Le peuple turc coupé en deux entérine la victoire d’Erdoğan tout en exprimant une profonde fracture au sein de la société en Turquie. EELV demande la suspension de l’accord de coopération UE-Turquie et la fin de l’accord sur les réfugié-es.

 

Depuis des années, la Turquie s’enfonce dans l’autocratie. La tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016 en Turquie est devenue un prétexte supplémentaire à la mise en œuvre d’une répression, d’une propagande et d’une désinformation sans précédent contre l’ensemble des opposant-es au gouvernement d’Erdoğan et de son parti, l’AKP.

Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été arrêtées en raison de leurs opinions, dont des maires, des élu-es, des fonctionnaires, des magistrat-es, des militaires, des enseignant-es, des chercheur-es,  suspendu-es ou limogé-es, des centaines de milliers de citoyen-nes ont été sujet à des enquêtes ou à des jugements hâtifs sans motifs fondés et le pays vit une recrudescence des violences, dont des meurtres envers les opposant-es. Des députés du parti HDP, ainsi que des journalistes d’opposition sont actuellement détenu-es. 174 médias sont fermés, la liberté d’expression est muselée et 231 journalistes sont en détention. 98 000 personnes sont actuellement détenues dans les geôles turque suite aux purges.

Le référendum tenu ce jour, visant à transférer l’intégralité des pouvoirs exécutifs au Président de la Turquie, en supprimant les contre-pouvoirs et en lui laissant toute latitude pour nommer les ministres, les juges et les fonctionnaires, constitue une nouvelle étape dans l’autoritarisme, qui ferait de la Turquie une dictature constitutionnelle.

Les résultats sortis des urnes, avec le soupçon de trucages en faveur du oui, montrent que la société turque a su résister. De grandes villes comme Istanbul, Smyrne, Ankara ou Izmir ont voté contre et pourtant la première est la ville dont Erdoğan a été maire de 1994 à 1998. La Thrace, la côte égéenne, le sud, et certaines villes de l’est à importante population kurde, des villes habitées par des Alevis ont opté pour le non à plus de 48,76%, tandis que le centre de l’Anatolie et le nord ainsi que le sud-est, soutiens de l’islam rigoriste mis en marche par Erdoğan, ont voté oui à 51,23%.

Loin du raz-de-marée escompté par Erdoğan, la faible avance du “oui” révèle les divisions qui minent les populations sur le modèle de société qu’il propose. La vigueur du “non”, qui arrive quasiment au coude à coude avec le “oui’, relève de la résistance déployée en silence sous la répression du régime après la tentative de coup d’Etat est réelle et démontre que l’attente de démocratie est encore bien ancrée en Turquie.  Dans son discours de dimanche soir, le Président s’est d’ailleurs montré moins provocateur que d’habitude, probablement par crainte d’affrontements. Les forces démocratiques exprimées, qui inquiètent manifestement Erdoğan, doivent être soutenues par les forces démocratiques en dehors du pays, dont la France.

Europe Ecologie – Les Verts rappelle que la Turquie a toute sa place dans l’Union européenne, dès lors qu’elle respecte les principes fondamentaux de la démocratie et les applique. Avec l’établissement d’un régime autocratique défiant l’Occident, Erdoğan choisit toutefois une voie différente, plus proche du régime de Vladimir Poutine que d’une alliance avec l’UE. Tout accord de coopération entre l’Union européenne et la Turquie devrait être suspendu jusqu’au rétablissement de l’Etat de droit  et la libération des opposant-es et des personnes injustement arrêté-es ou démis-es de leurs fonctions. Une solution rapide devrait être également trouvée au conflit turco-kurde.

Enfin, l’Union européenne doit cesser de répondre au chantage de la Turquie sur l’accueil des réfugié-es : il est plus que jamais nécessaire de mettre fin à l’accord UE-Turquie en la matière, et de cesser de considérer la Turquie comme un état sûr pour les populations forcées de fuir leur pays d’origine.

 

Julien Bayou et Sandra Regol, porte-parole
Maire Toussaint, déléguée à l’Europe
Esther Benbassa, sénatrice du Val-de-Marne