambitieux dans les années qui viennent, avec la collecte de 14 kg/an/habitant à horizon 2019, soit un doublement par rapport à ce qui est réalisé aujourd’hui (prévu par la directive 2012/19/UE du 4 juillet 2012, devant être transposée d’ici le 14 février 2014). Pour respecter ces objectifs, le mécanisme doit être conforté et les éco-organismes devront ajuster leurs barèmes, de façon à ce que l’éco-participation soit à la hauteur des coûts. La rationalité économique rejoint ici l’exigence environnementale puisque l’enjeu est bien de recycler et de réemployer au maximum les ressources nécessaires à la fabrication des équipements électriques, dont certaines sont coûteuses et vouées à s’épuiser, ou sont exploitées dans des conditions locales indignes, le coltan en République Démocratique du Congo par exemple. C’est aussi une réponse plus globale que nous ébauchons, car d’autres filières sont d’ailleurs encore à organiser, le coût de recyclage et de destruction restant pour les collectivités locales largement supérieur aux contributions.

Je relève aussi que les associations de consommateurs soutiennent ce mécanisme de répercussion à l’identique et d’affichage, pour sa transparence et son caractère anti-inflationniste : une enquête de 2012 de la CLCV (Consommation, Logement et Cadre de Vie) a  révélé que 85% des consommateurs interrogés sont favorables au maintien de l’affichage du montant de l’éco-contribution de façon séparée du prix du produit.

Je souhaite toutefois attirer votre attention, chers collègues, sur plusieurs éléments sur lesquels nous avons sans aucun doute de fortes marges de progression.

D’abord sur le respect de la loi. On observe en effet que certains sites de vente en ligne se soustraient à leurs obligations en matière d’affichage de l’éco-participation. Cette pratique illégale, en plus de mépriser l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, nuit aux filières éco-organisées, et par conséquent au recyclage des DEEE.

Autre point important : consolider les filières de recyclage n’est pas suffisant, nous devons simultanément jouer sur l’amont. C’est toute la filière industrielle qui doit repenser son modèle économique, dès la conception des produits. Les écologistes sont par exemple très attachés au développement de l’écoconception et à l’augmentation de la durée légale de garantie des produits, afin de lutter contre  l’obsolescence programmée, c’est-à-dire la désuétude planifiée des produits pour obliger à renouveler l’achat.  C’est bien nos modes de production et de consommation dans leur ensemble qu’il faut réinventer. En associant toujours le consommateur. J’ai bien noté, Mme la Ministre, vos références au développement de l’économie circulaire, le groupe écologiste constate avec plaisir que certaines idées progressent vite.

Nous attachons donc beaucoup d’importance au fait que ce mécanisme d’éco-participation fasse participer le consommateur à la politique de recyclage, en le sensibilisant sur son acte de consommation, car c’est bien la généralisation de comportements éco-responsables qui nous permettra d’atteindre nos grands objectifs environnementaux, et le groupe écologiste soutiendra évidemment cette proposition de loi. »