Le débat parlementaire est clos. La décision est prise, nous n’aurons pas les 5 millions nécessaires au budget de Sevran. Nous avons combattu et espéré. Des milliers de personnes, des dizaines de communes ont espéré. La réponse du Premier ministre, le texte qu’il a fait voter à l’Assemblée nationale est une humiliation pour les six millions d’habitants des banlieues, pour les dizaines de communes pauvres et, au-delà, toutes celles qui sont dans de grandes difficultés face à la crise.

La conception de la République de Monsieur Ayrault n’est pas à la hauteur de la crise. La conception de la République de Monsieur Ayrault est coupée des réalités. La décision imposée par Matignon sans dialogue, sans concertation avec moi et mon équipe est un acte de mépris . C’est la preuve terrible de l’incompréhension qui préside aux rapports entre des responsables comme Monsieur Ayrault et la banlieue. Il y a de la morgue dans ce refus du Premier Ministre à construire dans le dialogue une solution. Dont acte.

Très concrètement, ce refus des cinq millions d’euros signifie que nous n’aurons pas les prêts de la Caisse des dépôts et que nous n’allons plus pouvoir payer les entreprises, que les chantiers de la commune s’arrêtent. Agrandissement d’écoles, rénovation urbaine, réalisation d’équipements publics… tout devra être stoppé.

Je demande donc à Monsieur Ayrault de m’accompagner pour expliquer aux PME qu’elles ne seront pas payées, de venir avec moi et les responsables de ces PME annoncer aux salariés et à leurs familles qu’ils vont perdre leur emploi.

J’invite Monsieur Ayrault à venir avec moi rencontrer les habitants de tous les quartiers leur expliquer l’arrêt des chantiers d’écoles, d’équipements public et de rénovation urbaine.

Après la désindustrialisation des années 80-90, c’est pour Sevran un nouveau coup porté à son avenir. Pour toutes nos communes, c’est un nouveau coup porté à la solidarité.

La crise est encore très destructrice et le sera sans doute plus encore demain qu’aujourd’hui. La banlieue va continuer à la subir de plein fouet.

Nous gérons à Sevran un budget d’austéritė et de rigueur depuis 11 ans. Aujourd’hui, tout le monde sait bien que ce que nous faisons à Sevran avec 35% de recettes de moins que des communes de même taille – soit 30 millions d’euros de moins par an – sera bientôt le lot de toutes les collectivités locales. Même les maires assis sur de véritables coffres forts devront réduire leurs dépenses et partager leurs ressources. Tout le monde sait que nous allons vers des modèles de gouvernance plus économes et plus redistributifs. En refusant les 5 millions à Sevran, le Premier Ministre sanctionne une bonne pratique de la gestion communale dans la crise. Il nous casse les jambes en plein effort d’adaptation au monde nouveau dans lequel nous entrons.

Nous nous relèverons à nouveau malgré les obstacles venant du cœur même de nos institutions. La situation ne pourra durer longtemps comme ça. Autour de la grève de la faim que j’ai organisé au nom de mes concitoyens par fidélité pour mes engagements de maire et parce que c’était le seul moyen de se faire entendre de tous, un débat nouveau s’est créé. Un forum citoyen entre habitants des banlieues, parisiens, journalistes, et politiques s’est instauré. Ce forum va continuer. Aujourd’hui il prend encore la forme de la grève de la faim, demain il se transformera et il perdurera.

Un espoir nouveau doit naître car un gouvernement ne peut se maintenir longtemps dans l’injustice.

Beaucoup de députés de gauche et de droite, au premier rang desquelles on trouve mes amis écologistes, m’ ont manifesté leur soutien. Ils ont su respecter et encourager le combat des banlieues pour l’équité.

Je veux saluer le courage et l’amitié dont a fait preuve le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls. Je sais le risque politique qu’il a pris. Il fait partie avec Claude Bartolone de ces politiques responsables avec lesquels nous partageons, malgré nos divergences, le même langage et les mêmes préoccupations.

Stéphane Gatignon