Répondre à la crise du logement en construisant plus et mieux, tout en préservant les espaces naturels et agricoles : telle est l’ambition portée par la réforme de l’urbanisme et de l’aménagement menée par le gouvernement. Cette réforme, conduite par Cécile Duflot, ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, va impulser la transition écologique des territoires, en réconciliant développement de l’offre de logements et soutenabilité écologique, activité économique et préservation de la biodiversité.

Tous les dix ans, l’équivalent de la surface d’un département est soustrait aux espaces naturels et agricoles. Le Président de la République l’a réaffirmé lors de la Conférence environnementale, en septembre 2012 : la lutte contre l’artificialisation des espaces agricoles et naturels est une priorité du gouvernement. Les terres agricoles et naturelles ne doivent plus constituer une variable d’ajustement de l’urbanisation.

Parallèlement, il faut créer les conditions pour la construction de 500 000 nouveaux logements par an d’ici à 2017. C’est à la fois un engament de campagne du Président de la République, une nécessité pour répondre aux difficultés que connaissent les Français pour se loger et aussi un moyen de soutenir un secteur en difficulté, qui est un important gisement d’emplois non délocalisables, tant directs (construction, rénovation, gestion) qu’indirects (équipement des logements, services associés, développement de la ville).

Il faut donc construire plus, mais pas n’importe où.

Pour cela, il faut définir le cadre juridique d’une ville plus dense et moins consommatrice d’espace, d’engager un réel processus de modernisation des documents d’urbanisme pour engager la transition écologique des territoires, en encourageant la densification et en donnant un coup d’arrêt à l’artificialisation des sols.

La densification est la solution qui permet de construire là où sont les besoins sans artificialiser davantage en périphérie des villes. Aux antipodes de l’image parfois caricaturale des tours et barres d’immeuble qui caractérisent l’urbanisme des années 1960-70, la densité urbaine participe à la mise en place d’une fabrique de la ville durable.

Cette grande réforme de l’urbanisme va prendre principalement corps autour de deux vecteurs :

  • les mesures accélérées pour répondre à l’urgence, lever les freins pour permettre de construire plus de logements tout en luttant contre l’étalement urbain, feront l’objet d’ordonnances (voir page 23), comme l’a annoncé le Président de la République le 21 mars dans le cadre du Plan d’investissements pour le logement ;
  • les mesures structurelles, qui nécessitent une concertation et un débat parlementaires plus longs, seront prises en charge dans le projet de loi urbanisme-logement qui sera présenté en Conseil des ministres à l’été 2013.

 

 

DENSIFIER EN ZONE URBAINE POUR CONSTRUIRE LÀ OÙ SONT LES BESOINS

 

Faciliter la transformation de bureaux en logements

Dans les zones denses, des documents d’urbanisme anciens et parfois inutilement restrictifs constituent bien souvent des obstacles au développement de l’offre de logements.

Se trouvent ainsi inexploités des gisements fonciers, rapidement mobilisables pour le logement à moindre coût et situés dans des secteurs déjà équipés, urbanisés et desservis par les réseaux de transports. C’est le cas notamment d’un certain nombre d’immeubles de bureaux vacants : en Ile-de-France, où l’on manque de logements, plus de 2,5 millions de m² de bureaux sont inutilisés (dont au moins 500 000 m² le sont depuis plus de 4 ans).

Les obligations de réalisation de places de stationnement telles que fixées dans les PLU entraînent par ailleurs une hausse du coût des projets de construction, notamment dans les secteurs urbanisés où la disponibilité foncière est rare et où l’on n’a donc souvent d’autre choix que de construire des places de parking en sous-sol, ce qui coûte très cher et met en péril l’équilibre financier des opérations.

Pour l’instant, transformer des bureaux en logements est possible, mais il faut alors adapter le plan local d’urbanisme (PLU) par une procédure de modification, qui nécessite du temps – 4 à 6 mois – et représente un coût pour la collectivité.

Pour faciliter les projets de transformation de bureaux en habitation, dans les zones accueillant de l’habitat et où il existe une pénurie de logements, plusieurs dérogations aux règles de constructibilité fixées par les PLU vont être permises par voie d’ordonnance. Ainsi, la transformation en habitation d’un bâtiment existant affecté à une autre destination par reconstruction, rénovation ou réhabilitation sera autorisée, même si ce bâtiment :

  • dépasse le volume maximal ou la densité maximale de construction fixée pour les logements,
  • ne dispose pas des aires de stationnement prévues pour les logements.

Cette mesure, qui répond à la nécessité urgente de mettre des logements sur le marché, va réduire les coûts de construction et permettre des gains de temps importants.

 

Limiter les obligations réglementaires de stationnement

Des règles trop strictes en termes de stationnement conduisent à une augmentation du coût des projets de construction, qui peut entraîner leur abandon ou engendrer des surcoûts importants. En effet, la réalisation d’une place de stationnement coûte en moyenne 20 000 à 25 000 €. Certains plans locaux d’urbanisme fixent des contraintes disproportionnées, comme, par exemple, l’obligation de construire trois places de stationnement par logement dans le centre de certaines grandes agglomérations.

La plupart de ces règles sur le stationnement dans les documents d’urbanisme ne prennent pas en compte les évolutions en matière de déplacement de notre société, comme le déploiement de réseaux de transports collectifs de plus en plus denses dans les zones urbaines.

Enfin, la réalisation d’aires de stationnement, notamment celles à ciel ouvert, nuit souvent à la morphologie urbaine et contribue à l’étalement urbain, et donc à l’artificialisation des sols.

C’est pourquoi, le gouvernement va réduire les obligations de construction de places de stationnement imposées aux constructeurs de logements, dès lors que leur projet immobilier est situé à proximité de transports collectifs. Concrètement, il ne pourra pas être exigé plus d’une place de stationnement par logement dans ces secteurs.

Afin de tenir compte du contexte local, les documents d’urbanisme conserveront la possibilité de définir le champ d’application géographique de cette mesure. Cette disposition fera donc l’objet d’une mise en œuvre pragmatique tenant compte des études réalisées en termes de densité et de desserte en transport collectifs.

Ainsi, par exemple, dans les zones tendues, les obligations de stationnement fixées aux constructeurs ne pourront pas être supérieures à une place de parking par logement construit, dès lors que l’opération immobilière est située à moins de 500 m d’une gare ou station de transport collectif.

 

Surélever les bâtiments

Les règles de gabarit et de densité en milieu urbain s’appliquent uniformément zone par zone, sans que soit considéré le bâti existant, qui peut comporter des constructions très diversifiées. En conséquence, ces règles peuvent limiter la constructibilité dans des endroits où une prise en compte du projet au sein de son environnement immédiat permettrait de construire plus haut ou plus dense.

Il est actuellement possible d’adapter le plan local d’urbanisme par une procédure de modification, mais cela nécessite du temps – 4 à 6 mois – et représente un coût pour la collectivité.

Pour encourager la densification douce d’espaces déjà urbanisés, seront mises en place certaines dérogations aux règles du plan local d’urbanisme, ciblées et favorables à la surélévation d’immeubles et à l’alignement de la hauteur entre bâtiments mitoyens.

 

Construire sur les toits

Concrètement, dans les zones tendues, la création de logements par surélévation d’immeubles existants sera autorisée, même si :

  • ce bâtiment dépasse la densité maximale de construction fixée pour les logements par le plan local d’urbanisme, dans le respect du gabarit existant ;
  • ou si ce bâtiment ne dispose pas des aires de stationnement prévues pour les logements par le PLU.

Ajouter un ou deux étages à un bâtiment, là où c’est pertinent, permet d’exploiter un gisement sans artificialiser davantage et dans le respect de la qualité architecturale et de la morphologie d’un quartier.

 

Aligner la hauteur de bâtiments mitoyens

Concrètement, dans les zones tendues, un projet de construction prévoyant une hauteur identique à celle d’un bâtiment mitoyen déjà existant pourra déroger aux dispositions du plan local d’urbanisme relatives au volume de construction, à la condition que cette option ne compromette pas la qualité urbaine du secteur. Il s’agit là d’ajouter quelques étages sur les « dents creuses ».

 

Permettre la densification des quartiers pavillonnaires

Dans les zones tendues, les quartiers pavillonnaires, très peu denses, constituent un gisement de foncier qu’il convient d’exploiter pour construire des logements, tout en contribuant au renouvellement urbain de ces quartiers et en optimisant les équipements existants.

Le projet de loi urbanisme et logement prévoit une série de mesures qui créeront les conditions favorables à la densification de ces tissus pavillonnaires existants. Il s’agit en particulier de restreindre la possibilité pour les PLU de fixer une taille minimale de terrain et une densité maximale des constructions, deux éléments qui freinent la densification.

 

La suppression de la taille minimale des terrains

La loi urbanisme et habitat de 2003 permet de fixer une taille minimale des terrains pour préserver l’urbanisation traditionnelle ou l’intérêt paysager d’une zone. Cette disposition laisse place à l’interprétation, et il est apparu au fil du temps que nombre de PLU, même en zone tendue, avaient intégré une taille minimale de terrain dans certaines zones pavillonnaires classiques, gelant ainsi les possibilités de mutations du tissu urbain, et donc de densification.

Cette possibilité contribue à l’étalement urbain. C’est pourquoi elle sera supprimée.

La suppression du coefficient d’occupation des sols (Cos)

Le coefficient d’occupation des sols (Cos) est le rapport entre la surface de plancher construite et la superficie du terrain. Lorsqu’il s’applique uniformément à tous les terrains, quelles que soient leurs caractéristiques, le Cos donne une définition réductrice de la densité, qui empêche de caractériser la morphologie urbaine dans le cadre d’une réflexion en trois dimensions.

Son usage tend à décliner mais il reste utilisé par certaines collectivités, où il limite la constructibilité des terrains et empêche la densification de certains quartiers. Bloquant des possibilités d’extension de constructions existantes ou des projets de transformation de bureaux en logements, certains Cos rendent ainsi quasi inconstructibles des terrains qui pourraient accueillir des constructions de volume plus important.

Le Cos sera donc supprimé. L’éventail actuel des outils réglementaires (règles de hauteur, de recul ou de gabarit) permet, bien mieux que le Cos, d’orienter l’urbanisation en volume, de définir des règles concernant l’aspect extérieur des constructions, leurs dimensions et l’aménagement de leurs abords et donc de contribuer à la qualité architecturale et à l’insertion harmonieuse des constructions dans le milieu environnant.

DONNER UN COUP D’ARRÊT À L’ARTIFICIALISATION DES SOLS

 

Favoriser le reclassement en zones naturelles des anciennes zones à urbaniser

Le plan local d’urbanisme (PLU) d’une commune prévoit une définition du territoire en quatre grands types de zonages, selon la destination retenue pour chaque espace :

zones urbaines (zones U) : secteurs déjà urbanisés et où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir de nouvelles constructions.

zones à urbaniser (zones AU) : secteurs destinés à être ouverts à l’urbanisation.

zones agricoles (zones A) : secteurs à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

zones naturelles (zones N) : secteurs à protéger en raison de la qualité des sites, de l’existence d’une exploitation forestière ou de leur caractère d’espaces naturels.

 

Un zonage qui ne reflète pas toujours l’utilisation des terrains

En théorie, les zones AU sont destinées à être urbanisées à terme. Elles se déclinent en deux secteurs distincts :

les zones 1AU, qui sont constructibles : ces secteurs se caractérisent par la proximité de réseaux (voirie, eau, assainissement, électricité) susceptibles de desservir de futures constructions.

les zones 2AU, qui ne sont pas encore immédiatement constructibles : ces secteurs ne sont pas situés à proximité de réseaux (voirie, eau, assainissement, électricité) susceptibles de desservir de futures constructions ; leur ouverture à l’urbanisation est subordonnée à une modification du PLU.

On observe aujourd’hui dans les PLU un surdimensionnement des zones ouvertes à l’urbanisation, sans que cela ne corresponde à l’usage des terrains ni à la réalité des projets d’aménagement envisagés. Ainsi, bien souvent, sont classées 2AU des zones destinées à constituer une réserve foncière purement « théorique ». En outre, les zones 1AU sont trop souvent privilégiées pour l’accroissement d’une commune ou d’un quartier, au détriment d’une optimisation du tissu déjà urbanisé (zones U).

Reclasser en zones naturelles les anciennes zones à urbaniser

Afin de veiller au juste dimensionnement des ouvertures à l’urbanisation, deux dispositions sont prévues dans le projet de loi urbanisme et logement :

  • les zones classées 2AU il y a plus de 10 ans et qui ne font l’objet d’aucun projet d’aménagement seront reclassées en zones naturelles ;
  • si une collectivité prévoit de modifier son PLU pour faire passer une zone 2AU en zone 1AU, il faudra que ce soit sur la base d’une délibération motivée, démontrant que cette ouverture à l’urbanisation est rendue nécessaire par un tissu urbain (zones U) qui n’offre pas d’autres possibilités pour la construction.

 

Lutter contre le mitage en protégeant les espaces agricoles et naturels

Les territoires agricoles et naturels sont les premiers touchés par l’urbanisation. Ils sont victimes du mitage de l’espace. De plus en plus fréquent, ce mitage s’avère coûteux en termes d’équipements, de services publics et de réseaux. Il est en outre consommateur de terres cultivables et préjudiciable à la qualité des paysages.

Les mesures envisagées dans le projet de loi ont pour objectif de lutter contre cette pratique, en renforçant certains principes limitant la constructibilité.

 

Pour les communes non couvertes par un document d’urbanisme

Sur ces territoires généralement ruraux, le principe en matière d’urbanisation est que les terrains situés hors des parties urbanisées de la commune sont non constructibles. Toutefois, ce principe comporte des exceptions. Ainsi, la commune peut autoriser, sur délibération motivée du conseil municipal, des constructions et installations en dehors des parties urbanisées. Bien que théoriquement très encadrée, cette pratique est de plus en plus courante. Elle participe au mitage des espaces ruraux.

Pour limiter le nombre d’exceptions à la règle d’inconstructibilité, la possibilité de recourir à une délibération motivée du conseil municipal sera supprimée. En revanche, les dérogations déjà prévues par le code de l’urbanisme seront maintenues (constructions nécessaires à l’exploitation agricole ou à des équipements collectifs, constructions incompatibles avec le voisinage des zones habitées…).

Pour les communes couvertes par un document d’urbanisme

Pour les communes couvertes par un PLU, les terrains classés en zone agricole et naturelle ne peuvent accueillir des constructions que s’il s’agit d’installations nécessaires à l’exploitation agricole, à des équipements collectifs ou à des services publics.

Toutefois, le PLU peut délimiter, dans ces zones, des secteurs de taille et de capacité limitées, appelées des « pastilles », dans lesquels d’autres constructions peuvent être autorisées. Cette souplesse est destinée à permettre l’installation tout à fait fondée de gîtes ruraux ou de bâtiments de vente des produits de la ferme. Mais, bien que très encadrée, cette pratique engendre des abus, à la fois au niveau du nombre de « pastilles » ou de leur contenu. Elle participe ainsi au mitage des espaces ruraux.

Le projet de loi prévoit de rendre exceptionnelle la possibilité d’utiliser le « pastillage » en zone agricole et naturelle. Pour renforcer la maîtrise de l’urbanisation sur ces territoires, ces « pastilles » seront désormais délimitées avec l’accord du préfet et après avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles.

 

Renforcer le rôle des commissions départementales de la consommation des espaces agricoles

Créées par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010, les commissions départementales de consommation des espaces agricoles (CDCEA), présidées par le préfet, associent des représentants des collectivités territoriales, de l’État, de la profession agricole, des propriétaires fonciers, des notaires et des associations de protection de l’environnement.

Ces commissions ont démontré toute leur utilité dans le cadre de la lutte pour la préservation des terres agricoles. Cependant, l’avis obligatoire des CDCEA ne porte aujourd’hui que sur des projets ou des documents d’urbanisme entraînant la consommation de terrains classés en zone A (zone agricole) dans le plan local d’urbanisme (PLU). Ainsi, la CDCEA ne couvre pas les terres à usage agricole classées en zone naturelle et forestière (zone N), comme les pâturages par exemple.

Le projet de loi a pour ambition d’élargir le champ d’intervention des CDCEA à l’ensemble des espaces « d’usage agricole », qu’ils soient classés en zone A ou en zone N.

Pour les communes non couvertes par un document d’urbanisme

Actuellement, dans le cas de ces communes, les délibérations motivées prises pour autoriser certains projets en zones non urbanisées ne sont pas soumises à l’avis obligatoire des CDCEA. La consultation des CDCEA sera étendue à tous les projets de construction.

Pour les communes couvertes par un document d’urbanisme

Actuellement, l’élaboration ou la révision des PLU et des Scot ne sont soumises à l’avis obligatoire de la CDCEA que s’ils prévoient la réduction des périmètres des zones agricoles (zones A). Toutefois, certaines terres agricoles peuvent se trouver en zone naturelles et forestières (zones N), et leur devenir échappe ainsi à l’avis de la CDCEA.

Par conséquent, dans le cadre l’élaboration des documents d’urbanisme (PLU, Scot), le champ d’intervention des CDCEA sera élargi à l’ensemble des espaces d’usage agricole.

 

Réaliser des études de densification dans les documents de planification

Enjeu central du développement des territoires, la densité urbaine est la solution qui permet de construire là où sont les besoins, sans artificialiser davantage en périphérie des villes.

Les objectifs de densification et de lutte contre l’étalement urbain ne pourront être atteints que s’ils sont intégrés dans les documents d’urbanisme.

Pour les Scot : obligation de réaliser une étude de densification

Actuellement, le Scot peut subordonner toute urbanisation d’un secteur nouveau à la réalisation préalable d’une étude sur les possibilités de densification des zones déjà urbanisées. Il peut également définir des secteurs dans lesquels les PLU doivent imposer une densité minimale de construction. Ces mesures vont dans le bon sens mais ne sont aujourd’hui que facultatives.

Le projet de loi urbanisme et logement prévoit donc de rendre obligatoire cette étude de densification des formes urbaines pour tous les Scot, afin de fournir aux décideurs locaux un cadre de réflexion et les éléments d’un débat qui deviendra ainsi incontournable.

Pour les PLU : obligation d’élaborer une étude de stratégie foncière

Le plan local d’urbanisme (PLU) permet la mise en œuvre d’outils d’action foncière (droit de préemption urbain, emplacements réservés, calendrier d’ouverture à l’urbanisation…) et fixe les règles d’utilisation des sols. Il manque cependant aujourd’hui un diagnostic pour définir une véritable stratégie foncière.

Une étude de stratégie foncière, intégrant en particulier le diagnostic des possibilités de mutation et de densification, sera imposée dans le cadre de l’élaboration ou de la révision du PLU. Une telle étude permettra de repérer les gisements fonciers et de cartographier les espaces naturels à protéger. Elle constitue une réponse adaptée à la fois aux besoins en logements et aux enjeux de lutte contre l’étalement urbain.

MODERNISER LES RÈGLES D’URBANISME

 

Favoriser les plans locaux d’urbanisme intercommunaux

À l’heure actuelle, les communautés de communes et les communautés d’agglomération n’exercent pas de plein droit la compétence d’élaboration du plan local d’urbanisme (PLU). Or l’aménagement durable du territoire passe par l’élaboration de documents d’urbanisme à l’échelle intercommunale.

D’abord, la réalité du fonctionnement et de l’organisation des territoires fait de l’intercommunalité l’échelle pertinente pour coordonner les politiques d’urbanisme, d’habitat et de déplacements.

Ensuite, nous sommes aujourd’hui confrontés à des enjeux qui exigent d’être pris en compte sur un territoire large, cohérent et équilibré. Pour affronter les questions d’étalement urbain, de préservation de la biodiversité, d’économie des ressources ou de pénurie de logements, le niveau communal n’est plus le mieux approprié.

Enfin, l’intercommunalité, par la mutualisation des moyens et des compétences qu’elle permet, exprime et incarne la solidarité entre les territoires.

Le projet de loi permettra le transfert automatique de la compétence PLU aux communautés de communes et d’agglomérations. Le dispositif sera suffisamment souple pour qu’il soit adapté aux communautés dans leur grande diversité. Par exemple, le projet de loi aménagera les conditions dans lesquelles les plans locaux de l’habitat et les plans de déplacement urbain devront être intégrés ou non dans le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), en fonction de la taille des regroupements de communes.

Raccourcir les délais

Les délais et la lourdeur des procédures administratives comme du traitement des contentieux d’urbanisme sont pointés du doigt comme de véritables freins à la construction.

Une « procédure intégrée pour le logement » pour diviser par trois les délais de procédure administrative

Une procédure intégrée va permettre de faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement et de construction comportant principalement des logements et considérés d’intérêt général.

Elle comportera une évaluation des incidences environnementales avant de permettre, en tant que besoin, la mise en compatibilité et l’adaptation de plusieurs documents réglementaires en matière d’urbanisme, dans des délais raccourcis par rapport aux procédures classiques.

L’ordonnance précisera le champ d’application et les conditions de mise en œuvre de cette procédure. Elle exclura notamment la possibilité que la procédure intégrée puisse concerner les parcs naturels régionaux.

Les différentes étapes des procédures applicables en matière d’urbanisme seront ainsi simplifiées et fusionnées, ce qui permettra de conserver un niveau d’exigence environnementale égal tout en gagnant du temps et en réduisant les coûts.

Amélioration du traitement des contentieux d’urbanisme pour accélérer les délais

Autre élément qui pénalise les projets de construction de logements, en aval, cette fois, en repoussant la date de démarrage des travaux ou en mettant en péril les conditions de financement d’une opération : la durée de traitement des contentieux juridiques.

Le 11 février 2013, la ministre de l’Égalité des territoires et du Logement a missionné un groupe de travail présidé par Daniel Labetoulle, ancien président de la section du contentieux au Conseil d’État, pour expertiser les dispositions qui permettraient de fluidifier le fonctionnement de la juridiction administrative pour ce qui concerne les contentieux dans le secteur de l’aménagement et de la construction.

Le rapport, remis fin avril à la ministre, servira de base à l’élaboration d’un certain nombre de dispositions, comme :

La « cristallisation des moyens »

Actuellement, la phase contentieuse d’un recours contre un permis de construire peut être délibérément prolongée par le requérant, sur plusieurs mois voire plusieurs années, par l’ajout au coup par coup de nouveaux griefs contre un projet.

Il est envisagé de donner la possibilité au juge de fixer, au cas par cas, une date au-delà de laquelle de nouveaux motifs d’annulation du permis ne pourront plus être invoqués. Cette mesure permettra de contenir la durée de l’instruction des dossiers, tout en adaptant le délai à l’urgence et aux enjeux propres à chaque projet.

La régularisation du permis en cours d’instance

Aujourd’hui, l’annulation d’un permis pour un vice même mineur oblige le porteur du projet à repartir à zéro dans la procédure d’instruction administrative, à composer un nouveau dossier et à obtenir une nouvelle autorisation.

Désormais, le juge pourrait organiser une procédure de régularisation du permis de construire en cours d’instance, par exemple, lorsqu’un vice entraîne l’illégalité du permis alors que les autres motifs d’annulation ne sont pas fondés. Cette disposition vise à gagner du temps de procédure administrative, sans restreindre les droits des requérants.

La compétence de premier ressort des cours administratives d’appel

Accélérer le traitement des recours portant sur des opérations de construction de logements de taille importantes présente des enjeux forts, en particulier dans les communes où le déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraîne des difficultés sérieuses d’accès au logement. C’est pourquoi, dans un contexte d’engorgement des tribunaux administratifs, le transfert aux cours d’administratives d’appel d’une partie des litiges a du sens pour les projets les plus importants, au regard de l’intérêt public qui s’attache à leur réalisation rapide.

Ainsi, dans la trentaine d’agglomérations de plus de 50 000 habitants soumises à la taxe sur les logements vacants, c’est-à-dire là où les besoins de création de logements sont les plus importants, les cours administratives d’appel pourraient se voir transférer la compétence pour traiter les recours portant sur les plus gros projets, c’est-à-dire ceux qui prévoient la construction d’une surface de logements supérieure à 1 500 m².

Lutter contre les recours malveillants

Aujourd’hui, de nombreux recours à caractère mafieux sont déposés chaque année devant les tribunaux administratifs contre des permis de construire, dans l’unique but de monnayer le retrait du recours. La somme peut alors atteindre des montants très importants : plusieurs dizaines, voire centaines de milliers d’euros en fonction des enjeux du projet et de la « gourmandise » du demandeur.

Il faut mettre un terme à ces manœuvres abusives, qui empêchent la construction d’environ 25 000 logements par an. On estime, par exemple, qu’à l’échelle de Marseille, 5 000 logements sont impactés chaque année par des recours de ce type.

Le groupe de travail présidé par Daniel Labetoulle a proposé certains dispositifs qui vont servir de base à l’élaboration des mesures comme :

Encadrer dans le temps et dans l’espace l’intérêt à agir

Pour limiter les recours infondés contre les autorisations d’urbanisme qui engorgent les tribunaux, l’intérêt à agir des personnes physiques ou morales (autres que les associations agréées) susceptibles de pouvoir déposer un recours contre un permis de construire sera précisé.

Leur intérêt à agir pourrait être circonscrit à la fois dans le temps (en fonction de la date d’affichage en mairie de la demande du porteur de projet) et dans l’espace (une personne physique ou morale ne pourra déposer un recours que si la construction est de nature à affecter directement les conditions d’occupation ou d’utilisation de son bien).

Cette mesure est à l’image de ce que prévoit actuellement le Code de l’urbanisme pour les associations. En effet, le dépôt d’un recours par une association contre un permis de construire n’est recevable que si le dépôt des statuts de cette association en préfecture est intervenu avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.

Encadrer le régime des transactions par lesquelles il est mis fin à l’instance

Dans le contentieux de l’urbanisme, plus souvent que dans les autres branches du contentieux, il est mis fin à l’instance par le désistement du requérant.

Ce désistement, dont le juge prend acte sans en connaître ni en rechercher les motifs, est le plus souvent la résultante de discussions qui ont été engagées d’avocat à avocat, entre le bénéficiaire du permis de construire et le tiers qui conteste son projet en justice.

L’accord qui en ressort prend la forme d’une transaction par laquelle le requérant s’engage à se désister de l’action contentieuse moyennant soit une contrepartie financière, soit l’octroi d’avantages en nature ou encore la modification du projet.

Dans la majorité des cas, ces transactions non seulement n’ont rien de malhonnête, mais sont un instrument utile permettant de construire et de consolider des compromis raisonnables entre des intérêts initialement divergents.

Il arrive cependant, et c’est ce qui caractérise le recours mafieux, que la transaction soit l’aboutissement d’un processus de chantage exercé par un requérant.

Afin d’éliminer ce cas de figure, le régime des transactions sera moralisé, sans pour autant gêner ou empêcher la conclusion de transactions entre acteurs de bonne foi.

Ainsi, il est envisagé de soumettre à une obligation de transparence, qui passerait par une déclaration, auprès de l’administration des impôts, des transactions qui aboutissent à un désistement de la personne qui a engagé un recours contre un permis de construire, en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature.

Permettre au bénéficiaire du permis de construire de percevoir des dommages et intérêts

Aujourd’hui, il est possible de faire perdre beaucoup de temps et d’argent au porteur d’un projet d’aménagement qui, s’il obtient finalement gain de cause devant le juge administratif, ne peut demander aucun dédommagement. Or les recours abusifs visent justement à porter préjudice à un projet en le retardant ou en fragilisant son financement.

Il est ainsi envisagé que le bénéficiaire du permis de construire puisse demander au juge de condamner l’auteur du recours à lui allouer des dommages et intérêts en cas de préjudice anormal.

À noter que cette disposition ne s’appliquera pas quand le recours est déposé par une association de défense de l’environnement agréée.

Renforcer la participation des citoyens en amont des projets

Permettre la concertation du public là où elle n’est pas organisée

Le développement de la concertation dans les prises de décisions publiques constitue un enjeu de premier plan. Il permet de placer le citoyen au cœur de la conception des politiques d’urbanisme qui le concernent au quotidien, et ainsi de respecter pleinement le principe de participation du public défini dans la Charte de l’environnement.

Le droit actuel prévoit la réalisation d’enquêtes publiques en fin de procédure. Or la concertation préalable est essentielle à l’acceptation du projet et permet de limiter les risques de contentieux

Il existe déjà des procédures de participation du public pour les projet et documents d’urbanisme ayant une incidence importante sur l’environnement. Ainsi, un débat public doit être organisé pour les projets d’aménagement ou d’équipement à fort impact environnemental (construction d’autoroute, de ligne ferroviaire…). Pour l’élaboration ou la révision des documents d’urbanisme (Scot, Plu) et la création de Zac, une concertation doit être menée pendant toute la durée de l’élaboration du projet.

Toutefois, les autorisations individuelles dans les communes non couvertes par un document d’urbanisme ne font actuellement l’objet d’aucune participation du public.

Un certain nombre de dispositions sont prévues dans le projet de loi prévoyant que soient mis à disposition du public :

– les projets soumis à permis de construire situés dans une commune non couverte par un document d’urbanisme, lorsque l’autorité environnementale n’aura pas jugé nécessaire la réalisation d’une étude d’impact ;

– l’avant-projet (en amont même de l’enquête publique) dans les communes couvertes par un document d’urbanisme ; pour ne pas alourdir les procédures et encourager cette démarche participative, l’enquête publique prévue lorsque les projets sont soumis à étude d’impact serait alors supprimée.

Améliorer l’accès aux documents via un géo-portail de l’urbanisme

La diffusion des documents d’urbanisme sous forme dématérialisée, règlements et annexes graphiques, auprès de nombreux utilisateurs, acteurs de l’urbanisme ou grand public, est aujourd’hui assurée via une très grande multiplicité d’acteurs et de démarches.

Le gouvernement va donc mettre en place un géo-portail national de l’urbanisme centralisé, permettant une standardisation des données et un accès aux documents d’urbanisme dématérialisés.

La mise à disposition en ligne des règlements d’urbanisme, des servitudes d’utilité publique et de tout autre document relatif au droit de l’urbanisme opposable sur chaque parcelle du territoire est un instrument qui favorise l’égal accès de tout citoyen à une information de qualité et validée, notamment, par les collectivités et l’État. Outre l’amélioration de la connaissance des politiques publiques d’urbanisme, ce géo-portail est un vecteur de modernisation de l’administration.

> Photo : Xavier Cantat