LE DECRET SUR LES RYTHMES SCOLAIRES

Jusqu’à récemment la question des rythmes scolaires semblait consensuelle et la critique de la réforme de Xavier DARCOS unanime. La semaine de quatre jours créait chez l’enfant « une dette de sommeil » et une « désynchronisation des rythmes biologiques ». La pause du mercredi était donc jugée « délétère », selon le chronobiologiste Claude GRONFIER : « dans l’idéal, il faudrait revenir à une semaine de quatre jours plus une demi-journée, voire, mieux encore, quatre jours plus deux demi-journées ».[1] Pourtant, le décret proposé par le ministre a été rejeté par le CSE et a suscité un mouvement de grève le 22 janvier des enseignants parisiens (avec un taux de participation d’environ 80 %) [2] suivi de mobilisations en province le mercredi 23, date du passage en Conseil des ministres du texte sur la Refondation de l’école.

Le décret instaure un retour à la semaine à quatre jours et demi avec enseignement le mercredi matin (et non plus le samedi matin, seulement possible sur dérogation). Les journées d’école ne doivent pas dépasser cinq heures trente d’enseignement (trois heures trente le mercredi matin) et la pause méridienne doit être d’au moins une heure trente. Le temps scolaire reste donc le même. C’est le directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen) qui doit fixer l’organisation des rythmes sur proposition des conseils d’école et des maires. Ces derniers ont par ailleurs jusqu’au 1e mars pour décider s’ils appliquent la réforme dès 2013 ou attendent 2014. Les élèves ne quitteront pas l’école avant 16h30, ils se verront donc proposer des « activités pédagogiques complémentaires » prise en charge par les enseignants ainsi que des activités culturelles, artistiques et sportives prises en charge par les communes. Ces activités peuvent avoir lieu soit après les cours de l’après-midi soit lors d’une pause méridienne prolongée.

LES OPPOSITIONS AU DECRET

Si la nécessité d’une réforme des rythmes faisait l’unanimité, les oppositions sont apparues à partir du moment où on est sorti des débats généraux sur les principes et qu’on est entré dans le concret de la réforme. Les collectivités ont alors demandé à ne pas supporter la totalité du surcoût engendré par la réduction de la journée scolaire et les enseignants à être indemnisés de la demi-journée de classe supplémentaire. François HOLLANDE a alors accepté la création d’un fonds d’amorçage de 250 millions d’euros pour les communes qui acceptaient d’appliquer la réforme dès 2013 mais il faudrait au moins 400 millions d’euros et aucune aide financière n’est pour l’instant prévue pour les enseignants. Les bruits courent d’ailleurs aujourd’hui selon lesquels le fonds pourrait passer à 400 millions et que, suite à ce fonds d’amorçage, la CAF pourrait prendre le relais d’un soutien pour les années suivantes.

Côté syndicats, pour Sébastien SIHR, secrétaire général du SNUipp-FSU, cette réforme est un « bricolage ». Il condamne notamment le fait que ce n’est plus au conseil d’école mais au maire (ou au président de regroupement de communes) de prendre la décision de l’organisation horaire du temps scolaire et périscolaire alors qu’il faudrait une logique de partenariat qui implique les différents acteurs par le biais du conseil d’école. De plus, pour lui, « aujourd’hui, rien dans le décret ne garantit que tous les enfants bénéficieront d’activités périscolaires de qualité et gratuite. » In fine, il considère que « cette réforme va impacter leur temps de travail [des enseignants] alors qu’ils n’ont pas la garantie qu’elle sera meilleure pour les élèves et n’ont eu aucun engagement en matière salariale. Cela met en péril la dynamique de la réforme. »[3] Pourtant le temps scolaire n’est pas allongé, il est seulement réparti différemment sur la semaine. Il faut rappeler que la durée annuelle d’école est de 144 jours, ce qui fait de la France une exception décriée (43 jours de moins que la moyenne de l’OCDE) dès la mise en place de la réforme de Xavier DARCOS.

Le syndicat demande donc un report de la réforme pour organiser une concertation (alors qu’une concertation sur les rythmes scolaires a été lancée dès 2010 et que ses résultats étaient unanimes sur le retour à 4 jours et demi de classe et qu’une nouvelle concertation ainsi que des négociations avec les syndicats ont été organisées par Vincent Peillon depuis son arrivée rue de Grenelle) [4]. De plus, il craint aussi que le projet « porte en germe la territorialisation du service public d’éducation ». De son côté, la FCPE s’est abstenue car le décret encadre trop le temps scolaire et ne laisse pas assez de place aux adaptations locales. Son amendement demandant que le temps scolaire ne soit pas supérieur à 5 heures par jours, devoirs inclus, a été rejeté.

Dans son avis sur le projet de loi global, le Cese (Conseil économique, social et environnemental) a fait quelques recommandations concernant les rythmes pour mieux équilibrer les rapports entre le cadre national et les adaptations aux spécificités locales : « L’équilibre à trouver doit d’une part passer par un cadre national indispensable comportant les éléments de cohérence du système éducatif : horaires d’enseignement en lien avec les programmes, calendrier des vacances, maxima horaires et hebdomadaires différenciés selon les âges. » « Il doit passer d’autre part par une traduction locale de ce cadre national en fonction des réalités vécues dans le cadre d’un projet éducatif local, en trouvant le bon niveau de
déclinaison locale. ».

LA POSITION DES ECOLOGISTES

Les écologistes soutiennent la réforme des rythmes scolaires et leur mise en application rapide. Ils sont cependant favorable à une mise en place concertée localement via les conseils d’école (et non les maires ou présidents d’EPCI) et, surtout, via la mise en place de véritables projets éducatifs territoriaux. Les projets éducatifs locaux existent depuis les années 1980, ils ont deux objectifs, mettre en cohérence les activités scolaires et périscolaires et répondre aux inégalités sociales des territoires, en mettant autour de la table l’ensemble des acteurs qui s’occupent de l’éducation des enfants au sens large (Education nationale, collectivités locales, CAF, enseignants, parents d’élèves…). Ils définissent des priorités sur un territoire (commune ou communauté de commune) qui sont ensuite déclinés en actions concrètes dans les écoles, les quartiers, etc. Les écologistes ont soutenu ces PEL et soutiendront donc la mise en place et la généralisation des projets éducatifs territoriaux. Ils considèrent que c’est dans ce cadre que la réforme nationale des rythmes scolaires doit être concrétisée localement.

Enfin, s’ils rejettent les arguments qui se cachent derrière un soi-disant bien-être de l’enfant (puisque tous étaient unanime jusqu’à il y a quelques semaines pour demander le retour à la semaine à 4 jours et demi au nom du bien-être de l’enfant !), ils soutiennent les revendications de revalorisation du statut de professeur des écoles. En effet, ces derniers sont mal rémunérés en comparaison avec leurs homologues du secondaire ou leurs collègues des pays voisins [5].

 

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1. GRONFIER Claude, « Quel rythme scolaire idéal pour les enfants ? », Propos recueillis par Chloé DURAND-
PARENTI, Le Point, 14 juin 2010.
2. CEDELLE Luc, « Primaire : la grève troublante », Blog Education Le Monde, 22 janvier 2013.
http://education.blog.lemonde.fr/2013/01/22/primaire-la-greve-troublante/
3. SIHR Sébastien, « Rythmes scolaires : ce qui inquiète les enseignants », Propos recueillis par Lucie DELAPORTE,
Médiapart, 12 janvier 2013.
4. MISSIR Marie-Caroline, « Rythmes scolaires : pourquoi la grève des enseignants parisiens est injustifiée », L’Express,
21 janvier 2013.
5. « Globalement les salaires de début des enseignants français sont parmi les plus bas d’Europe de l’ouest. Ils sont
au niveau des salaires anglais ou italiens mais plus bas que les salaires espagnols ou d’Europe du nord. Par contre les
salaires de fin de carrière sont comparables à la plupart des pays européens. Là la particularité de la France c’est que
ses enseignants sont beaucoup plus jeunes que ceux des autres états européens. Le salaire moyen est donc en retrait par
rapport à nos voisins.
Mais la principale particularité de la rémunération des enseignants français c’est son évolution. De 2000 à 2010,
les enseignants français et japonais sont les seuls de tous les pays de l’OCDE à avoir régressé. Partout ailleurs les
enseignants ont gagné en niveau de vie, en général autour de 20% parfois beaucoup plus comme en République tchèque
où les salaires ont doublé.
Depuis 2010, les enseignants français ont continué à voir leur niveau de vie décroitre. Mais du fait de la crise
économique ils ne sont plus seuls. Les pays les plus gravement touchés par la crise financière ont baissé la
rémunération des enseignants comme des fonctionnaires en général. Ainsi en Grèce, ils ont diminué d’environ 20%; en
Espagne et en Italie de 5%; au Portugal les professeurs ont vu disparaitre leur 13ème et 14ème mois…
Le dernier point remarquable des salaires des enseignants français c’est leur écart avec le salaire moyen d’un diplômé
de l’enseignent supérieur. Il y a des pays où être enseignant permet de gagner plus que ce que l’on obtiendrait dans
une entreprise. C’est le cas en Espagne, en Allemagne, en Angleterre par exemple. En France, quand on est diplômé du
supérieur, on perd en rémunération en devenant enseignant. »In JARRAUD François, « Salaire : Les professeurs français champions du monde de la perte de pouvoir d’achat », Café
pédagogique, 15 octobre 2012.

Sophie Bossy – 23 janvier 2013